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Couper des arbres, pourquoi et comment ? L’ONF fait le point

Modification du paysage, risque de tassement des sols… Couper des arbres n’est pas un acte anodin en forêt. C’est peut-être contre-intuitif, mais récolter du bois entraîne pourtant de nombreux effets positifs pour l’environnement ! Alors couper des arbres, oui, mais pas n’importe comment. Pour tout comprendre, l'Office national des forêts (ONF) vous emmène dans les coulisses de l’exploitation forestière.

Promeneurs et amoureux de forêts, l’automne et l’hiver sont de retour. Le vent commence à faire tomber les feuilles sur les chemins, qui se colorent peu à peu de jolis tons rouges et orangés. C’est le temps des cueillettes de champignons et des balades au crépuscule bercées par le mythique brame du cerf. Vous croiserez certainement des zones en cours d’exploitation aux abords des sentiers que vous fréquentez.

Il est vrai que cela peut surprendre. On ne s’attend pas tous les jours à croiser une abatteuse ou une débusqueuse au cours d’un footing ou d’une randonnée. Mais rassurez-vous, la présence d’engins forestiers et d’ouvriers est tout à fait normale en cette période de l’année. Elle est réglementée, signalée et très sécurisée.

Vous trouverez peut-être ces grumes de chêne en forêt... Dans cet article, l'ONF vous explique les actions menées pour limiter l'impact environnemental des coupes de bois. - ©Nathalie Petrel / ONF

En quoi couper des arbres serait-il un atout pour les citoyens et l'environnement ? Tout au long de sa vie, un arbre absorbe du carbone, empêchant sa libération dans l'atmosphère et luttant ainsi tout naturellement contre le réchauffement climatique. Une fois coupé, le bois n'absorbe plus mais continue de stocker le Co2 assimilé. Faire perdurer les espaces boisés, les préserver et assurer leur santé : c’est là toute la mission des forestiers de l’ONF.

Attention, rien n’est coupé au hasard. Dans les forêts publiques gérées par l'Office, chaque récolte de bois répond à un cadre strict : celui de la gestion durable et raisonnée des peuplements. Pour procéder à une coupe, le forestier doit expressément s'assurer qu'elle n'entravera pas la capacité de renouvellement de la forêt, mais aussi, qu'elle ne perturbera pas l'équilibre fragile de la faune, la flore ni des habitats.

Un cercle vertueux...

Avec une gestion forestière adaptée, les arbres se régénèrent en permanence. Le forestier ne prélève pas plus que ce que la forêt ne produit. Par exemple, dans les forêts domaniales gérées par l’ONF, les récoltes de bois sont stables, voire même en baisse depuis 1995 ! Chaque fois qu’il coupe un arbre en effet, le forestier favorise le développement de plusieurs autres, qui deviendront plus tard aussi grands, majestueux que leurs ancêtres et abriteront tout autant de biodiversité. En plus de contribuer positivement à tous les défis de la transition écologique, la production de bois est une activité économique vertueuse. Elle fournit en effet un matériau renouvelable permettant de répondre aux besoins de la société en termes de construction, d’énergie, de papeterie, et bien d’autres domaines ! La filière forêt-bois se substitue à des modèles de développement à empreinte carbone bien plus élevée et emploie près de 400 000 personnes en France, avec des métiers et savoir-faire diversifiés. Les bénéfices sont nombreux !

©Eric Facon / FBF

Couper des arbres à la machine : pour ou contre ?

©Quentin Ebrard / ONF

Pour récolter du bois, plusieurs techniques existent. Depuis plus d’un siècle, les machines ont progressivement rendu l’exploitation des forêts plus moderne et plus performante. Une vraie révolution pour les chantiers forestiers ! Comme beaucoup d’autres secteurs, les travaux sylvicoles ou d’exploitation ont connu de multiples améliorations grâce aux machines :

  1. Un progrès pour la santé des ouvriers et l’attractivité du travail en forêt : comme dans toutes les professions, l’arrivée des machines est une avancée pour la santé des opérateurs. Rappelons que le métier de bûcheron est l’un des plus accidentogène. Au sein de l’ensemble de la filière forêt-bois, la réduction de l’effort, l'amélioration de la santé et de la sécurité des travailleurs en forêt est une priorité. Porteurs, débardeurs, abatteuses… Ces engins forestiers, que l’on imagine plutôt destinés au BTP qu’à l’entretien de la forêt, sont conçus spécialement pour permettre le port de charges lourdes. Le recours à la mécanisation, dans le cadre de l'exploitation forestière, n'est donc aujourd'hui plus une option.
  2. Une avancée écologique : mécaniser permet de réduire les temps de coupe et donc le dérangement de la faune et de la flore. Préoccupation première de tout forestier, les chantiers sont systématiquement organisés dans le respect de la biodiversité et des milieux naturels, en limitant au maximum les impacts terrestres. Cette meilleure prise en compte a raccourci les délais d’intervention. Ainsi, les périodes de nidification des différentes espèces et l’état des sols sont toujours pris en considération dans la planification des interventions mécaniques en forêt. Les machines aident à travailler plus vite et avec la sécurité nécessaire.

  3. Une gestion sanitaire plus efficace : la coupe des bois relève parfois de l’urgence. C’est notamment le cas quand une forêt et ses arbres dépérissent à cause de conditions climatiques rudes, de maladies ou de parasites, comme les scolytes ou la chalarose du frêne, pour les plus ravageurs. Si les arbres ne sont pas coupés et évacués rapidement, c’est toute la forêt qui est menacée, ou pire, qui risque de subir des dommages à long terme.

C’est avec nos machines que nous entretenons la forêt aujourd’hui. Personne ne voudrait revenir en arrière et exercer le métier comme il y a 50 ans. Les gens qui nous interpellent, eux non plus ne voudraient pas vivre comme dans les années 60…

Aurélien Guillemeau, entrepreneur forestier.

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La mécanisation, c’est pas automatique

Et donc, des machines, partout, pour tout, tout le temps ? En forêt, il n’y a pas une solution miracle, mais un panel de possibilités et de moyens. Lorsque les sols sont trop fragiles ou lorsque des enjeux sont prégnants comme la présence de bois de haute valeur, d’autres techniques d’exploitation sont envisageables. Avez-vous déjà entendu parler du débardage par câble aérien ?

©ONF

Ce système de mobilisation exceptionnel est particulièrement utilisé en montagne, car il permet d’accéder à des bois dans des zones escarpées, voire inaccessibles, et ceci sans atteinte pour l’environnement. Ainsi, les grumes de bois sont transportées non plus par la route mais par les airs !

D’avril à juin 2020, l’ONF a expérimenté ce procédé innovant dans deux forêts de plaine, dont les sols gorgés d’eau rendaient difficile l’extraction des bois par voie traditionnelle. Le débardage par câble aérien répond à la volonté de l’ONF de développer divers modes d’exploitation et de s’adapter à tout type de forêt, quelle que soit sa topographie.

©Benoit Lacombat / ONF

Exploitation et protection des forêts, une équation possible

Broyeurs, débusqueurs, ou encore abatteuses sont des engins lourds, dont le passage n’est pas sans effet sur les sols forestiers. Un poids important ou répété peut entraîner l’apparition d’ornières, de cassures, mais aussi provoquer le tassement progressif du sol en profondeur. Ce phénomène invisible à l'œil nu se caractérise par une compaction, ce qui réduit la porosité du sol et donc son aération et sa capacité à absorber l’eau.

©ONF / Digicomstory

On estime que 80% du tassement a lieu entre le 1er et le 3e passage des engins. C’est pourquoi leur circulation est soumise à des tracés spécifiques, appelés cloisonnements d'exploitation. Ces chemins, indispensables pour faciliter le passage des machines, sont bien distincts de ceux empruntés par les promeneurs : ils sont d’ailleurs formellement interdits au public. Leur utilisation par les prestataires de l’ONF est obligatoire.

Outre les consignes de circulation, différentes prescriptions sont en vigueur lors d’un chantier. Elles concernent, par exemple, la préservation des bois restant debout, la conservation des arbres marqués pour la biodiversité, ou encore le respect des périmètres de tranquillité instaurés autour des arbres porteurs de nids de rapaces forestiers.

En canalisant la circulation sur ces chemins désignés (cloisonnements), on limite la surface circulée sur la parcelle d’une coupe à l’autre dans le temps. En effet, sans les cloisonnements, les machines déambuleraient partout et cela pourrait endommager la parcelle forestière de 30 à 60 %.

Didier Pischedda, expert national en exploitation forestière et logistique à l’ONF.

Pour limiter les risques et préserver la vitalité de la forêt, des avancées techniques émergent de jour en jour. De quatre roues, les engins d’exploitations sont passés à six, puis huit. "Une manière de mieux répartir le poids de la machine", assure Didier Pischedda, expert national en exploitation forestière et logistique à l’ONF.

Les pneus aussi ont évolué pour passer de 500 mm de large à 710 voire 900 mm pour certaines marques. "Là aussi, le but est de diminuer la pression en augmentant la surface de contact au sol", ajoute l’expert. L'utilisation de tracks, sorte de chenille semi-rigide entourant les pneus, a également été développée en ce sens.

Les entreprises de travaux forestiers doivent utiliser des matériels adaptés et emprunter les passages désignés à l’ouverture du chantier par le technicien de l’ONF avec leurs engins et véhicules de débardage. Cette prescription s’inscrit dans un ensemble de réglementations environnementales et sociales qui visent à assurer non seulement la sécurité des différents usagers de la forêt, mais aussi la préservation des écosystèmes.

Didier Pischedda, expert national en exploitation forestière et logistique à l’ONF.

Le saviez-vous ?

Certaines activités, qui paraissent anodines à première vue, ne sont pas sans conséquences pour l’environnement. En effet, les passages répétés des promeneurs peuvent avoir des impacts forts sur le tassement des sols, de même que ceux des cyclistes, cavaliers, quads... Dans certains massifs et plus généralement dans l’ensemble des milieux naturels, la sur-fréquentation est la principale cause de l’érosion des sols. En forêt domaniale de Fontainebleau (Seine-et-Marne) par exemple, le sable qui compose les sols est transporté dans les vallons, entraînant la mise à nu des racines des arbres. C’est la répétition du nombre de passages des marcheurs qui crée des impacts sur les sols. D’où l’importance de respecter les sentiers créés, aménagés et entretenus par les forestiers pour permettre à chacun de profiter de la forêt tout en la protégeant !

Et après la coupe, on laisse la forêt en ruine ?

Bien sûr que non ! Les parcelles exploitées sont remises en état à l’issue des chantiers. Concrètement, cela signifie qu’après une coupe de bois, les équipes de l’ONF contrôlent que les entreprises de travaux forestiers ont bien restauré les zones de passage des engins, en rebouchant notamment les ornières que ces derniers ont creusées. Cette obligation est mentionnée dans le Cahier national ONF des prescriptions d’exploitation forestière (CNPEF).

Pour tenir compte de l’ensemble des enjeux présents sur la parcelle, les conditions et délais de remise en état sont prévus dans chaque contrat d’exploitation passé avec l’entreprise de travaux forestiers. Cette remise en état n’est pas pour autant toujours immédiate. Pour les travaux se déroulant en hiver par exemple, il est préférable, pour des questions environnementales, d’attendre que le sol soit sec avant de remettre en état les chemins.

L’ONF interdit également cette ultime étape des chantiers à certaines périodes de l’année pour préserver des espèces qui se reproduisent dans les flaques d’eau résultant du passage des engins. C’est le cas dans les massifs forestiers accueillant le Sonneur à ventre jaune (amphibien), où les remises en état peuvent être interdites du 1er avril au 31 juillet.

La gestion "multifonctionnelle" des forêts prend ici tout son sens : les forestiers attachent autant d’importance à la bonne réalisation des travaux qu’aux différents enjeux environnementaux.

©Giada Connestari / Imagéo / ONF

En conclusion...

Vous aimez la forêt ? Les forestières et les forestiers de l’ONF aussi ! Leur préoccupation : transmettre une forêt en bonne santé pour permettre aux générations futures de continuer à bénéficier de ses bienfaits.

Le CNPEF, le document de référence pour toute intervention en forêt publique

Dans l’objectif d’améliorer continuellement la qualité des chantiers d’exploitation forestière, l’ONF a mis en place un cahier des charges qui s’impose à tous les intervenants en forêts publiques, en métropole comme en Outre-mer.  Prestataires, clients, équipes internes de l'ONF, particuliers… Tous ont l’obligation d’appliquer les différentes prescriptions sécuritaires et environnementales inscrites dans ce cahier national des prescriptions d'exploitation forestière (CNPEF). Ce document de référence est reconnu par les organismes de certifications PEFC et FSC® auxquels l’ONF adhère.

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