Auvergne-Rhône-Alpes : des îlots d’avenir pour adapter la forêt au changement climatique

Les îlots d’avenir sont des dispositifs forestiers expérimentaux. Leur objectif ? Tester de nouvelles essences ou provenances d’arbres susceptibles de présenter une meilleure adaptation aux évolutions climatiques. Ces expérimentations prennent place sur de petites parcelles d’un demi-hectare à cinq hectares, aussi bien en forêts domaniales (qui appartiennent à l’État) que communales.

En Auvergne-Rhône-Alpes, certaines essences sont particulièrement touchées par les dépérissements. Parmi elles, l’épicéa, gravement atteint par un insecte ravageur, le scolyte, qui pullule à cause des fortes chaleurs. Les hêtres et les sapins, quant à eux, souffrent des sécheresses à répétition, provoquant ainsi l’assèchement des cimes et la perte prématurée des feuilles et aiguilles.

En raison du changement climatique, il est fort probable que ces essences, qui peuplent majoritairement les forêts de la région, soient exposées à de nouvelles difficultés à moyen terme. L'Office national des forêts (ONF) et ses partenaires expérimentent en conséquence des îlots d’avenir. Ce sont des plantations-tests, en conditions réelles, de différentes essences, venant de zones plus méridionales, sur des espaces limités d’environ un demi-hectare.

Implantation d'un îlot d'avenir à Mazan l'Abbaye (Ardèche). - ©Isabelle Gillibert / ONF

Les essences traditionnelles, déjà en place, vont avoir une capacité d’adaptation au nouveau climat grâce à leur variabilité génétique, mais il n’existe pas de certitudes. Les changements climatiques sont tellement rapides qu’on ne peut pas baser l’avenir des forêts uniquement dessus. Nous proposons donc un panel de solutions pour tenter de préserver ces espèces locales mais également en introduire de nouvelles, plus adaptées.

Catherine Riond, responsable du pôle Recherche-Développement-Innovation de l'ONF à Chambéry.

Ces parcelles, abritant des îlots d'avenir, seront suivies par l'ONF pendant dix à quinze ans afin de récolter des données sur leur résistance à notre climat continental ou encore leur adaptation au terrain.

À ce jour, dix îlots d’avenir sont en cours d’installation en forêt domaniale dans le cadre du projet régional METIS (Mobiliser à l'Echelle Territoriale par l'Innovation et la Synergie) et d’autres projets sont également portés par des collectivités, comme dans le massif du Chablais en Haute-Savoie, à l'initiative du Syndicat Intercommunal d'Aménagement du Chablais. Parmi les premiers îlots installés dans la région, plusieurs sont prévus en Ardèche dans la forêt domaniale de Mazan l’Abbaye peuplée en grande partie de sapins pectinés.

Plants de Douglas issus du verger à graines de la Luzette. - ©Isabelle Gillibert / ONF

Quelles essences choisir ?

Les équipes de l’ONF, en lien avec d’autres partenaires forestiers dans le cadre du projet de recherche CARAVANE (Catalogue Raisonné des Variétés Nouvelles à Expérimenter), ont prospecté, répertorié et caractérisé des espèces selon leur résistance au changement climatique et leur capacité à s’adapter aux gelées hivernales habituelles en Auvergne-Rhône-Alpes.

Par exemple, selon Catherine Riond, il semblerait intéressant que le sapin pectiné (espèce locale) s'hybride avec un sapin méditerranéen comme le Bornmuller. Cela permettrait alors de renforcer sa capacité de résistance à la sécheresse. "L'hybridation peut donc être une richesse en permettant aux essences locales de s'adapter à l'avenir et aux nouvelles conditions. Néanmoins, des précautions sont prises pour conserver des peuplements d'espèces autochtones sans "pollution génétique", afin de préserver notre patrimoine forestier", affirme Catherine Riond.

Le sapin étant une espèce particulièrement sensible aux changements climatiques et couvrant de grands territoires, il convient de diversifier les essences testées. Ainsi, sont également introduits dans le Vercors et la Chartreuse d’autres espèces de résineux comme le sapin de Bornmuller (originaire de Turquie), différentes provenances de Douglas et le Cèdre de l’Atlas.

Quand nous parlons de forêt nous sommes sur des temps d’adaptation assez longs. Les arbres migrent naturellement, mais très lentement ; par exemple le chêne pubescent, qui est une espèce méditerranéenne, remonte vers le Nord à raison de 100 mètres par an. Or le changement climatique est beaucoup plus rapide. Avec les îlots d’avenir, nous essayons donc d’accélérer le processus naturel, par une forme de migration assistée.

Catherine Riond, responsable du pôle Recherche-Développement-Innovation de l'ONF à Chambéry.

Dans l'un des îlots, l’essence ne changera pas et du sapin pectiné issu de peuplements des Pyrénées-Orientales sera planté. Cette provenance plus méridionale possède des caractéristiques plus résistantes à la chaleur et donc plus propices à s’adapter aux nouvelles conditions climatiques. 

Cette démarche fait écho au plan de relance du gouvernement annoncé début septembre, dans lequel l’adaptation de la forêt française au changement climatique occupe une place prépondérante. Découvrez-le ici : https://agriculture.gouv.fr/francerelance-le-volet-transition-agricole-alimentation-et-foret !

Le projet METIS en quelques mots...

METIS est un projet de mutualisation des savoirs et des moyens autour de la gestion des forêts et de la mobilisation des bois d’Auvergne-Rhône-Alpes. Le but est de favoriser l’innovation grâce à la collaboration entre acteurs publics et privés. Parmi ses nombreux volets, le projet comprend la formation des techniciens forestiers sur les enjeux climatiques, le développement de modes de débardage et de transport des bois innovants dits "doux" ou encore une meilleure connaissance de l’offre et de la demande en bois. Les partenaires techniques sont l'ONF, la Chambre d’agriculture, la coopérative forestière COFORET, les communes forestières, Fibois, FCBA et le CRPF Auvergne-Rhône-Alpes. Les partenaires financiers : l’État français, la région Auvergne-Rhône-Alpes, les programmes Leader.