Sur des terrains plats et boueux, l'ONF expérimente le débardage par câble aérien pour protéger les sols

D'avril à juin 2020, l'Office national des forêts (ONF) a testé le débardage par câble-mât dans les forêts domaniales de St Aubin-du-Cormier et du Gâvre. Une technique sylvicole coûteuse et exceptionnelle dans les forêts de plaine qui permet de récolter des bois de qualité tout en protégeant les sols forestiers gorgés d’eau.

Et si le débardage par câble aérien permettait de récupérer des bois abattus, mais bloqués en forêt en raison de la pluie ? Voilà tout le sens des deux chantiers expérimentaux réalisés par les équipes de l'ONF d'avril à juin 2020. L'un se déroule en forêt domaniale de St Aubin (Ille et Vilaine) ; l'autre en forêt domaniale du Gâvre (Loire-Atlantique).

Ces chantiers-tests en forêt de plaine, et donc sur des terrains plats, sont exceptionnels pour l'Office national des forêts. D'ordinaire, le débardage par câble est une technique de montagne, qui permet de récolter du bois dans des zones escarpées. Le bois, suspendu dans les airs, quitte en effet son lieu d'abattage, via un câble aérien, jusqu'à une zone accessible pour des camions (place de dépôt).

Le débardage par câble-mât en vidéo

©ONF/Imageo

Le saviez-vous ?

En raison des chantiers sylvicoles bloqués par les intempéries, les bois coupés risquent de s'abîmer. Ce qui entraîne des pertes directes pour les acteurs de la filière forêt-bois. Par exemple, les entreprises locales qui utilisent le bois pour la construction, les charpentes ou encore la tonnellerie. Un secteur qui emploie plus de 425 000 personnes en France.

Pourquoi de telles expérimentations ? Dans ces deux forêts, les fortes pluies de l'hiver et le vent ont entraîné de nombreux dégâts sur les sols, ainsi que des retards sur les chantiers. "Quand il pleut, on peut exploiter et couper, mais on ne peut plus sortir le bois d'une parcelle forestière, car les terrains boueux, gorgés d'eau, sont très sensibles au tassement. Les sols seraient trop dégradés si l’on faisait appel à un engin forestier classique", rappelle Aymeric Albert, chef du département commercial bois à l'ONF. Pour protéger les sols mouillés et pour la sécurité des forestiers, les machines de débardage sont interdites dans ces conditions. 

Mais l’impossibilité d’agir en raison des intempéries n’est pas sans conséquence... Là-bas, des chênes de qualité supérieure, abattus et façonnés, n'ont pas pu être transportés vers les scieries et les merranderies qui travaillent le bois pour les tonneaux. Le débardage par câble aérien s’est donc révélé une alternative intéressante pour intervenir et éviter que ces bois ne se détériorent, en restant trop longtemps dans ces parcelles humides.

Le grimpeur escalade l'arbre pour poser la ligne du débardage. - ©N.Jannault/ONF

Des engins forestiers adaptés aux sols secs

Sur terrain sec, les engins forestiers sont conçus spécialement pour les travaux forestiers, et restent les outils privilégiés. Ils réduisent la pénibilité des ouvriers : ergonomie du poste de travail, souplesse et maniabilité, articulations, pneus à meilleure portance... Les conducteurs ont la faculté de limiter le tassement des sols, d'éviter les arrachements d'écorce, et savent emprunter les cloisonnements d'exploitation mis à leur disposition. Ces chemins limitent le passage des engins en forêt sur des zones dédiées et protègent ainsi la forêt dans sa globalité.

Une méthode réservée à des bois d'exception

Le débardage par câble demeure cependant une opération plus onéreuse pour le propriétaire forestier : elle coûte une dizaine d’euros plus chère qu'un débardage traditionnel. "C'est une réalité économique. Elle présente un coût moyen de trente-cinq euros par mètre cube de bois, contre vingt-cinq euros pour une exploitation traditionnelle. Dans les forêts de plaine, ce type de débardage est alors réalisé, dans un premier temps, que pour des bois à très forte valeur", affirme Aymeric Albert.

Ce surcoût s'explique pour plusieurs raisons. Ce type de chantier nécessite une expertise technique particulière, notamment une étude du terrain. Le chantier est réalisé par une équipe (deux à trois personnes selon l’organisation mise en place). Enfin, le transfert des machines est un coût supplémentaire du fait qu’il n'existe qu’une douzaine de câbliste en France, dont une équipe à l’ONF.

Réactivité en cas d'intempéries, approvisionnement de la filière forêt-bois toute l'année, valorisation du bois malgré des contraintes climatiques aléatoires… Les avantages du débardage par câble aérien demeurent nombreux et prometteurs. Ils répondent à la volonté de l'ONF de développer divers modes d'exploitation forestière et de s'adapter à toutes les situations.

Les forestiers ont tiré des premières conclusions à l'issue de ces deux chantiers-tests pour évaluer le potentiel au niveau national.

Mise en place du câble à Saint-Aubin - ©N.Jannault/ONF

Le débardage par câble-mât, une technique protectrice de l'environnement

En 2019, l’ONF et le département de la Gironde ont mis en place le débardage par câble aérien sur une zone humide et plate dans le secteur des Demoiselles au Domaine départemental d’Hostens et du Gât-Mort. L’objectif était tout autre : récolter du pin maritime, car ce dernier risquait d’assécher la zone, et préserver des espèces essentielles comme des orchidées, des batraciens ou certaines salamandres.

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