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Sur la route du Queyras, la belle rencontre entre un forestier et Yohan Hochedez, autiste asperger

Yohan Hochedez a 19 ans. Autiste Asperger, sa relation aux autres n’est pas toujours facile. Mais il a découvert la montagne qui est devenue sa grande passion et qui l’incite à s’engager en faveur de sa protection et, plus largement, en faveur du développement durable. Pour alerter sur l’absolue nécessité de respecter le vivant, il monte un projet : Agir. Il s’aventure dans une traversée des Alpes, une marche de 30 jours, des Alpes-de-Haute-Provence au lac Léman. Rencontre avec ce jeune engagé soutenu par l’ONF lors de son passage dans les Hautes-Alpes.

Lors de son périple à travers les Alpes débuté le 17 juin, Yohan Hochedez a souhaité rencontrer des responsables et acteurs de la préservation des espaces naturels. C’est donc tout naturellement que l’Office national des forêts a accepté cette proposition transmise par le biais de l’association « Nouvel Envol Hautes-Alpes, spécialisée dans dans les domaines du sport et des loisirs auprès des personnes en situation de handicap mental. Jean-Michel Duverney, directeur territorial des Hautes-Alpes à l’ONF, témoigne : 

Nous avons doublement adhéré au projet de Yohan. Parce que son association Agir est au service de la protection du vivant, et parce que le parcours de ce jeune autiste asperger nous touche et nous intéresse particulièrement. Nous participons tous les ans au Salon du handicap à Gap. En forêt, les équipes de l’ONF œuvrent à l’aménagement de sentiers d’accueil adaptés à tous les publics. Il reste encore beaucoup à faire et nous nous devons d’être au plus près des personnes et des associations concernées.

Deux heures de rencontre et de découverte en forêt

Le rendez-vous est donné à Guillestre le 21 juin, dans les locaux de l’ONF, pour une balade en forêt aux côtés de Vianney Taing, responsable de l’unité territoriale du Guillestrois-Queyras. Au programme : une virée dans la forêt communale de Guillestre afin d’expliquer à Yohan les motivations de la gestion forestière de l’ONF qui s’attache au quotidien à concilier plusieurs enjeux cruciaux : la production de bois dans le respect de la vie de la forêt, la protection de l’environnement et l’accueil du public.

Yohan découvre notamment avec intérêt l’importance accordée aux questions de biodiversité, intégrées au quotidien dans les pratiques de gestion de l’ONF. Tout en faisant en sorte que la forêt produise un bois de qualité pour la filière, l’ONF veille à ce qu’elle soit de plus en plus accueillante pour toutes les espèces, des oiseaux aux cerfs en passant par les insectes, les champignons ou les mousses. Comment ? Vianney Taing répond :

Prenant parfois l’ONF pour le Grand Nettoyeur de la forêt, certains promeneurs s’étonnent de voir des arbres couchés « trainer », des arbres morts laissés debout… Mais cette action est réfléchie et volontaire ! On laisse autant que possible des arbres qui sont favorables à l’accueil d’espèces. Par exemple un arbre mort avec des cavités, surtout on le préserve pour qu’il continue de jouer son rôle.

Et les coupes alors ?

Sur ce point, Yohan avoue ne pas toujours comprendre… Surtout ces grandes trouées qu’il aperçoit un peu plus au loin. Vianney Taing explique : « Le mélèze est une essence pionnière mais qui peu à peu laisse la place à d’autres espèces, c’est ce qu’on appelle dans notre jargon la « sylvigenèse ». Si on veut conserver le mélèze, il faut que l’homme intervienne sur plusieurs hectares, à l’aide d’engins forestiers, pour donner des puits de lumière et permettre à cette essence de continuer à s’épanouir. Une activité qui peut choquer par incompréhension et que nous devons mieux expliquer », reconnaît le forestier.

Après plus de deux heures sur les chemins forestiers, la promenade se termine, place aux mots de la fin. Pour Yohan, elle aura été un vrai moment de plaisir et de découverte, avec une meilleure compréhension de l’intérêt des missions conduites en forêt.

Ma rencontre avec Vianney m’a permis d’approfondir mes connaissances, et de mesurer l’équilibre sans cesse recherché par les forestiers entre les besoins de coupes de bois, le respect de l’environnement et l’importance de l’activité touristique dans ce département dont l’activité économique en dépend.

Pour Vianney, ce moment passé en compagnie de Yohan a également été riche d’enseignement et d’émotion.

J’ai choisi, pour cette balade, un site du Queyras permettant de lui faire découvrir notre action au service des forêts et de mieux lui faire connaître le mélézin, une essence caractéristique de la région. Yohan est quelqu’un de très pertinent, de curieux. J’ai vécu un moment agréable, fort et constructif, qui m’a permis aussi de mieux comprendre son parcours, et son combat face au handicap.

A propos du périple de Yohan Hochedez

Habitant à Montclar, petit village à la frontière des Hautes-Alpes et de la Vallée de l’Ubaye, Yohan, 19 ans, a pris une année de césure pour monter son projet « Agir », bien qu’il se prépare à suivre un cursus universitaire en Géologie en Savoie. « Ce projet est l’accomplissement d’un rêve que j’avais depuis plusieurs années. La randonnée est ma grande passion. Ma seconde passion c’est l’écologie. J’ai participé à beaucoup de manifestations de « la génération Greta » en 2019, et c’est là que j’ai décidé de lier mes deux passions et d’agir ! 

Pendant ses 30 jours d’itinérance, dormant dans des refuges et se ravitaillant en vallées, Yohan est soutenu par une association de sport adapté, « Nouvel Envol Hautes-Alpes, basée à Embrun ». Yohan se prépare physiquement depuis octobre avec son club de rando, L’Encongoura. Il ne sera jamais seul sur les sentiers. Des bénévoles vont se relayer pour l’accompagner. Les premières à le faire sont Jocelyne, Arlène et Lily, de son club de marche, qui sont parties avec lui de St Ours, dans la Vallée de l’Ubaye, le 17 juin, effectuant durant ces quatre premiers jours entre 1 000 et 1 200 m de dénivelés pour 6 h de marche quotidiennes. « Une très belle expérience humaine ! On a beaucoup rit, partagé… On trouve que Yohann s’est épanouit. », témoignent-t-elles.

Hormis le dénivelé et les heures de marche il aura fallu au petit groupe parfois renoncer à un itinéraire, faire demi-tour, et trouver un autre accès, Yohan ne se sentant pas à l’aise face à d’épaisses couches de neige qu’il aurait fallu traverser au niveau des cols de la Gipière et du Marinet. « La marche me vide la tête, j’y trouve une sérénité que je n’ai pas ailleurs dans ma vie. J’ai toujours un problème avec la sociabilité, ce n’est pas facile pour moi. Ce projet m’aide aussi à ce niveau-là car je rencontre du monde et je dois communiquer. »

Au niveau du trajet, il n’a pas d’appréhension. Peut-être la Dent d’Oche en Haute-Savoie ? « On verra, et de toute façon on sera 3, donc ça ira » dit-il. Il espère que son projet servira à faire passer un message : s’engager pour l’écologie mais pas que : « Que les gens suivent leurs rêves, qu’ils les réalisent, mais qu’ils défendent des causes justes. »

Yohan Hochedez, porteur du projet « Agir » - ©ONF