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En forêt, la crise des scolytes s’accélère partout en France

Saison après saison, le scolyte grappille du terrain et cause d'importants dégâts dans les forêts françaises. Pour lutter contre cette épidémie, les équipes de l’Office national des forêts (ONF) agissent au quotidien et mettent en place diverses mesures sur le terrain. Découvrez-les dans cet article long format.
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Initialement déclenchée en région Grand Est, l'épidémie de scolytes s'étend désormais sur la quasi-totalité des forêts d'épicéas, de la moitié nord de la France (Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France, Normandie) à l’Auvergne Rhône-Alpes. Ces insectes, dont la taille varie entre deux et sept millimètres, sont naturellement présents dans notre écosystème. Le typographe est le scolyte commettant les plus gros dégâts dans les forêts d’épicéas, notamment dans le Grand Est. En creusant des galeries dans le cambium (une fine couche sous l’écorce) pour y déposer leurs œufs, les femelles condamnent des arbres par milliers.

Partout où l'épidémie frappe, une modification de l'aspect paysager est à prévoir. Au-delà des coupes exceptionnelles, le dépérissement des épicéas modifie l'aspect de la forêt. En effet, les arbres attaqués par les scolytes sont facilement identifiables par le changement de la couleur de leurs aiguilles, virant du vert au brun, puis par leur disparition totale.

En images, les ravages des scolytes...

Le saviez-vous ?

Les scolytes constituent une large famille d’insectes. Beaucoup de scolytes sont spécifiques d’une essence en particulier. Pour l’épicéa, on parle du typographe et du chalcographe, pour le pin sylvestre du sténographe, pour le sapin du curvidenté…

Comment une telle crise a pu voir le jour dans les forêts françaises ?

Les conditions climatiques extrêmes de ces dernières années en France ont engendré de multiples crises sanitaires en forêt. Ces dernières prennent la forme d'une importante prolifération de parasites, insectes et champignons, qui provoquent de sérieux dépérissements dans les peuplements. Ainsi, les effets conjugués des printemps et des étés depuis 2018, exceptionnellement chauds et secs, ont entraîné une prolifération de scolytes dans les pessières (forêts d'épicéa).

Les 4 leviers d’action des forestiers...

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1/ L'Etat des lieux
En coordination avec le ministère de l'Agriculture et de l'alimentation, l'ONF, les collectivités locales et les acteurs du monde forestier sont aujourd'hui plus que jamais mobilisés. L'objectif est d'établir un état des lieux précis des populations de scolytes sur le territoire. Ce travail, mené en collaboration avec le département de la Santé des forêts, l'ONF et les partenaires de la forêt privée (CNPF), comprend notamment la réalisation de cartographies utilisant l'imagerie satellite.
 
À l'ONF aussi, des méthodes exploitant les images de satellites (satellite européen Sentinel-2, satellite Spot6-7) sont développées pour mieux répondre aux spécificités locales, en apportant notamment des informations aux territoires non couverts par la démarche initiée par le ministère de l'Agriculture. Ces méthodes, fondées sur un système de télédétection, nécessitent l'acquisition de données de référence sur des secteurs dont la situation au sol est connue.

Pour ce faire, l'Office s'appuie sur un large réseau de techniciens de terrain mobilisés pour fournir ces renseignements. Par ailleurs, la richesse du système d'information géographique de l'ONF (technologie ESRI) permettra de guider les diagnostics de terrain, d'optimiser l'exploitation des parcelles ainsi que leur reconstitution future.
 
En complément, une plateforme permettant de décrire et de localiser des signalements de dégâts de scolytes de manière homogène et simple a été mise en place en 2019 par l’IGN. "L’objectif est de disposer du plus grand nombre possible de zones de dégâts (ou saines) connues et décrites dans les différentes forêts", explique Anne Jolly, responsable du pôle Recherche, développement, innovation à l’ONF. Une fois recueillies de manière collaborative, ces informations alimentent ensuite la mise au point et l’évaluation des méthodes de cartographie des dégâts à partir des images satellites. Cette mise au point de méthodes a été confiée à une équipe spécialisée de l’INRAE.
 
2/ La détection précoce
On reconnaît un arbre infesté à des dépôts de sciure sur son tronc et à son pied. Sur le terrain, une des premières mesures à prendre pour enrayer une épidémie de scolytes est la détection précoce. Ce travail demande une minutie toute particulière. "Les trous font à peine quelques millimètres de diamètre. Un promeneur ne pourrait pas les voir", précise Hubert Schmuck, chef de projet complexe environnement et santé des forêts à l’ONF.

Une fois repéré, l’arbre infesté doit être coupé. "Il faut ensuite le débarder le plus vite possible, avant la fin du cycle larvaire pour éviter de contaminer les autres arbres", poursuit Hubert Schmuck. Le bois est ensuite amené en scierie, plongé sous l’eau ou encore écorcé de manière à ce que les larves ne puissent pas terminer leur cycle.

Des agents de terrain sont formés pour reconnaître tous les pathogènes et toutes les causes de dépérissement des arbres. Ils suivent des protocoles d’observation et des prises de mesures systématiques permettant de décrypter les différents phénomènes.

Eric Dubois, adjoint du directeur territorial chargé des questions forestières et des systèmes d'information à l’ONF en Auvergne-Rhône-Alpes.

Jour après jour, les forestiers constatent les effets des scolytes dans leurs forêts - ©Manon Genin / ONF

3/ Le piégeage aux phéromones
Depuis 2019, le département de la Santé des forêts a mis en place un autre stratagème : les pièges à phéromones. Quand les températures sont plus favorables, ces pièges à phéromones de mâles sont installés pour attirer les scolytes femelles. Ainsi, il est possible d’étudier les courbes de vol en fonction des températures. "Cela permet de suivre la dynamique des insectes mois par mois", explique Eric Dubois.
 
4/ Des coupes sanitaires nécessaires et exceptionnelles
La seule alternative pour limiter l'expansion d’une épidémie étant l'enlèvement rapide des bois, des opérations exceptionnelles de coupes et travaux sont réalisées et encadrées par l'ONF dans les forêts publiques. Pour les peuplements les plus impactés, des coupes rases peuvent être envisagées, tout en veillant à la préservation des sols, des vestiges, des sites mémoriels et des espaces naturels. Ces opérations inédites engendrent temporairement des désagréments pour les promeneurs et autres usagers de la forêt, dès lors que l'accès à certains secteurs de la forêt peuvent être interdits au public pour des raisons de sécurité.

La gestion courante de l'ONF et l'aspect de la forêt vont connaître de multiples perturbations - ©Carine Duret / ONF