Urticantes, les chenilles processionnaires envahissent les forêts des Vosges

Certaines forêts du nord-est de la France subissent une forte pullulation de chenilles processionnaires du chêne. D’une ampleur inédite, le phénomène cause d’importants ravages dans les arbres et présente des dangers pour la santé. L’ONF et les acteurs publics régionaux se mobilisent.

Dans la moitié nord de la France, et notamment en région Grand Est, la chenille processionnaire du chêne revient par cycles et pics endémiques plus rapprochés que par le passé. Ces deux dernières décennies, l'absence de grands froids hivernaux, nécessaires pour tuer une partie des œufs des chenilles avant qu'ils n'éclosent, ne constitue plus un facteur de régulation suffisant. "Nous subissons de plein fouet les aléas du changement climatique. La chenille processionnaire du chêne, jusqu’alors présente de façon sporadique sur la région, a littéralement envahi les peuplements forestiers", témoigne Denis Dagneaux, directeur de l’agence territoriale Vosges Ouest. En forêt comme en agglomération, aucun chêne n’a été épargné cette année dans ce massif. 

©ONF

Une situation préoccupante pour les forêts

La présence de ces chenilles entraîne des dégâts inquiétants avec d’importantes défoliations enregistrées sur les chênes (jeunes et adultes), provoquant ainsi un ralentissement de la croissance des arbres infestés. Si la défoliation totale ne provoque pas directement la mort des arbres, sa répétition sur plusieurs années contribue à leur affaiblissement. "Ils deviennent de fait plus sensibles aux stress hydriques et aux attaques d’autres parasites et/ou pathogènes comme l’oïdium (maladie du feuillage)", affirme Catherine Bernardin, correspondante-observatrice du Département Santé des forêts pour l’ONF.

Le Département de la santé des forêts, c'est quoi ?

Créé en 1989, le Département de la santé des forêts (DSF) est en charge de la surveillance sanitaire des forêts françaises métropolitaines. Un réseau de correspondants-observateurs surveille les forêts, diagnostique les problèmes sylvosanitaires, aide et conseille les gestionnaires et les propriétaires.

Ce dernier suit l’évolution et l’impact des ravageurs des forêts et identifie les éventuels problèmes émergents. Les pôles régionaux du DSF sont hébergés au sein des Directions régionales de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (DRAAF).

Au niveau national, le DSF s’appuie sur un réseau de plus de 230 forestiers de terrain appelés correspondants-observateurs qui travaillent dans différents organismes. 

Les poils urticants et microscopiques de ces chenilles peuvent également être à l’origine de problèmes de santé humaine : démangeaisons, troubles respiratoires, œdèmes, réactions allergiques… L’intensité du phénomène peut ainsi nécessiter la mise en place de mesures spécifiques comme le report de travaux en forêt pour protéger les personnels forestiers, ou l’interdiction pour les promeneurs d’accéder à certaines zones dans lesquelles la prolifération des chenilles est importante, entre début mai et fin juillet. Selon le Département de la santé des forêts, le cycle de présence de la chenille est estimé entre 3 et 7 ans.

©ONF/DSF/Catherine Bernardin

Les futures conditions climatiques détermineront l'intensité des attaques dans les années à venir. Alors comment agir ? "Le renforcement de la diversification des essences forestières, privilégié par les forestiers pour assurer la résilience des peuplements sur le long terme, permettra de ralentir naturellement la progression de la chenille processionnaire", explique Denis Dagneaux directeur de l’agence territoriale Vosges Ouest.

Très peu d’essences sont aujourd’hui épargnées par les impacts du changement climatique, qu’ils soient directs ou indirects. Avoir des peuplements diversifiés est la seule lutte possible pour permettre à la forêt de se maintenir en bonne santé et d’être plus résistante face aux maladies

Denis Dagneaux, directeur de l’agence territoriale Vosges Ouest.

A court terme, seuls les ennemis naturels (mésange, mouche tachinaire, calosome…), combinés à une surpopulation de la chenille, sont susceptibles de réguler sa prolifération : trop nombreuses, les chenilles meurent de faim et ne peuvent pas terminer leur cycle pour donner naissance à un papillon.

En images, les ravages de la chenille processionnaire dans les Vosges...

Une collaboration essentielle des acteurs publics

Ce phénomène d’ampleur inédite inquiète de nombreux acteurs du territoire. Si aucune solution sanitaire efficace n’existe face à une telle prolifération, l’ONF, la direction départementale des territoires (DDT), la préfecture des Vosges, et l’Agence régionale de santé (ARS) se sont réunis pour agir. L’objectif : établir un état des lieux précis des populations de chenilles processionnaires sur le territoire et prendre les mesures nécessaires.

Les remontées d’informations en direct du terrain nous permettent d’actualiser chaque semaine les zones infestées et ainsi suivre l’évolution du phénomène sur le territoire. Grace au travail collaboratif entre l’ONF, la DDT, l’ARS et la Préfecture, des mesures de prévention particulières peuvent être mises en place rapidement pour informer et protéger les usagers de la forêt.

Julien Eschenbrenner, chef de la mission animation des politiques et polices environnementales à la direction départementale des territoires des Vosges.

Grâce à la collaboration avec l’IGN, une cartographie collaborative a été développée pour dresser cet état des lieux. Les équipes de l’ONF et l’ensemble des professionnels de la forêt peuvent aujourd’hui signaler la présence et la quantité de chenilles, en forêt ou en agglomération, via une application dédiée développée par la DDT. Ces signalements, recensés sur le site de l’IGN, sont ensuite cartographiés et diffusés sur le site de la préfecture des Vosges.

©DR.

Après le pic de pullulation, la vigilance reste de mise

Les chenilles processionnaires sont urticantes à partir de leur 3e stade larvaire jusqu’au moment de leur transformation en papillon, soit entre mi-mai et mi-juillet.

Si les papillons ne présentent pas de risque pour la santé humaine, les nids de nymphose (métamorphose de la chenille en papillon) demeurent dangereux pour la santé, car ils abritent des mues, des chenilles mortes et des millions de poils toujours urticants pouvant provoquer des réactions allergiques durant plus de 2 ans. Bien que le pic de pullulation de la chenille soit passé, le respect des mesures de protection est important dans les zones infectées :

  • respecter les interdictions de circulation dans les forêts ;
  • ne pas s’approcher des nids, ne pas les toucher ;
  • éviter les pique-niques au pied des chênes où se trouvent ces nids ;
  • ne pas laisser les animaux de compagnie s’approcher des nids ;
  • porter des vêtements longs lors de balades en forêt ;
  • ne pas étendre de linge dehors ;
  • être vigilant au moment de la tonte des gazons.

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