Restitution finale du projet “Gestion forestière et changements climatiques en Guyane française (GFClim)"

Le projet Gestion forestière et changements climatiques en Guyane française (GFClim), financé par le fonds européen Feder 2017-2020, mené par le CIRAD en collaboration avec l’Office national des forêts (ONF), avait pour objectif d’apporter des pistes d’actions permettant d’améliorer la résilience des massifs forestiers en Guyane française. Les résultats de cette recherche sont présentés.

Les forêts de Guyane française sont considérées comme vulnérables aux changements climatiques. Les dernières projections du GIEC au niveau global indiquent une diminution des précipitations de l’ordre de 20-30 % à l’horizon 2100 selon le scénario tendanciel "RCP 8.5, business-as-usual". Le projet GFClim a pour ambition de comprendre quelles sont les conséquences des changements en cours sur le fonctionnement des forêts du domaine forestier permanent (DFP) guyanais et d’adapter les modes de production actuels afin de diminuer l’empreinte carbone de l’exploitation forestière et d'adapter l’exploitation aux nouvelles contraintes climatiques.

L’équipe pluridisciplinaire, issue du Cirad et de l'Office national des forêts (ONF) composée de forestiers, d’écologues, d’écophysiologistes et de modélisateurs des écosystèmes, a cherché à comprendre la réponse des forêts guyanaises aux effets combinés de trois facteurs déterminants les équilibres actuels :

  • Quelles conséquences des changements climatiques sur le développement de la filière bois et sur les services écosystémiques rendus par la forêt ?
  • Quelles sont les conséquences de l’augmentation de l’exploitation forestière sur le bilan carbone de la filière bois guyanaise ?
  • Quels seront les impacts des différents modèles de gestion forestière sur le carbone et sur les équilibres socio-économiques ?
Réduire les impacts de l'exploitation forestière sur les peuplements. - ©Olivier Brunaux / ONF

Les deux volets du projet GFClim pour répondre à ces questions

Le 1er volet concernait la recherche de compromis entre production de bois et services écosystémiques, et en particulier le stockage de carbone dans un objectif de contribution des forêts et de la filière forêt-bois guyanaise à l’atténuation des changements climatiques.

Dans cet objectif, le scénario qui ressort nettement en termes de performance sur la prise en compte des différents services écosystémiques est d'optimiser l’exploitation de la forêt naturelle tout en engageant rapidement une transition vers un modèle de plantations sylvicoles durables.

Les plantations sont donc une voie prometteuse pour maintenir ou accroître la production de bois tout en maintenant un bilan carbone favorable, à condition :

  • de privilégier les plantations forestières sur des parcelles déjà exploitées, ou mieux encore, sur des sites dégradés (forêts secondaires),
  • que les zones défrichées pour mettre en place ces plantations, soient utilisées pour plusieurs cycles de plantation et non pas converties en autre usage du sol après la première récolte (l’augmentation des émissions carbone et les coûts importants liés à l’enlèvement de la couverture forestière ne se justifient que si les plantations sont maintenues sur le long terme),
  • que les bois issus de ces défriches soient valorisés, en priorité en bois d’œuvre puis en bois énergie.

Le 2e volet concernait l’avenir des forêts de production face aux changements climatiques. L’utilisation du modèle FORMIND a permis de simuler le devenir des forêts guyanaises sur des pas de temps long (300 ans) en considérant différents scénarios climatiques et d’exploitation.

Les résultats montrent qu’une augmentation des températures et une diminution des précipitations résulteraient en une diminution de la biomasse épigée (au-dessus du sol) des forêts, ce qui se traduirait par une diminution des capacités de production de bois et de stockage du carbone. Ceci est valable tant en forêts non exploitées qu’en forêts exploitées.

Le saviez-vous ?

FORMIND v3.2 est un simulateur de type "gap-model" basé sur les processus et les individus qui décrit la structure et la dynamique verticale et horizontale de la forêt en pixels de 20 x 20 m. Il comprend quatre processus fondamentaux calculés du point de vue du bilan carbone : la production, la mortalité, le recrutement et la compétition.

Plantation de Cèdre Sam, Cordia alliodora - ©Olivier Brunaux / ONF

Par ailleurs, le projet GFClim a permis de tester la vulnérabilité démographique (en termes de mortalité et de croissance) et physiologique, de respectivement seize et neuf essences commerciales guyanaises, en réponse au stress hydrique.

Les résultats montrent que la majorité de ces espèces verront leur croissance diminuée par une augmentation du stress hydrique. Avec des résultats importants sur les deux essences de loin majoritaires dans la production de bois d’œuvre guyanaise (Angélique et Gonfolo rose) qui ont montré une vulnérabilité au stress hydrique tant en termes démographique que physiologique.

L’adaptation de l’exploitation forestière aux changements climatiques devra donc passer par une diversification des essences exploitées permettant de diluer les risques, ainsi qu’une utilisation accrue d’essences pour l’instant non majoritaires dans les volumes de bois d’œuvre mais présentant une vulnérabilité moindre au stress hydrique.

Un nouveau projet GFClim-2 pour poursuivre la recherche

La consolidation du scénario qui sera choisi passe par la poursuite des travaux (en intégrant les zones hors domaine forestier permanent (HDFP) ainsi que les critères de biodiversité non abordés dans GFClim), dans le cadre d’un nouveau projet GFCLIM2 qui sera proposé au prochain Feder 2021-2027, afin que la Guyane se donne les moyens d’étayer ces décisions quant au modèle sylvicole de demain basé sur de solides fondations.

Les auteurs

Olivier Brunaux - responsable du Pôle RDI ONF de Guyane, réserve de Montabo Cayenne.
Caroline Bedeau
- Chargée de recherche au Pôle RDI ONF de Guyane, réserve de Montabo Cayenne.
Géraldine Derroire
- Chargée de recherche au Cirad, Campus Agronomique de Kourou.
Bruno Hérault
- Chercheur au Cirad, INPHB, Institut National Polytechnique Félix Houphouët Boigny, Yamoussoukro, Côte d’Ivoire.

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