©Marie Roussel / ONF

Climat et forêt : en Hauts-de-France aussi, il est urgent d’agir !

Aujourd'hui, de Laigue à Chantilly, en passant par Compiègne, les forêts feuillues sur sable du sud de l'Oise subissent une crise sanitaire sans précédent. Sur ces 35 000 hectares de forêts publiques, 10 000 hectares sont touchés par les dépérissements.
Entretien avec Bertrand Wimmers, directeur de l'agence Picardie

Quels sont les principaux problèmes auxquels les forestiers doivent faire face ?

Hanneton forestier en période de reproduction.

L’impact du réchauffement climatique sur les forêts est identifié depuis les années 90. Mais les trois sécheresses de 2018 à 2020 ont provoqué une accélération des phénomènes de dépérissement sur les arbres adultes et d’importants échecs de renouvellement forestier, qu’il soit naturel ou par plantation. Les scénarios climatiques prédisent le climat d’Albi en 2050, et un été sur deux correspond désormais aux étés de 1976 ou 2003, tristement restés dans les mémoires...

Aujourd’hui, plus de 300 000 hectares de forêts publiques en France souffrent sévèrement et on estime que 50 % de la forêt française changera de visage d’ici 50 ans. Cela ne veut pas dire qu’elle disparaîtra, mais la physionomie de certains peuplements se modifiera.

En Hauts-de-France, on identifie principalement trois grandes problématiques en forêt publique : la chalarose (champignon aérien) qui décime les frênaies, le scolyte (coléoptère) qui détruit les épicéas et les dépérissements de chênes pédonculés et de hêtres sur les sols sableux très sensibles aux sécheresses et infestés de hannetons, coléoptères qui dévorent les racines des arbres.  

Les surpopulations de grands animaux (sangliers et cervidés), insuffisamment régulés et grands consommateurs de jeunes pousses et de fruits forestiers, affaiblissent encore plus la capacité naturelle des forêts à se renouveler ainsi que la biodiversité végétale de l’écosystème.

Comment voyez-vous les forêts que vous gérez dans 100 ans ?

Personne n’a de "boule de cristal" et il faut désormais apprendre à gérer l’incertitude. Les scientifiques nous expliquent que la hausse des températures va beaucoup plus vite que la capacité d’adaptation et de déplacement des arbres vers le nord ou en altitude, donc nous accompagnons le mouvement. Pour autant, les arbres disposent d’une grande diversité génétique interspécifique (c’est-à-dire au sein de chacune des espèces) sur laquelle nous nous appuyons.

En 2100, on peut conjecturer que les futaies cathédrales de hêtres et chênes pédonculés seront une image du passé. La forêt devrait être moins élancée et moins dense, plus diverse, avec des mélanges feuillus / résineux et des imbrications de landes arbustives et herbeuses sur les zones très sèches.

La diversité des solutions pour diluer les risques

Il serait illusoire et dogmatique de croire qu’un modèle unique, quel qu’il soit, apportera LA solution. Notre stratégie d’adaptation et de résilience pour des forêts publiques vivantes et multifonctionnelles (qui fournissent les services attendus) est donc fondée sur le concept de forêt mosaïque. Il s’agit de faire cohabiter différents itinéraires de gestion et une variabilité d’essences, de structures, de classes d’âges, de types d’habitats : naturels / plantés, jeunes / âgés, ouverts / boisés, secs / humides, etc.

Face aux dépérissements des arbres, la récolte d’une matière renouvelable mais périssable est fondamentale pour limiter les pertes de qualité technologique et la dépréciation des bois et permettre le réinvestissement en forêt.    

Pour renouveler la forêt, nous misons sur la diversité des essences et des techniques, à la fois issues des processus naturels mais aussi par plantations d’essences plus résistantes et moins gourmandes en eau. Cela combine à la fois :

  • les solutions fondées sur la nature en nous appuyant sur le mélange des essences locales issues de la dynamique naturelle ;
  • la migration assistée par plantation d’espèces et d’origines méridionales, issues de graines acclimatées aux chaleurs pour accélérer le brassage génétique ;
  • des tests de nouvelles espèces provenant d’autres pays, sélectionnées pour leur potentiel de résistance, au sein d’îlots d’avenir de 0,5 à 2 hectares. A raison d’une vingtaine d’hectares par an, ces îlots représentent moins de 0,2 % des surfaces régionales. Ils seront suivis et analysés par notre département Recherche, développement et innovation (RDI).

La nécessaire régulation des grands ongulés qui commettent de nombreux dégâts est le corolaire d’une forêt plus résiliente.

Sentinelle et témoin des effets très visibles du réchauffement climatique, les forêts deviennent ainsi d’immenses laboratoires à ciel ouvert.

La forêt mosaïque où cohabitent plusieurs milieux - ©ONF

Plan France Relance

©Elise Michaud/ONF

En 2020, le gouvernement a décidé d’un grand plan de relance de 300 millions d'euros pour cartographier, reconstituer et adapter la forêt française aux changements climatiques. Une nécessité pour la forêt française, et un défi d’envergure pour les forestiers, les pépiniéristes et les entreprises de travaux forestiers.

En Hauts-de-France, ce seront 2 000 hectares de forêts publiques reconstitués, soit 2 millions de plants sur les hivers 21/22 et 22/23 avec plus de 40 espèces différentes.

En Hauts-de-France

Surface de forêt publique
120 000
hectares
Dépérissement
15
%
Surface de frênes atteints par la chalarose
3 000
hectares
Surface d'épicéas atteints par le scolyte
1 000
hectares
Surface de de hêtres et chênes dépérissants
15 000
hectares

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