©Manon Genin / ONF

Forêt de Saint-Sauvant : des milieux verdoyants chargés d’Histoire

Entre les Deux-Sèvres et la Vienne, la forêt domaniale de Saint-Sauvant n’est pas la plus connue des forêts françaises. Pourtant, ses sentiers intimistes à la végétation luxuriante ont de multiples histoires à vous raconter. Embarquez dans ses espaces naturels, sillonnez ses bois et découvrez une des plus belles chênaies du Poitou-Charentes aux côtés de Pascal Burgun, technicien forestier à l’Office national des forêts (ONF).

"La forêt est un jeu de lumière", c’est sur cette phrase poétique du forestier de l'Office national des forêts (ONF) que nous prenons la direction de la forêt domaniale de Saint-Sauvant, située à 30 minutes de Poitiers et qui tient son nom de la sylve gauloise. La météo est timide lorsque nous arrivons à l’entrée sud de la forêt.

"Ce n’est pas la partie la plus fréquentée de la forêt. Les promeneurs y viennent peu car dans cette partie les peuplements sont encore jeunes, pourtant elle possède tout de même de nombreux atouts", explique le forestier. Divisée en deux zones (nord et sud), la forêt de Saint-Sauvant compte 800 hectares au cœur d’un massif forestier de 1 500 hectares (700 hectares de forêt privée) : "Un bois au milieu des champs !" Elle se situe sur 2 départements et 4 communes : Saint-Sauvant, Celle-Lévescault, Valence-en-Poitou et Rom.

Saint-Sauvant et ses chênes sessiles. - ©Manon Genin / ONF

Le plateau sur lequel s’étend la forêt est constitué de sols fertiles appelés "terres rouges à châtaigniers", possédant une bonne réserve en eau. "Ici, un chêne de 200 ans fait plus de 40 m de haut, cela donne un indice sur la qualité des sols", explique le forestier. Du fait de la grande proximité de l’océan (une centaine de kilomètres des côtes atlantiques), le climat océanique règne en forêt de Saint-Sauvant.

C’est dans la voiture blanche au logo vert que la balade dans la forêt commence. La musique classique diffusée à la radio accompagne la sérénité dégagée par les sous-bois verdoyants. Le long d’un chemin bordant la forêt domaniale au sud, nous croisons l’allée des poirionniers ou "poirionnier Saint-Sauvant". Ces arbres fruitiers greffés sont typiques de la région saint-sauvantaise. Ils produisent des petites poires en automne, délaissées depuis des décennies à cause de fruits peu sucrés et juteux.

Les forestiers œuvrent au quotidien pour assurer la pérennité et la vitalité des forêts et pour répondre à trois objectifs indissociables :

C’est ce qu’on appelle la gestion durable et multifonctionnelle.

Des bois aux qualités exceptionnelles

En plus de servir pour l’ébénisterie, le Chêne sessile de la forêt de Saint-Sauvant est utilisé pour la merranderie (activité qui consiste à produire des lattes pour la fabrication de tonneaux). Depuis des siècles, il est connu et reconnu pour ses qualités exceptionnelles (grain fin, croissance lente et régulière) et pour conférer ce goût si particulier aux vins. De plus, depuis le 8 juin 2022, la pratique sylvicole mise en place en forêt de Saint-Sauvant entre autres, pour obtenir cette qualité de chêne est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’État, confirmant la reconnaissance du savoir-faire des forestiers. 

Flore et faune : une mosaïque discrète mais bien présente

Le Chêne sessile est certes roi en forêt de Saint-Sauvant (présent à 90%), mais il n’est pas le seul et unique représentant ! Parmi les autres essences se côtoient du Châtaignier dans la partie sud (3%), du Pin laricio (1%), des feuillus (Cormier, Alisier torminal, Merisier, Saule, Tremble, Bouleau, Charme, Tulipier, Hêtre, Chêne rouge…) ou encore du Douglas (5%) !

Le soleil perce enfin les branches des châtaigniers. Dans la région, leurs feuilles servent à agrémenter un savoureux fromage de chèvre, le Mothais-sur-feuille. Discrète, la flore de la forêt s’épanouit entre Anémone sylvie, Violette, Asphodèle, Muguet, Jacinthe des bois, Fougère aigle, Houx, Genêt, Bruyère, Scille de printemps ; et une faune composée de cerfs, chevreuils, sangliers, renards, blaireaux, hérissons, lièvres, lapins ou encore des faisans à différentes périodes de l’année.

La forêt de Saint-Sauvant, comme la commune du même nom, n’est traversée par aucun ruisseau. Seul un réseau de mares naturelles et de mares artificielles créées par les forestiers de l’ONF permet de retenir l’eau à certaines périodes de l’année. Elles sont essentielles pour le stockage de l’eau car elles permettent à certaines espèces de s’installer lors des étapes cruciales de leur cycle de vie. C’est le cas notamment des amphibiens (triton, grenouille...) et des libellules qui utilisent ces mares pour pondre, des mammifères (cerf, chevreuil, sanglier...) ou encore des plantes rares qui y trouvent des conditions favorables à leur croissance. Près de celles-ci, des traces de boue apparaissent sur les troncs : "C’est le signe que des animaux viennent pour boire et se déparasiter."

La forêt de Saint-Sauvant a également un grand intérêt ornithologique. En effet, plusieurs espèces de rapaces diurnes rares (Autour des palombes, Faucon hobereau, Busard Saint-Martin) sont présentes dans ses bois. Deux oiseaux migrateurs aux mœurs étranges, nichant du printemps à l’été, peuvent également être observés occasionnellement : le Pic mar et le Grosbec.

Insolite

L’oiseau mobylette ou l’Engoulevent d’Europe
Avec sa bouche démesurée quand son bec est ouvert, on dirait qu’il "engoule" (avale) le vent ! Mais c’est bien pour capturer les insectes qu’il évolue ainsi au crépuscule et durant la nuit. L’oiseau émet au sol un ronronnement prolongé qui ressemble à s’y méprendre à une mobylette !

Le mangeur de serpent ou le Circaète Jean-le-Blanc
Ce rapace d’1m70 d’envergure est un original ! Il se nourrit presque exclusivement de reptiles. Pourtant, il n’est pas immunisé contre le venin des serpents qu’il capture, même si les écailles de ses serres et son épais duvet préviennent en partie les morsures.

Une attention toute particulière portée à la biodiversité

Bois morts, arbres à habitats, arbres à cavités, très gros bois, îlots de vieillissement et de sénescence… Tous ont une grande utilité pour le développement de la biodiversité en forêt de Saint-Sauvant.

Les arbres biologiques sont repérés à la peinture couleur chamois (triangle brun clair) et au GPS. L’objectif est de constituer une trame à travers toute la forêt. Ils vont mettre du temps à se décomposer et vont servir pendant plusieurs années de refuge et de nourriture pour les insectes et certaines espèces animales.

Pascal Burgun, technicien forestier territorial de l'ONF.

Les arbres biologiques sont repérés à la peinture couleur chamois (triangle brun clair) et au GPS. - ©Manon Genin / ONF

Les pépites de la forêt de Saint-Sauvant

Dans la zone sud, sur la route forestière du bois Perrault parcelle 57, le forestier nous présente le fameux "arbre en cage". C’est un hêtre planté dans une clairière. Âgé d’une cinquantaine d’années, il a la particularité d’avoir un port (forme) d’arbre de champs mais au milieu de la forêt, contrairement à ses voisins : ses branches basses sont encore vivantes.

Le long de la route forestière des fusillés dans la parcelle 71, il nous emmène voir un arbre rare et remarquable : un cormier de 55/60 cm de diamètre ! Un peu plus loin dans la parcelle 76, un chêne courbé par accident attire le regard : ses branches s’élèvent pour chercher la lumière. Les branches inférieures rattrapent les plus hautes, comme si elles voulaient remplacer la cime endommagée.

Sur la route forestière du Bois de Guron parcelle 74, admirez les magnifiques tulipiers de Virginie, plantés sur 3 hectares, en 1987, à titre d’essai afin d'étudier leur comportement.  

Dans la zone nord sur la route forestière des Grandes Croisées parcelle 25, vous ne pourrez pas manquer "El Presidente", le roi de la forêt de Saint-Sauvant. Et pour cause, cet imposant et magnifique Chêne sessile, vieux sans doute de plus de deux siècles, fait 40 m de hauteur et 4 m 20 de circonférence. Un peu plus loin au fond de la parcelle 7, le forestier nous présente ceux qu’il appelle "les quatre frères" : quatre pins sylvestres alignés faisant face au vent.

Haut lieu de la Résistance : les chemins de la liberté.

Dans la partie sud, sur la route forestière de la borne Vézètre parcelle 67, une stèle rend hommage aux 30 parachutistes britanniques et au pilote américain faits prisonniers et abattus dans la forêt domaniale sur le territoire de la commune de Rom (Deux-Sèvres) lors de la Seconde Guerre mondiale. A la Libération, ils furent inhumés dans le cimetière de Rom.

Quiz

Le long de la route forestière de la borne Vézètre, une croix blanche, située à proximité d'une borne, sert de délimitation à 3 communes, 3 arrondissements et 2 départements. Lesquels ?*

*Réponse en fin d‘article.

Dans la partie nord de la forêt, découvrez les vestiges du hameau de la Branlerie. Durant la Seconde Guerre mondiale, ses fermes ont été un lieu de résistance. Désertées depuis 1941, elles ont constitué un refuge idéal pour le mouvement de résistance des Francs-tireurs et partisans (FTP) lorsqu'ils ont libéré le camp d’internement de Rouillé dans la nuit du 12 au 13 juin 1944.

Mais, le 27 juin, encerclés par des soldats allemands et des miliciens, quatre maquisards furent tués au combat et 27 capturés puis exécutés. Les fermes de La Branlerie furent incendiées et sept prisonniers furent déportés. A l’arrière du village, cachées par les arbres, vous pourrez découvrir deux tombes protestantes datant du début du XXe siècle.

La forêt de Saint-Sauvant en détails

Des traces archéologiques

La forêt de Saint-Sauvant recèle de traces d’ouvrages fortifiés sur le site des Châteliers. Il pourrait s’agir de trois camps datant vraisemblablement de l’Antiquité tardive. Installés en ligne sur une hauteur de 155 à 159 m, ils dominaient et protégeaient l’ancienne voie romaine reliant Rom (Rauranum) au site antique de Lusignan.

Pendant la guerre de 100 ans, la région est très disputée avec notamment la prise de la forteresse de Lusignan en 1373. C’est probablement au moment de ce conflit que deux de ces camps furent réutilisés et prirent pour la postérité les toponymes évocateurs de "Fort à l’anglais" et de "Fort au français".

Infos pratiques

Très bientôt sur cette page, vous pourrez télécharger et imprimer un plan de la forêt avec des propositions de sentiers et des points d’intérêts à découvrir.

  • Public : familles, cyclistes, randonneurs.
  • La partie sud vous donne rendez-vous autour de sa zone d’accueil avec trois tables de pique-nique, sur ses grandes routes forestières ombragées, la plupart fermées à la circulation publique.
  • La partie nord, plus variée, vous permettra d’organiser vos balades avec des milieux plus ouverts et de traverser de belles futaies de chênes adultes. Deux zones de pique-nique vous attendent. Le parcours des mares n’est plus actif (même si le panneau l'indiquant est encore présent. Il sert uniquement désormais pour se repérer).

Accès :

  • Aire de loisirs zone nord : depuis Lusignan suivre "forêt de Saint-Sauvant", prendre au sud la D7 puis la D96, à droite après Vaugeton. Depuis Saint-Sauvant, suivre forêt de Saint-Sauvant, prendre à l’est la D29 puis la D96 à gauche, direction Lusignan.
  • Aire de loisirs zone sud : depuis Lusignan, prendre au sud la D7 puis la D29 à droite et suivre aire de loisirs sud. Depuis Saint-Sauvant, suivre forêt de Saint-Sauvant prendre à l’est la D29, direction Payré.

Autour de la forêt :

  • Saint-Sauvant : villa musée de Xavier Bernard, aire de camping-car, piscine, tennis, restaurant Ô Poirion
  • Celle-Lévescault : zone de loisirs aux bords de la Vonne
  • Payré : circuit du Foutou, site loisirs des îles de Payré, sentiers et voies vertes en Civraisien
  • Rom : musée Rauranum
  • Vivonne : sentiers et voies vertes de la vallée du Clain, canoé-kayak sur le Clain, camping
  • Lusignan : base de loisirs et camping le long de la Vonne, centre historique

Réponse au quiz

  • Communes : Saint-Sauvant, Celle-Lévescault, Payré et Rom.
  • Arrondissements : Poitiers, Montmorillon et Niort.
  • Départements : la Vienne et les Deux-Sèvres.

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