Phragmipedium lindleyanum, une orchidée rare de Guyane, indicatrice d’un bon état de conservation des milieux

Phragmipedium lindleyanum est une orchidacée terrestre rare en Guyane inféodée aux inselbergs. Lors du nouveau plan de gestion de la Réserve naturelle nationale de La Trinité, elle a été identifiée comme une des espèces susceptibles d'être indicatrices d'un bon état de conservation des milieux.

Cette orchidée terrestre pousse en sous-bois de forêt basse sur affleurements rocheux humides et en lisière de "savane-roche" caractéristique de Guyane. C'est une espèce d'écotone, c'est à-dire qu'elle est présente dans les zones de transition dynamique entre deux écosystèmes.

Elle a donc fait l'objet en 2018, d'une première étude sur le secteur de la Roche Bénitier avec la mise en place de deux quadrats de 100 m² sur deux stations. Ces quadrats ont pu être inventoriés et analysés de manière à comprendre un peu mieux l’écologie spécifique du Phragmipedium lindleyanum sur le massif de la Roche Bénitier. Ces stations situées à environ 420 mètres d’altitude n’ont pas d’exposition dominante. Un microrelief est perceptible sur chaque station avec une pente de 11 à 15%.

Inselberg de la Roche Bénitier de La Trinité - ©Luc Ackermann / ONF - RNN de La Trinité

Une espèce vulnérable

Phragmipedium lindleyanum, découverte en 1979 en Guyane (Cremers & Hoff, 1992), est inscrite dans la Liste rouge mondiale des espèces en danger de l’UICN en catégorie vulnérable (VU). Elle est protégée en France par l’arrêté ministériel du 9 avril 2001 relatif à la liste des espèces protégées en région Guyane.

Les relevés de flore réalisés dans les deux placettes mettent en avant une strate arbustive dominée par les clusiacées, malvacées, myrtacées et rubiacées. Deux espèces sont dominantes - Clusia blattophila et Pachira flaviflora - avec des taux de recouvrement de 25 à 75%. Les hauteurs notées s’échelonnent de 3 à 5 mètres pour des diamètres mesurés à 1,30 mètres, de 3 à 16 centimètres.

En termes d’habitat, nous sommes en présence de "fourré à Clusiacées". La strate herbacée qui comprend le Phragmipedium lindleyanum est dominée par des cyclanthacées et myrtacées dans une placette avec Stelestylis surinamensis et Myrcia sylvatica, et une cypéracée, Mapania effusa dans l’autre placette. D’autres orchidacées sont présentes dans les placettes, comme Encyclia granitica et Epidendrum nocturnum.

Les données récoltées montrent une forte densité locale dans les stations avec environ 50 pieds par quadrats. Même si la densité des deux placettes reste similaire, les structures des deux populations sont différentes avec des individus "plus âgés" dans une placette et plus florifère.

L’explication probable doit venir de l’historique différent des deux fourrés à Clusia, avec une implantation plus récente pour l’autre placette, plus proche également de la savane-roche.

Les deux placettes en détails

Les pieds étudiés sur les placettes se présentent sous forme de pied individuel ou en touffes multiples, moyenne par placette de 2 à 3,5 divisions (extrêmes de 1 à 18). De 19 à 31% des touffes possèdent au moins une ancienne inflorescence sèche et 17 à 24 % une inflorescence de l’année. Le nombre de divisions des touffes par placette permet d’entrevoir des "classes d’âge", avec une dominance des classes 2-3 pour une station contre uniquement la classe 2 pour l’autre station.

Pour une placette, les individus "plus âgés" sont déterminés par un nombre de divisions deux fois plus importante, et une ramification extrême de 18.

Cette première étude, permet de :

  1. Mieux cerner l’écologie spécifique de Phragmipedium lindleyanum sur le massif de la Roche Bénitier conformément à une fiche action du plan de gestion de la réserve naturelle de La Trinité
  2. De poursuivre la réflexion sur l’opportunité du choix de Phragmipedium lindleyanum comme espèce bio-indicatrice d’un bon état de conservation des inselbergs sur le long terme. Le genre Phragmipedium occupe une place à part dans les orchidées de Guyane. Pour l’espèce lindleyanum, sa niche écologique particulière et sa rareté conduisent naturellement à en faire une espèce "parapluie"*

A travers son étude, toute une communication et une sensibilisation peuvent être envisagées, ciblées sur la diversité et la fragilité des milieux et des espèces.

*Une espèce parapluie est une espèce dont l'espace vital est très vaste : pour la protéger, la restauration et la protection de son habitat sont essentielles, ce qui par voie de conséquence améliore l'habitat d'un grand nombre d'autres espèces du même milieu.

Et aussi :