"Le bois scolyté est aussi résistant qu’un bois sain"

En 2018, les pessières françaises (forêts peuplées d’épicéas), principalement situées en région Grand Est et en Bourgogne-Franche-Comté, ont été très lourdement infestées par un ravageur : le scolyte typographe. Ce dossier, co-écrit par la Fédération nationale des Communes forestières et l'ONF, revient sur la gestion de cette crise de grande ampleur. Cyrille Ducret, patron de la scierie Ducret dans l’Ain, explique dans cette interview comment une entreprise de première transformation du bois comme la sienne a dû gérer l’afflux de bois scolyté sur le marché du bois après la survenue de l'épidémie.

Quel est votre sentiment de professionnel sur l’épidémie de scolytes de très grande ampleur qui a touché les épicéas en France : aviez-vous déjà vécu un phénomène comparable ?

De mémoire de scieur, je n’avais jamais vécu un phénomène dans de telles proportions. Aujourd’hui, l’état de sécheresse est très grand et le manque d’eau risque de favoriser la réapparition d’épidémies comme celle qui a touché les épicéas. La preuve, dans l’Ain, au mois de mai de cette année, 30 000m3 d’épicéas étaient déjà recensés comme dépérissant. Le marché du bois en a été considérablement impacté, avec des difficultés de commercialisation qui seront certainement encore plus difficile l’an prochain. Sans compter que désormais, c’est au tour des peuplements de sapin de subir à leur tour les conséquences dévastatrices de la sécheresse.

Avez-vous acheté du bois scolyté à l'ONF, et si oui, dans quelle proportion?

Nous avons répondu à l’appel d’offres de l’ONF en achetant certains volumes de bois comprenant une proportion de bois scolytés, via des contrats d’approvisionnement. Ces contrats ont été signés entre les scieurs et l’ONF. Pour vous donner une idée, nous avons scié cette année entre 30 et 40% de bois bostryché (ndlr : le bostryche typographe ou scolyte est l’insecte qui a ravagé les pessières françaises).

Pour éviter les pertes financières liées à cet excédent de bois sur le marché, nous avons réussi à mobiliser tout un réseau d’acheteurs auprès des entreprises de seconde transformation, afin qu’elles s’engagent elles aussi à utiliser ce bois déclassé. Notre scierie se trouve à proximité de la ville d’Oyonnax, entre Lyon et Genève et qu’il s’agisse des charpentiers, des négociants ou de la filière emballage, 50% de notre clientèle souhaite travailler en circuit court.

Ce bois « contaminé » présentait-t-il des difficultés particulières de traitement ?

Tout l’enjeu était de « travailler » les bois au plus tôt avant leur dégradation, ce qui a été rendu possible par le travail des équipes de l’ONF amenées à récolter en urgence les arbres dépérissants. Lorsque ce timing est respecté, les bois scolytés conservent toutes leurs qualités mécaniques et peuvent donc servir à de nombreux usages.

Le plus difficile fut de convaincre les acheteurs réticents en leur expliquant que bien qu’abîmé esthétiquement, les fonctions de résistance et de compression de ce bois sont parfaitement opérationnelles.

 

 

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