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La forêt française ? L’héritage d’une gestion forestière pluricentenaire

La création de l'Office national des forêts (ONF) s'inscrit dans une très longue histoire qui prend son origine au cœur de la société féodale... il y a plus de 700 ans ! Remontez le temps avec nous et plongez dans le passé de la forêt française pour comprendre celle qui nous entoure aujourd’hui.
©ONF / Digicomstory

Nous sommes à la fin du XIIIe siècle et les forêts sont au coeur de la vie économique et sociale : elles fournissent fagots pour la cuisson, tiges pour la vannerie, piquets pour les cultures. Elles alimentent en bois les artisans et les bâtisseurs ; elles offrent fruits, racines et glands aux cochons et autres animaux d'élevage.

Elles sont également gages de puissance politique et militaire pour qui les possède et les contrôle : le bois d'œuvre tiré des futaies alimente la construction navale - civile et militaire - qui contribue à la renommée du pays et à celle de son souverain. Elles sont enfin le lieu d’expression d’un privilège longtemps réservé à la seule noblesse : celui du droit de chasse.

Ce capital forestier est d'autant plus précieux qu'il peut faire l'objet, ça et là, de surexploitation et être mis en danger. Soucieux de pérenniser la valeur et les ressources des forêts, le pouvoir royal va édifier progressivement une organisation chargée d'encadrer leur gestion et leurs usages.

Une politique forestière volontariste se met en place. Elle s'appuie sur la constitution de "maîtrises" des Eaux et Forêts chargées de mettre en œuvre les nouvelles orientations du pouvoir monarchique, d'abord dans les forêts royales puis dans les forêts ecclésiastiques. Ordonnance royale après ordonnance royale, siècle après siècle, l'édifice juridique et administratif s'étoffe. L'administration forestière, ancêtre de l'ONF, se met en place.

Plan géométrique d'un canton de bois - commune de Longechaux - datant de 1780. - ©Philippe Lacroix / ONF

Philippe IV le Bel et les maîtres des Eaux et Forêts

Le premier souverain à laisser son nom au fronton de cette histoire est Philippe IV le Bel : en 1291, il édicte une ordonnance qui définit pour la première fois le rôle des maîtres des Eaux et Forêts, enquêteurs, inquisiteurs et réformateurs. Les fonctionnaires royaux prennent progressivement le pas sur les baillis seigneuriaux et les premières bases d'une administration dédiée sont posées.

En 1346, Philippe VI consolide le travail engagé avec la publication de l’ordonnance de Brunoy qui a pour objet d’organiser l’administration des forêts, des eaux et de la pêche. Son article IV, le plus célèbre, énonce : "Les Maîtres des Forêts enquerront et visiteront toutes les forêts et bois qui y sont et feront les ventes qui y sont à faire, eu regard à ce que lesdites forêts et bois se puissent perpétuellement soutenir en bon état."

Au cœur de la société féodale, les principes d’une gestion durable de la forêt sont affirmés ! Le texte retire définitivement toute compétence aux baillis seigneuriaux. L'ordonnance prescrit par ailleurs la généralisation des coupes réglées c'est-à-dire une planification des prélèvements. Le pouvoir royal se fait plus fort et plus centralisateur. Il unifie les règles, les pratiques et les droits d’usage.

Arbres pluricentenaires - ©Giada Connestari / ONF

Colbert, l'homme de confiance de Louis XIV

C'est le cas de François 1er dont les ordonnances sur "le faict des Eaux et Forêts" pour le "commun profit du royaume" (1515-1518) visent à réduire le dommage causé "à la chose publique" par les dégâts en forêt. Mais c'est sans aucun doute Colbert, un siècle et demi plus tard, qui reste le grand réformateur de l’Administration forestière en cette fin de la Renaissance. Nommé contrôleur général des Finances en 1661, Colbert s’intéresse très rapidement à la forêt et à ses ressources.

L’homme, qui a la confiance de Louis XIV, a un double objectif : rétablir les finances du roi et réorganiser la gestion des forêts pour permettre au pays de produire le bois nécessaire à la construction d’une marine puissante susceptible de rivaliser avec les flottes anglaises et hollandaises. Pour ce faire, il place les forêts dans son giron, lance un inventaire général des forêts royales et persuade Louis XIV de procéder à une grande réorganisation des Eaux et Forêts.

Sentier Colbert en forêt domaniale de Tronçais - ©Giada Connestari / ONF

L'ordonnance que signe le roi Soleil, en 1669, est le point d'orgue de cette politique : le pouvoir royal y est réaffirmé, l’Administration forestière est renforcée, les méthodes d’exploitation sylvicoles sont précisées. Il est fait obligation aux communautés ecclésiastiques, propriétaires d'un patrimoine foncier étendu, de gérer un quart de leur surface forestière en futaie afin d’anticiper les besoins en bois à venir.

L’ordonnance de 1669 demeurera en vigueur pendant un siècle et demi et inspirera fortement le Code forestier de 1827 qui, sous une forme amendée, existe toujours à l'heure actuelle.

1827, le Code forestier

Le code forestier - ©DR

Lors de sa promulgation, en 1827, le Code forestier affiche sans détour son ambition : permettre à l’Etat de "reconstituer et protéger le patrimoine forestier national". Trois catégories de forêts sont distinguées :

  • les forêts domaniales (anciennes forêts royales),
  • les bois communaux?
  • et les forêts privées.

Un corps de fonctionnaires - dont les cadres seront formés dans une Ecole forestière créée en 1824 à Nancy - est chargé d’administrer les forêts domaniales. Les bois communaux sont placés sous la tutelle de l’Administration et sont soumis au Régime forestier dès lors qu’ils sont "susceptibles d’aménagement ou d’exploitation régulière". Sur le plan sylvicole, le Code forestier accompagne la conversion progressive des taillis en futaies.

La création de l’Ecole forestière de Nancy et la promulgation du code forestier constituent le socle sur lequel s’appuie un développement forestier remarquable tout au long du XIXe siècle, poursuivi jusqu’en 1914. Forêts domaniales et forêts des collectivités sont gérées par l’Administration forestière.

En raison de l'effort de reconstruction à la suite de la Seconde Guerre mondiale, cette administration peine à bénéficier de crédits budgétaires annuels suffisants pour assurer l’entretien, le renouvellement et la mise en valeur des forêts publiques.

Georges Pompidou et la création de l'ONF

En créant l’Office national des forêts  (ONF) en 1965-1966, le gouvernement de Georges Pompidou entend relancer une dynamique et offrir aux forêts publiques des moyens renforcés. Le ministre de l'Agriculture, Edgard Pisani, fait un choix fort en proposant de confier la gestion des forêts publiques à un nouvel établissement public - l'Office national des forêts - doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière.

L’affectation à l’ONF du produit des forêts domaniales – et notamment les recettes liées aux ventes de bois - doit permettre à la nouvelle structure de gérer d’une manière dynamique le domaine de l’État grâce à un important réinvestissement. La réforme s'accompagne d'une réorganisation de l’Administration des Eaux et Forêts qui se scinde en deux : la gestion des forêts publiques est confiée à l’ONF ; la gestion des eaux est rattachée au ministère de l’Agriculture. L'ONF est né.

Premier conseil d'administration de l'ONF à l'Hôtel Matignon (janvier 1966) - ©Service de Matignon / ONF

Un nouveau monde forestier

Avec la création de l'ONF, la mission de surveillance du garde forestier s'enrichit du rôle de gestion et de protection. C’est aussi le début d’une culture du dialogue et d’une ouverture vers la société avec une prise en compte croissante de la valeur écologique de la forêt. Les bois morts, auparavant considérés comme des réserves potentielles de vermines, sont aujourd’hui vus comme un hôte offrant les ressources nécessaires à un quart des espèces forestières (insectes, champignons…).

Viennent ensuite les créations de réserves biologiques intégrales ou dirigées sur tout le territoire. En novembre 2021, le réseau national comptait 246 réserves, couvrant plus de 54 000 hectares dans les forêts de métropole et plus 86 000 hectares dans les départements d'Outre-mer. En 2007, l’ONF classe les premières Forêts d’Exception®. A l’heure où sont écrites ces lignes, quatorze massifs ont reçu ce label pour leur valeur historique, patrimoniale ou paysagère.

Le temps passe et les incertitudes face au réchauffement climatique s’intensifient. Peu à peu, une prise de conscience générale place le bois comme un atout dans la transition énergétique et dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le principe de multifonctionnalité de la forêt est plus que jamais d'actualité.

Aujourd’hui, l’Office national des forêts produit du bois et accueille le public tout en protégeant la biodiversité.

Forêt de Larivour - ©Felix Vigne / ONF

Le saviez-vous ?

L'ONF a signé une convention avec le Groupe d’histoire des forêts françaises (GHFF). Cette association à vocation scientifique fondée en 1982 étudie les forêts, les patrimoines et les héritages sylvicoles et partage les connaissances sur les espaces forestiers. Le groupe compte près de 200 membres, adhérents fidèles et participants occasionnels, universitaires, chercheurs, étudiants, mais aussi gestionnaires et ingénieurs forestiers. Le GHFF est composé d’historiens, géographes, archéologues, historiens de l’art, historiens du droit, juristes, sociologues, ethnologues, anthropologues, écologues, agronomes. 

L’ONF soutient notamment le GHFF pour l’organisation de journées d’études et de sessions sur le terrain.

 

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