Les forêts au front : le camp retranché de Paris renforcé en 1914

A la veille de la Première Guerre mondiale, l’Etat-major décide de renforcer le camp retranché de Paris, ceinture de défense qui protège la capitale. Objectif : repousser les assauts des Allemands. Aujourd'hui encore, quelques vestiges subsistent en forêts franciliennes. Avec sa série d'articles sur "L'histoire des forêts françaises", l'Office national des forêts (ONF) vous raconte le passé des espaces naturels que nous aimons tant.

A partir du 2 août 1914, le Gouverneur militaire de Paris, le général Michel, lance les travaux de renforcement du Camp retranché de Paris. La construction de tranchées, de réseaux de fil de fer, d’abris et d’une centaine de batteries d’artillerie commence, mais plus tardivement que prévu.

Lorsque le général Gallieni devient gouverneur militaire de Paris le 26 août, les positions d'infanterie et d'artillerie ne sont pas en état de fonctionner. Or, début septembre, la première bataille de la Marne permet à l’Allemagne de prendre pied en Ile-de-France. Le danger plane sur Paris dont le système de défense renforcé n’est pas encore terminé.

La construction des tranchées, réseaux de fil de fer et abris démarrent au mois d’août 1914 (tranchée allant de la porte de Châtillon à Charenton, juillet 1915). - ©ECPAD

Rappel historique : des défenses qui complètent les ceintures antérieures

Au début du XIXe siècle, les tensions entre la France et la Prusse sont fortes. En cas d’invasion, Paris se trouverait très exposé. Président du Conseil sous le règne de Louis-Philippe, Adolphe Thiers est chargé de mettre en œuvre de nouvelles défenses. Entre 1840 et 1846, 25.000 ouvriers édifient une enceinte fortifiée continue de 34 km, armée de 94 bastions. S’y ajoutent 26 forts détachés, redoutes et batteries construits à 1,5 voire 3 km de la capitale.

Ce dispositif se révèle inefficace lors de la guerre de 1870. Suite à la défaite, le général Séré de Rivières met en œuvre une nouvelle stratégie : 18 forts, 5 redoutes et 34 batteries sont édifiés à environ 12 km du centre de Paris.

C’est cet ensemble, constitué de la ceinture de Thiers et des forts Séré de Rivières, que les ouvrages du camp retranché de Paris viendront renforcer en 1914.

Au prix de combats sanglants, les armées françaises et anglaises repoussent finalement les Allemands vers l'Aisne à la mi-septembre. La menace est écartée. Elle ne reviendra pas, mais personne alors ne peut le savoir. L'urgence est donc de finaliser le camp retranché de Paris.

C’est à la fin de l'automne 1914 que l'ensemble des défenses planifiées avant-guerre est achevé. Jusqu'à l'été 1915, quelques ouvrages supplémentaires viennent compléter le dispositif. A cette date, une part importante de l'armement et de l'équipement prévus pour le Camp retranché est déjà acheminée vers le front, pour compenser les pertes de ce qui est devenu la Guerre de positions.

Les ouvrages du camp retranché sont surtout construits par les soldats des régiments de réserve de l’armée territoriale, âgés de plus de 40 ans et surnommés "pépères". - ©Collection particulière

Un dispositif qui devient vite obsolète

Le camp retranché de Paris se voit progressivement déséquipé de ses armes, munitions, équipements, et des effectifs de l'infanterie territoriale qui auraient dû en assurer l'entretien. A aucun moment l'ensemble des positions défensives ne sera tenu par les effectifs prévus.

A partir de l'automne 1915, Paris sera essentiellement le théâtre de l'acheminement de troupes et de matériel vers le front. Dès 1917, le Camp retranché de Paris est déclaré inopérant par l'Etat-major. Les tranchées d'infanterie, non entretenues durant trois hivers, et les positions d'artillerie, désarmées et déséquipées, sont inutilisables.

Rapidement, les soldats désertent les tranchées du Camp retranché de Paris pour rejoindre le front de l’Est (Champlan, Essonne). - ©ECPAD

La capitale touchée par les bombardements

Paris n’est pas pour autant épargnée. La capitale subit en 1915 des bombardements de zeppelins et début 1918, les premiers avions Gothas réussissent des raids destructeurs qui font plusieurs centaines de victimes à Paris. L'aviation allemande et les canons à longue portée (Paris-Kanonen), capables d'atteindre la capitale depuis l'arrière des lignes de front, rendent complètement obsolètes les systèmes de fortification imaginés seulement quatre ans auparavant.

Avant même l'armistice de 1918, les terrains réquisitionnés pour le camp retranché de Paris sont rendus à leurs propriétaires, les tranchées rebouchées et en grande partie oubliées.

Les bombardements touchent la région Ile-de-France (Fontenay-sous-Bois, Val-de-Marne). - ©ECPAD

Lutter contre les avions

De nouveaux systèmes de défense doivent être mis en place. Des dispositifs d'aviation et d’artillerie anti-aérienne voient le jour, au cœur même de la capitale. Ils s'appuient sur un ensemble de postes d'écoute et d'observation qui dépasse largement les limites du camp retranché.

Début 1918, l'Etat-major en vient même à amorcer la construction d'un "faux Paris" autour de Herblay dans le Val-d'Oise, composé de monuments factices éclairés la nuit, et destinés à tromper les avions ennemis lors de leurs raids nocturnes.

L’installation de postes d’écoute fait partie du dispositif mis en place pour prévenir les attaques aériennes (Frépillon, Val d’Oise). - ©ECPAD

Des vestiges conservés en forêt

Au hasard d’une balade en forêt, le promeneur francilien peut s’étonner de la forme de certains reliefs. Peut-être cachent-ils l’un des vestiges du camp retranché de Paris…

Plus de 100 ans après sa construction, il a presque entièrement disparu. Urbanisation et agriculture en ont effacé la plupart des vestiges. Les forêts en ont néanmoins préservé une partie : ce milieu est propice à la conservation car les sols s’y érodent plus lentement que dans les zones agricoles ou urbaines, et les activités humaines y sont moins importantes.

La forêt facilite la conservation des vestiges. - ©ONF

Certains vestiges, tels que les forts construits au XIXe siècle, sont en grande partie encore visibles à l'oeil nu dans le paysage francilien et notamment en forêt. Parfois devenus propriétés privées, ils ne font pas toujours, voire rarement, l'objet de valorisation patrimoniale mais sont bien identifiés.

D’autres vestiges tels que les positions d'infanterie ou les tranchées sont enfouis sous le sol et la végétation. Un siècle après, seules des opérations archéologiques permettent d'en retrouver la trace. Plusieurs diagnostics d'archéologie préventive et des prospections aériennes ont mis au jour quelques-unes de ces structures en creux.

Les fouilles archéologiques préventives permettent de mettre à jour des vestiges (tranchée révélée à Cergy, Val-d’Oise) - ©Service archéologique du Conseil général du Val-d’Oise

Les archéologues au travail

Les structures encore visibles sont celles qui ont été protégées par le couvert boisé. Ce sont aujourd’hui des objets d’études pour les archéologues. Ils travaillent avec des relevés Lidar qui leur permettent d'en révéler les empreintes.

L’Office national des forêts a entamé en 2007, un inventaire du patrimoine de la Grande Guerre dans les forêts domaniales franciliennes avec l’aide des services archéologiques des conseils généraux du Val-d’Oise et des Yvelines, et de bénévoles. Les campagnes de prospections au sol ont permis de révéler une partie des ouvrages du Camp retranché de Paris construits entre l’été 1914 et l’automne 1915 en Ile-de-France.

L’ONF a prospecté plusieurs forêts franciliennes afin d’identifier des vestiges du Camp retranché de Paris - ©ONF

Et aussi :