Des coupes et des plantations pour reconstituer la forêt domaniale de Montmorency atteinte par la maladie de l’encre

La maladie de l'encre du châtaignier prend de l'ampleur en Île-de-France et touche particulièrement la forêt de Montmorency (Val-d'Oise), diagnostiquée en crise sanitaire depuis 2018. L'Office national des forêts (ONF) concentre son action en faveur de la reconstitution de ce massif : coupes de bois et plantations se poursuivent. Voici les actions menées en 2022.

La forêt domaniale de Montmorency s’étend sur 1 970 hectares à 20 kilomètres au nord de Paris. Elle est essentiellement constituée de châtaigniers qui représentent 70% de ses peuplements. Elle est gérée par l’Office national des forêts (ONF). Touché par la maladie de l’encre qui n’affecte que les châtaigniers, ce massif est diagnostiqué en crise sanitaire par le département Santé des forêts du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire depuis l’automne 2018.

En 2022, plus de 500 hectares de la forêt sont atteints par cette maladie. Ce phénomène a été observé pour la première fois au début des années 2010 par l'ONF avec l’expertise du département Santé des forêts et d'INRAE grâce à des analyses en laboratoire.

©Ysatys Nadji / ONF

Ce diagnostic de crise sanitaire signifie que l’ONF mobilise l’ensemble de ses actions en faveur de la reconstitution de la forêt. Cette reconstitution a débuté en 2018 et durera au moins six ans. 

Devant l’ampleur de la crise, la coupe des arbres morts ou moribonds suivie de plantations est la seule action possible et indispensable pour aider la forêt à cicatriser et apporter de la diversité dans les zones les plus touchées.

En Île-de-France, l'encre du châtaignier se développe à cause du changement climatique

Chataigniers morts suite à la maladie - ©Ysatys Nadji / ONF

Le saviez-vous ? La maladie de l'encre est due à un pathogène microscopique présent dans le sol. Il se propage d’arbre en arbre dans l’eau du sol et provoque la nécrose des racines par lesquelles les arbres se nourrissent. Avec un système racinaire défaillant, et des épisodes de sécheresses estivales de plus en plus marqués, les châtaigniers ont du mal à s’alimenter en eau et flétrissent, ce qui entraîne leur déclin. 

Présente depuis des siècles dans le sol, la maladie de l'encre est due à un pathogène microscopique appelé Phytophtora qui se propage grâce à l’eau présente dans les sols et provoque des nécroses aux racines. Cette maladie a fait des dégâts considérables dans la châtaigneraie française entre la fin du XIXe et la première moitié du XXe siècle. Puis elle est restée "silencieuse" pour réapparaître dans les années 1990-2000 dans les régions soumises au climat atlantique. On constate un développement de cette maladie en Ile-de-France ces dernières années, en raison de printemps humides qui ont engorgé les terrains favorisant la multiplication et le déplacement du pathogène dans le sol. Cette maladie concerne toutes les châtaigneraies du nord-ouest de la France. 

Il n’y a pas de traitement pour lutter contre cette maladie.

Une priorité : la sécurité des usagers

En forêt de Montmorency, la plus fréquentée du Val d’Oise, la sécurité des usagers est la première préoccupation des forestiers. Les châtaigniers malades sont dangereux,  leur chute peut provoquer des accidents aux personnes et aux biens.  Les coupes sanitaires visent aussi à sécuriser les bords de chemins, les allées et les lieux d’accueil du public : aires d'accueil, parkings... Cet entretien a lieu en temps normal dans les secteurs très fréquentés.

Afin de reconstituer la forêt et d'assurer la sécurité de tous, l’ONF procède à des coupes de bois importantes provoquant des trouées dans la forêt, ce qui impacte le paysage forestier. Intervenir en une seule fois limite le tassement des sols. De plus, les forestiers préservent et conservent tous les arbres des autres essences quand la coupe ne met pas en péril leur développement.

©Ysatys Nadji / ONF

Comment se déroulent les coupes de bois ?

Les exploitations sont réalisées par l’ONF en bois façonné : l’établissement prend la responsabilité de l’organisation des exploitations afin de mieux maîtriser la qualité des chantiers, le respect des calendriers et la remise en état des lieux. Les coupes de bois sont réalisées grâce à une abatteuse mécanisée qui accélère des travaux sylvicoles.

Illustration d’une coupe sanitaire. - ©ONF

Depuis 2018, reconstituer le massif

Face à cette crise accélérée par le réchauffement climatique, l'Office programme des plantations d’essences résistantes au pathogène, adaptées au sol et au climat, pour assurer une forêt résiliente pour les générations futures. Une très grande variété d’essences est prévue : chêne sessile (en essence socle), mais aussi alisier torminal, merisier, sorbier des oiseleurs, cormier, chêne pubescent, tilleul à petites feuilles, érable plane, érable champêtre ou encore pin laricio.

Au total pendant la campagne de plantation de l’hiver 2021-2022 c’est plus de 92 000 arbres qui ont été plantés en remplacement des châtaigniers coupés.

Pour l'hiver 2022-2023, l'ONF prévoit de replanter 69 hectares.

Cartographie des plantations réalisées et programmées. - ©ONF

Depuis 2017, l’ONF a procédé à la coupe et à la replantation de 114 hectares de forêt touchée par la maladie de l’encre du châtaignier, soit 124 000 arbres. A terme, l’Office va procéder à la plantation de centaine de milliers d’arbres :

  • Hiver 2021-2022 : 96 hectares ;
  • Hiver 2020-2021 : 21,52 hectares ;
  • Hiver 2019-2020 : 58,6 hectares ;
  • Hiver 2018-2019 : 17,34 hectares ;
  • Avant 2018 : 16,43 hectares.

Pour la saison prochaine, à ce jour, il est prévu de couper et de replanter 69 hectares. Les travaux d’exploitation sont en cours. Les plantations auront lieu à l’automne/hiver 2021/2022. Il s’agit de parties des parcelles 14, 18, 20, 26, 29, 49, 50, 57, 73, 82, 123, 126, 127, 147, 173, 174, 183, 186, 210, 214, 223, 224, 227, 228, 239, 246 et 248.

©ONF

Quel est le coût de la reconstitution de la forêt ?

Pour l'information de tous, l’Office dresse le bilan de ces opérations de coupe et de reboisement : 

  • Les châtaigniers coupés sont le plus souvent de jeunes arbres (30 à 60 ans) touchés par la maladie.
  • Leur valeur économique est faible.
  • Le bois issu de ces coupes n’est pas gâché. Il peut être utilisé en bois de chauffage (bûches et plaquettes forestières pour alimenter les chaufferies bois de la région parisienne) ou en bois d'industrie (panneaux de particules) mais très peu en bois d’œuvre.

Les dépenses comprennent les travaux d’exploitation, les travaux préparatoires à la plantation (broyage des branches, préparation du sol), la fourniture des plants et des protections (contre les ongulés) et leur mise en terre et l’entretien des plantations pendant plusieurs années.

Au bilan, la recette par la vente du bois est dans une fourchette de 6 à 8 000 € par hectare. Les coûts de l’ensemble des travaux de reconstitution : 14 000 € par hectare. Soit le double de la recette.

En 2022, l’État s’engage aux côtés de l’ONF pour financer partiellement le reboisement des forêts françaises impactées par le changement climatique. Ces formidables puits de carbone jouent un rôle majeur dans la transition écologique et l’objectif neutralité carbone fixé pour 2050. Toutes les plantations menées en 2021 et 2022 seront ainsi financées par l’État dans le cadre du plan de relance.

Parcelle replantée en forêt de Montmorency - ©Ysatys Nadji / ONF

Les forestiers guidés par satellite

Récemment, de nombreuses images satellitaires ont été mises à la disposition des forestiers. Ces images, prises par le satellite Sentinel-2 notamment qui passe quotidiennement au-dessus de nos têtes, constituent une source d’informations très intéressante pour le suivi de la forêt en général et des problèmes sylvosanitaires en particulier.

Cette méthode de suivi utilise des images satellite et des données issues du terrain, fournies par les forestiers et les chercheurs, les faisant corréler ensemble. Puis des algorithmes d'intelligence artificielle, après croisement et vérification, permettent de générer des cartes forestières présentant l’état sylvosanitaire des peuplements de châtaigniers. Ce qui permet ensuite de planifier et prioriser leurs actions sylvicoles.

 

Cartographie des dépérissements de châtaigniers en forêt domaniale de Montmorency grâce aux images satellites. - ©ONF

Ce projet inédit en France, est le fruit d'un travail collaboratif réalisé par une équipe constituée de forestiers de l'ONF, du CNPF (Centre national de la propriété forestière) et de spécialistes du DSF (Département de la santé des forêts du ministère de l'Agriculture et de l'alimentation) et de chercheurs INRAE.

Grâce à ces cartes, on estime aujourd’hui qu’au moins 50% des peuplements de châtaigniers de la forêt de Montmorency sont aujourd’hui touchés et 34% des peuplements de châtaigniers franciliens sont fortement impactés par la maladie. On peut craindre que le phénomène prenne de l’ampleur alors que le châtaignier est la deuxième essence forestière la plus représentée en Ile-de-France après le chêne.