Commercialiser les bois en temps de crise : été mouvementé en Haute-Savoie et dans l'Ain

Les forêts d’Auvergne-Rhône-Alpes ont subi deux crises de nature différente cet été, avec des conséquences identiques sur la commercialisation des bois dans un contexte particulièrement contraint. L’ONF et ses partenaires de la filière forêt-bois se sont organisés pour exploiter les bois et les vendre avec pour mots d’ordre : réactivité, coordination et contractualisation. Une course contre la montre qui s’est avérée efficace en Haute-Savoie et qui continue de mobiliser les équipes dans l’Ain.

En Haute-Savoie, exploiter et vendre des bois après une tempête

Un orage d’une rare violence a frappé la Haute-Savoie dans la soirée du lundi 1er juillet. Dans le secteur de Magland, particulièrement touché, un phénomène de tornade a décimé une partie de la forêt communale. En quelques heures, ce sont plus de 40.000 m³ de bois qui sont tombés, soit près de la moitié des prélèvements de la forêt publique de Haute-Savoie.

Parcelle de la forêt communale de Magland après la tempête - ©ONF

Une gestion de la crise en plusieurs phases

1ers jours
Estimation des dégâts, déblaiement des routes forestières et des accès, remise en état des réseaux publics, mise en sécurité des massifs
1res semaines
Exploitation et transport rapide des arbres endommagés et renversés, en raison des risques majeurs liés à la sécurité des personnes, aux incendies, à la déstabilisation des versants en montagne et aux attaques d'insectes ravageurs.
1ers mois > plusieurs années
Reconstitution des peuplements sinistrés, en tenant compte de la nécessité d'adaptation de la forêt aux aléas et changements climatiques.

La première phase a été gérée avec une très grande réactivité de la part des communes, avec les services publics compétents ainsi que l'accompagnement et la coordination de l'ONF. En moins d'une semaine, dans tous les sites touchés, les accès étaient rouverts et les routes forestières dégagées.

Dès la deuxième semaine après la tornade, la deuxième phase a pu démarrer pour couper, transporter les bois vers les scieries et valoriser au mieux le matériau avant qu’il ne se dégrade. Les axes d’action pour gérer la crise :

  • concertation rapide avec les scieurs (en particulier le groupement des scieurs des Savoie et quelques industriels de l'Ain), les communes touchées et l'association des communes forestières de Haute-Savoie, pour mettre en place une stratégie, dans un esprit de solidarité de filière ;
  • mobilisation des contrats de bois façonnés réorientés dans l'urgence pour écouler les chablis. Dès que l'ajustement des contrats a été assuré, l'exploitation a pu démarrer avec des entreprises locales de travaux forestiers ;
  • en parallèle, organisation de ventes de bois sur pied.

 Au total, deux mois après la crise, sur les 40.000 m³ tombés en forêt publique, la moitié était déjà exploitée et commercialisée.

Les exploitations étaient particulièrement dangereuses. Jusqu’à douze entreprises ont travaillé simultanément en juillet, avec une recherche maximale de sécurité. Les acteurs de ces chantiers : équipes de l’ONF, du CRPF en forêt privée, de la Chambre d’agriculture, des communes et des entreprises de travaux forestiers, ont fait preuve d’un grand professionnalisme.

Hervé Némoz-Rajot, directeur ONF Haute-Savoie

Aire de stockage arrosée de Magland - ©ONF

Grâce à la mise en place d’une aire de stockage arrosée par la commune de Magland, le reste des bois sera évacué et entreposé sur un terrain facilement accessible aux camions grumiers. L’arrosage des bois évitant leur détérioration, il pourra être commercialisé pendant l’hiver.

Canicule, risque d’épidémie de scolytes, veille de fermeture annuelle des scieries, marché de la grume saturé : la tempête est arrivée au pire moment. Grâce à la réactivité de l’ensemble des acteurs, ainsi qu’à la mobilisation des contrats avec les scieurs qui sécurisent la destination des bois, tout le bois qui était commercialisable a pu l’être, ou le sera dans l’hiver.

Olivier Ferry, responsable de la mission commerciale bois et service, ONF Auvergne-Rhône-Alpes

Le drone, un outil précieux pour une couverture exhaustive des zones touchées

La Chambre d’agriculture Savoie Mont Blanc a utilisé le drone dès le lendemain de la tempête pour avoir des images qui, reportées sur fond cadastral et forestier, permettent d’identifier avec précision les dégâts et leur localisation, en forêt publique comme privée. 

Dans l'Ain, les sapins et épicéas touchés par la sécheresse et les scolytes

Dans l’Ain, c’est une crise sanitaire qui nécessite la mise en place d’une stratégie et de mesures particulières pour gérer l’afflux de bois secs et scolytés sur le marché.

Après avoir touché les régions Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté, l’épidémie de scolytes a désormais atteint le Bugey, le Haut-Bugey et le Pays de Gex, dans le département de l’Ain.

Les équipes de l’ONF sont fortement mobilisées : d’abord pour surveiller les peuplements et détecter le plus tôt possible toute trace de scolyte, pour ensuite couper et sortir rapidement les bois en cas de contamination, enfin pour commercialiser dans l’urgence les bois atteints.

©Christian Pocachard / ONF

Les difficultés de commercialisation des bois dépérissants

L’ampleur de la crise a totalement saturé le marché de bois secs, avec un afflux venu du Nord-Est de la France ou d’Europe. Lors de la vente publique de Nantua (Ain) le 27 septembre, 91% des lots proposés avec une part importante de bois secs n’ont pas trouvé d’acheteur. Les bois « verts » restant néanmoins attractifs, seules les offres mixant des bois « verts » et secs trouvent désormais des débouchés commerciaux.

Le contrat d’approvisionnement :  un outil qui a fait ses preuves

Comme lors d’une crise tempête, la mobilisation des contrats d’approvisionnement pour écouler en priorité les bois dépérissants permet de réagir rapidement et efficacement face à la crise sanitaire :

  • grâce à une réorientation des contrats de bois façonnés vers les exploitations prioritaires, en accord avec les scieurs ;
  • en négociant des contrats supplémentaires avec certains scieurs de l’Ain, qui doublent parfois leur volume par rapport à 2018 ;
  • en mobilisant dans l’urgence et simultanément toutes les entreprises de travaux forestiers habituées à travailler avec l’ONF dans le cadre des contrats.

Quelques chiffres

Et après la crise ?

En Haute-Savoie comme dans l’Ain, l’enjeu sera de reconstituer les espaces boisés affectés par les crises en tenant compte des changements climatiques, pour augmenter la résilience et la capacité d’adaptation des forêts.