©Fiona Farrel

Acheter du bois scolyté ? « Un geste citoyen, responsable et solidaire ! »

En 2018, les pessières françaises (forêts peuplées d’épicéas), principalement situées en région Grand Est et en Bourgogne-Franche-Comté, ont été très lourdement infestées par un ravageur : le scolyte typographe. Ce dossier, co-écrit par la Fédération nationale des Communes forestières et l'ONF, revient sur la gestion de cette crise de grande ampleur.
Patrick Chaize, président des Communes forestières de l’Ain et sénateur du département, livre dans cette interview la façon dont l’ONF et les Communes forestières ont géré ensemble la forte épidémie. Avec l’urgence de valoriser rapidement le bois scolyté, qui malgré son apparence, conserve d’excellentes qualités mécaniques.

Le département de l’Ain fait partie des départements fortement touchés par l’épidémie de scolytes. Comment avez-vous réagi face à l’ampleur de ce phénomène ?

Lorsqu’une telle crise survient, il est nécessaire de se poser immédiatement les bonnes questions pour pouvoir élaborer une stratégie efficace et adaptée aux enjeux. En tant que président des Communes forestières de l’Ain, mes premières préoccupations furent d’accompagner les maires des communes touchées pour trouver des débouchés aux bois scolytés. De l’arbre au bois, il y avait pour les Communes forestières un vrai enjeu à agir.

Afin d’éviter les pertes, nous avons tout de suite établi un dialogue avec nos partenaires : l’ONF bien sûr, et les scieurs locaux ensuite qui sont les premiers acheteurs de ce bois. Ensemble, ils ont signé des contrats d'approvisionnement, permettant ainsi d'écouler rapidement les bois sinistrés des communes forestières touchées. Ces contrats engageaient les scieurs à acheter un certain volume de bois incluant du bois scolyté. Cette dynamique a très bien fonctionné dans notre département et je m’en réjouis.

Comment analysez-vous aujourd’hui les effets de la stratégie mise en place ?

Notre action a permis aux collectivités d’éviter des pertes de recettes importantes. Sans ces contrats d’approvisionnement, les bois scolytés auraient pourri en forêt, avec le risque de ne jamais être valorisés. Et on se serait retrouvé dans une situation où il aurait fallu importer du bois alors que nous avons la ressource localement, et toutes les capacités sur le territoire pour l’exploiter.

La qualité du dialogue et du partenariat avec l’ONF fut l’une des clés du succès de cette opération. Localement, les forestiers ont immédiatement compris les enjeux et les attentes des Communes forestières et ont su engager les moyens nécessaires pour valoriser les contrats d’approvisionnement. Mais il faut désormais aller plus loin !

Que reste-t-il à faire selon vous ?

La filière forêt-bois devrait mener une grande campagne de sensibilisation et de communication auprès de la grande distribution. Par souci esthétique, les grandes marques refusent le bois scolyté, sous prétexte qu’il ne plaira pas au consommateur. Or, si nous parvenons à expliquer aux gens qu’acheter ce bois scolyté est un geste solidaire et citoyen, ils seront demandeurs ! Dans le numérique, les gens ont été sensibilisés à l’importance du recours aux téléphones reconditionnés, et cela a marché. Il nous faut suivre le même chemin avec le bois scolyté, qui n’est ni un bois de seconde main, ni un bois de seconde qualité.

Nous devons également poursuivre la réflexion et le dialogue sur le développement des contrats d’approvisionnement. Par exemple, pourquoi ne pas étendre désormais ce dispositif à d’autres acheteurs que les scieurs, comme les entreprises d’emballage par exemple ? Le bois scolyté ne perdant pas ses qualités mécaniques, il répondrait parfaitement au cahier des charges de la filière emballage bois.

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