Le hêtre est très présent en forêt de Saverne – ©Elodie De Vreyer / ONF

La forêt de Saverne, pour les amoureux de nature et de patrimoine historique

La forêt de Saverne, dans le Bas-Rhin, vous propose de belles balades dans la verdure et le passé. Les vestiges de cinq châteaux et d’inattendues ruines gallo-romaines attirent les visiteurs dans cette forêt mêlant feuillus et résineux, non loin de Strasbourg. Partez à sa découverte en compagnie d'un forestier de l'Office national des forêts (ONF).

Même en ce lundi couvert d’octobre, on y croise promeneurs et cyclistes. Située à 45 minutes de Strasbourg, la forêt domaniale de Saverne est un site très fréquenté, accessible dans son intégralité aux amoureux de nature, y compris les fans d’escalade et de parapente ! Il faut dire que les escarpements du lieu se prêtent bien à ces pratiques sportives.

Sur ce versant alsacien des Vosges, les 4 000 hectares de verdure poussent sur du grès. Avec ses vallons encaissés, la forêt comprend plusieurs sites occupés historiquement très tôt pour leur vocation défensive. Traversée d’est en ouest par la vallée de la Zorn, culminant à 600 mètres, elle offre par ailleurs de nombreux points de vue sur la plaine d’Alsace et le plateau lorrain.

Par temps clair, le rocher du Brotsch offre un panorama sur la montagne et la vallée. - ©Elodie De Vreyer / ONF

Une forêt mélangée

Au départ du centre-ville de Saverne, pas moins de 260 km de sentiers s’offrent à la balade. Pour le plaisir du randonneur la forêt est assez mélangée, à l’exception de quelques surfaces uniquement constituées de pin. Chez les feuillus, le hêtre domine, suivi par le chêne puis d’autres essences, dont les derniers ormes des montagnes. Du côté des résineux, le sapin est le plus représenté, avant le pin, l’épicéa et le Douglas. Reliant la sortie de Saverne au château du Haut Barr, un sentier sylvicole permet de découvrir la diversité de ces essences végétales. 

Car ici, on est avant tout dans une forêt de production. 30 000 m3 de bois y sont prélevés chaque année. Elles alimentent les quelques scieries subsistant dans la vallée ainsi que d’autres, plus lointaines, qui apprécient le bois d’œuvre des résineux blancs. Quant aux houppiers (les branches situées au sommet) des feuillus, ils sont vendus comme bois de chauffage aux habitants du secteur. 

En images, la forêt de Saverne...

"Cette forêt, je la vois beaucoup évoluer depuis quelques années, ce qui n’est pas bon signe. Dans un cycle végétal normal, les changements sont plus progressifs et plus lents". Pierre Ley, le responsable de l’unité territoriale Saverne Montagne à l'ONF, veille sur la forêt depuis presque trente ans. Dans sa famille, on est forestier depuis sept générations.

Comme ailleurs, les effets du réchauffement climatique se font sentir ici, avec des arbres qui dépérissent du fait de la sécheresse. Saverne pourtant résiste mieux que les autres forêts vosgiennes. "La forêt se régénère bien parce que le sol sableux est propice à la germination, commente Pierre Ley. Et les arbres qui poussent sur ce milieu pauvre et filtrant, supportent encore relativement bien les températures en hausse et la raréfaction de l’eau."

À l’appui de ses dires, le forestier montre, tout au long de la balade, la régénération naturelle en action. Les jeunes pousses de pins, hêtres et sapins croissent côte à côte et de façon spontanée. Ici, il est rarement nécessaire de planifier des plantations : la nature fait son œuvre, les forestiers interviennent ensuite pour améliorer la qualité du bois produit, les paysages et pour assurer l’équilibre entre les différentes essences.

Une santé fragile

Si les forêts alsaciennes sont une terre de châteaux médiévaux, Saverne est particulièrement bien dotée avec cinq sites. Cette richesse patrimoniale et la proximité de Strasbourg en font une forêt très prisée. La surfréquentation humaine menace l’équilibre de la forêt, notamment par son impact sur la vie des animaux. La présence des hommes oblige la faune à se concentrer au cœur de la forêt où elle s’attaque aux jeunes pousses.

Le sujet est d’autant plus préoccupant que Saverne souffre, comme 39 % des forêts domaniales (chiffre 2020, ONF), d’une surpopulation de grands ongulés. Les sols retournés en bordure de chemin l’attestent : ici les sangliers sont légion. Tout comme les chevreuils et les cervidés. Sur la route, Pierre Ley croise le chemin d’un chasseur, un partenaire missionné par l’ONF pour prélever les animaux surreprésentés. Une action souvent mal comprise des visiteurs. "C’est pourtant une nécessité, rappelle le forestier. Une faune trop nombreuse empêche la régénération qui assure la pérennité de la forêt."

La forêt est très fréquentée. Pour la préserver, il faut veiller à ne pas sortir des sentiers, pour éviter que le piétinement n'érode les milieux fragiles et ne dégrade la végétation.

Pierre Ley, responsable de l’unité territoriale de Saverne Montagne à l'ONF.

La petite tour dans la prairie

La balade commence à 530 mètres d’altitude au pied d’une tour de grès rouge qui détonne, plantée au milieu d’une prairie ceinturée d’arbres. Cette tour d’observation a été bâtie en 1897 par le Club vosgien, qui continue d’entretenir et de baliser les sentiers. Cette fédération qui promeut le tourisme pédestre a ses origines à Saverne, où le premier club est né en 1872.

Comptez 97 marches pour arriver au sommet de cette tour dite du Brotsch, qui fait office de table d’orientation. Les forestiers procéderont bientôt au "martelage" des arbres de ce secteur, marquant d’une croix rouge les arbres à couper. L’opération permettra aux visiteurs de la tour de retrouver une vue sur la forêt, les châteaux et la plaine environnante. Un panorama aujourd’hui occulté par des pins. "C’était l’époque où les forestiers se croyaient tenus de combler tous les vides", ironise notre guide du jour.

Des ruines gallo-romaines au cœur de la forêt

La visite se poursuit sur le chemin forestier du Wasserwald ("forêt de l’eau"). Sur un vaste plateau rocheux, des ruines percent au milieu des hêtres et d'autres feuillus. Ce sont les restes d'un village gallo-romain. Des Celtes fuyant la conquête des armées de César se sont installés sur ces hauteurs au Ier siècle av. J-C. 

Le viehweg, artère principale délimitée par des murets de pierre est encore bien visible, de même que les restes de plusieurs maisons et d’un temple. À Saverne, le musée du château des Rohan conserve des pièces trouvées sur place, comme des stèles de pierre en forme de maison et quelques statues. 

Aux abords de ce même plateau du Wasserwald, la biodiversité est bien vivante : des faucons pèlerins nichent dans des rochers de grès entourés de fougères et de pins. Pour le bien-être des oiseaux, l’exploitation forestière et l’escalade y sont interdites à certaines périodes de l’année.

"On voit aussi passer des cigognes noires. Mais la forêt est surtout le domaine des hiboux grand-duc, chouettes de Tengmalm et de toutes sortes de pics : vert, épeiche ou noir", commente Pierre Ley. Le cingle plongeur et la bergeronnette des ruisseaux préfèrent les abords du Baerenbach, la rivière aux eaux transparentes qui traverse la forêt.

Nombre de ces oiseaux trouvent refuge dans les bois morts laissés sur place par les forestiers. Tous ne sont pas aussi vénérables toutefois que le Billebaum, un hêtre de 350 ans mort à la suite de la tempête de 1999 et toujours sur pied. 

Le coin préféré du forestier en forêt de Saverne

©Elodie De Vreyer / ONF

Pont du Diable et télégraphe au Haut-Barr

Un circuit de 23 km permet de parcourir la forêt à la découverte des cinq vestiges de châteaux médiévaux : château du Greifenstein, d’Ochenstein, du Petit et du Grand Geroldseck, pour rejoindre le château du Haut Barr.

Si les trois premiers ne présentent plus que quelques ruines, le quatrième mérite un arrêt plus long. Grâce aux bénévoles passionnés de l’association Pro Geroldseck, ce château du XIIe siècle se relève de ses ruines. Restaurée, l’entrée de la vaste bâtisse a désormais fière allure. Elle mène vers un donjon bien conservé et le niveau inférieur d’un palais. Des visites sont possibles en consultant le site de l’association.

Le circuit des châteaux s’achève au Haut-Barr, l’un des sites patrimoniaux les plus fréquentés d’Alsace. Bâti sur trois éperons de grès rouge évoquant la proue d’un navire, il permettait de contrôler la vallée de la Zorn et le col de Saverne, points de passage entre l’Alsace et la Lorraine. Par temps clair, on voit même la cathédrale de Strasbourg. L’entrée du château est à voir, de même que les vestiges de la chapelle et de plusieurs tours. Prudence toutefois si vous vous engagez sur le pont qui relie les rochers : selon la légende il a été bâti par le Diable lui-même !

En repartant, vous pourrez découvrir l’une des rares tours subsistantes du télégraphe optique Chappe. Un système de transmission des messages imaginé en 1793 par l’ingénieur Claude Chappe et dix fois plus rapide que les cavaliers de l’époque !

Une visite (se renseigner au préalable) vous permettra de comprendre le fonctionnement de cette invention. Sur cette ligne télégraphique Strasbourg-Saverne, l’employé perché au sommet de la tour-relais observait à la lunette les signaux émis par son collègue de la tour située "en amont". Il les reproduisait pour son collègue "en aval". Révolutionnaire pour l’époque ! 

Infos pratiques

  • Public

La forêt est accessible à un large public, avec des balades présentant plusieurs niveaux de difficulté. Prévoir des chaussures adaptées.

Des circuits sont proposés aux randonneurs, VTTistes, des sites sont proposés aux adeptes de parapente et d’escalade, dans le respect des consignes et balisages. Les GR©53 et 532 traversent la forêt du nord au sud. 

  • Accès

La forêt est accessible par les communes de Saverne, Stambach et Reinhardsmunster. Plusieurs parkings jalonnent les routes forestières qui traversent le site.

  • Services

On trouve plusieurs hôtels à Saverne, deux à Birkenwald. On peut aussi se restaurer dans ces communes.

Et aussi :