La forêt de Verdun, gardienne des combats de la guerre et du front

Avec sa série d'articles sur "L'histoire des forêts françaises", l'Office national des forêts (ONF) vous raconte le passé des espaces naturels que nous aimons tant. C’est pour conserver la mémoire de la Grande Guerre et de la terrible bataille de 1916 que l’Etat a décidé de créer la forêt de Verdun quelques années après la fin du conflit. Explications.

A l’issue des combats de 1916, au terme de "300 jours et 300 nuits" effroyables, Verdun est un champ de ruines. Des milliers de soldats des armées françaises et allemandes ont été tués ou blessés. Neuf villages ont été détruits. Champs de céréales, prairies, vergers, vignes, fermes et jardins ont disparu dans une tourmente sans précédent dans l’Histoire.

Les combats de 1916 laissent derrière eux un paysage dévasté (ravin de la Dame). - ©Collection particulière

Au lendemain de l’Armistice de 1918, la bataille de Verdun est considérée comme le symbole du sacrifice humain de la Grande Guerre. Le site des combats fait partie de la "zone rouge" créée par l’Etat le 17 avril 1919. Au terme d’un débat passionné qui anime la société civile et le monde combattant, les pouvoirs publics décident de boiser cette zone, pour mieux conserver les vestiges des combats et les transmettre aux générations futures. 

36 millions d’arbres plantés en huit ans

Le 24 avril 1923, l’Etat confie à l’Administration forestière la gestion de la partie définitivement expropriée de la "zone rouge". 36 millions d’arbres sont plantés en huit ans. Au bout de cinq ans, les anciennes terres agricoles sont reboisées à 60% avec des résineux (pins noirs, épicéas, pins sylvestres) et à 40% par des feuillus (aulne blanc, bouleau, chêne, frêne, érable).

A Verdun, des millions d’obus tirés

La bataille de Verdun de 1916 commence le 21 février par une offensive allemande, pour se terminer le 15 décembre par les attaques françaises de dégagement. Entre ces deux dates, des millions d’obus sont tirés. Deux phases s’avèrent particulièrement meurtrières, en février et en juin. Le 21 février 1916, huit divisions allemandes attaquent sur les 7 km du front. Les Allemands ont amassé 1 300 pièces, une tous les 12 m du front. La préparation d'artillerie dure neuf heures. Sur le secteur central du Quadrilatère des forts (Douaumont, Thiaumont, Souville et Vaux), deux millions d'obus tombent sur un front de 5 km.

En juin, plus de 3.000 pièces françaises et allemandes sont en action. Du 21 au 23 juin, près de 200.000 obus à gaz sont tirés dans le secteur Froideterre-Souville-Fleury-Thiaumont. Jusqu’au 23 juillet, pleuvent 40 millions d'obus sur les 175 km où piétine la bataille, 2.250 obus par hectare, un obus pour moins de 5 m². Pour les quatre années de guerre, les pertes avoisinent les 500.000 morts, français et allemands, dont un cinquième sont disparus, ensevelis dans les tranchées, les abris, les entonnoirs et 200.000 blessés.

Une forêt et de nombreuses traces de la bataille

Aujourd’hui, la forêt de Verdun s’étend sur 9 533 hectares, dont 6 000 était auparavant des terres agricoles. Si la nature a fait son œuvre, il existe de nombreux sites préservés qui rappellent l’intensité des combats. Dans l’inconscient collectif, le champ de bataille est longtemps resté un espace stérilisé, sur lequel plus rien ne repoussait. Mais il n’en est rien dans les faits. La nature a très vite repris ses droits.

Au fil des ans, la forêt a recouvert une partie des vestiges, qui restent néanmoins visibles pour des yeux avertis. - ©ONF

L’évolution rapide de l’aspect du champ de bataille a étonné les anciens combattants qui ne voulaient pas voir oubliée l’horreur des combats. Les sites les plus symboliques et les plus chargés d’histoire ont donc été peu à peu mis en valeur.  En 1932, la ville de Verdun a obtenu l’accord des ministères pour ne pas boiser les 172 hectares du plateau de Douaumont, au cœur des combats.

En 1967, ces hectares ont été inclus dans un site classé de 911 hectares destiné à protéger le cœur du champ de bataille de Verdun et à assurer la visibilité des hauts lieux que sont l’ossuaire de Douaumont, la nécropole et le Mémorial créé en 1966. La forêt abrite aujourd’hui de nombreux espaces dédiés au souvenir et ces sites commémoratifs contribuent à faire de cette forêt un site unique en Europe.

Dès les années 30, le secteur de Douaumont a été classé afin de protéger le cœur du champ de bataille. - ©ONF

Entre feuillus et résineux

Après la guerre, les forestiers ont privilégié les pins noirs, les épicéas, les pins sylvestres, en mélange avec les feuillus pionniers tels les aulnes blancs et les bouleaux : ils s’adaptaient mieux aux conditions extrêmes que les espèces locales de l’époque comme le chêne, le frêne ou l’érable.

La forêt a ensuite évolué peu à peu en un peuplement de feuillus : pour les forestiers, il s’agissait de constituer un boisement plus conforme aux conditions écologiques locales. Grâce à une gestion adaptée, ils ont également cherché à diversifier l’âge des peuplements, un moyen de mieux maîtriser les risques sanitaires et le vieillissement des arbres.

Recenser les traces de l’Histoire

Depuis 1991 et la découverte, au sud de la ville de Verdun, de la fosse où furent inhumés Alain Fournier et ses compagnons, les archéologues et les forestiers travaillent à organiser le recensement des vestiges présents dans la forêt.

Ossuaire et cimetière de Douaumont. - ©LACROIX Philippe / ONF

Une forêt passée au crible du Lidar

En 2013, la technologie laser a fait la lumière sur le champ de bataille. Les premières données exploitées font état d’un territoire archéologique unique en Europe. Grâce à cet outil de prospection, le sol du champ de bataille est connu dans ses moindres détails. Chaque trou d’obus, ruine de village, parcellaire ancien, fortification, est révélé sur près de 12 000 hectares. Cette masse de données ouvre de nombreuses possibilités, tant pour la recherche que dans la gestion de la forêt ou dans la communication auprès du grand public.

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