Après les incendies en Gironde, comment restaurer la biodiversité menacée ?

La Gironde, théâtre malheureux d’incendies ravageurs cet été, a vu partir en fumée quelques 30 000 hectares de ses forêts. Que reste-il aujourd’hui de ces espaces dévastés et qu’en est-il des espèces animales touchées elles aussi par la catastrophe ? Quelques éléments de réponse ici, apportés par Paul Tourneur, chef de projet biodiversité pour l’ONF Landes - Nord Aquitaine.

Dans l’imaginaire collectif, les Landes ce sont ces kilomètres de pins maritimes qu’on traverse à pied ou à vélo et qui conduisent jusqu’à l’océan. Mais ce sont aussi de véritables écrins pour la biodiversité. Les forêts landaises sont le refuge d’une faune très riche : oiseaux, amphibiens et reptiles en tout genre.

À la suite des incendies spectaculaires de l’été 2022, Paul Tourneur, chef de projet biodiversité à l’ONF, évoque un bilan très préoccupant. La localité de la Teste-de-Buch, qui a vécu un véritable traumatisme en perdant plus de la moitié de sa forêt dans les flammes, mettra selon lui beaucoup de temps à se régénérer et la biodiversité à recoloniser ses espaces.

Cet incendie a ravagé 2 030 hectares de la forêt domaniale de La Teste-de-Buch - ©Fabrice Carre / ONF

Un premier bilan peut déjà être effectué puisque le dernier inventaire naturaliste a été réalisé par l’ONF juste avant les incendies dans cette forêt domaniale. "Il constitue un état des lieux très précis de la biodiversité juste avant la catastrophe, ce qui est très rare", souligne le chef de projet biodiversité à l’ONF.

Son inquiétude porte donc sur la biodiversité rattachée à ce territoire et sur l’état des arbres qui composent ce paysage si particulier. " La forêt domaniale de La Teste-de-Buch était majoritairement une forêt de pins maritimes mais avec des spécificités, des îlots de feuillus, de chênes pédonculés et des chênes lièges dont certains très vieux, 200 à 300 ans ", décrit Paul Tourneur. " C'est un patrimoine qu'on ne va pas retrouver du jour au lendemain." Elle abritait notamment une chauve-souris rare, la Grande Noctule, le plus grand chiroptère d'Europe, mais aussi " des habitats naturels et des espèces inféodées à ces milieux qu'on ne retrouve pas ailleurs comme le Pipit rousseline, un oiseau de steppe ou le plus grand lézard d'Europe, le Lézard ocellé, une espèce protégée."

Lézard ocellé - ©Stéphanie Beaume / ONF

Au total, 32 hectares de dune (soit 22% de la surface) ont été touchés par les incendies et 65 hectares de forêt directement sur le front de mer : ces espaces offrent les habitats les plus variés pour la biodiversité, et ce sont aussi les plus fragiles.

Paul Tourneur rappelle que si certains chênes se protègent grâce à leur écorce et que d’autres essences d’arbres survivent sous forme de graines, il n’en va évidemment pas de même pour la faune forestière. En effet, les grands mammifères comme les chevreuils ont quelques chances de pouvoir s’enfuir avant l’arrivée des flammes, mais les plus petits d’entre eux, comme les mulots, les insectes, les amphibiens ou les jeunes oiseaux auront beaucoup plus de difficultés à en réchapper. Cela est sans compter l’état de nervosité très grand provoqué par l’incendie qui désoriente les animaux, les empêchant de trouver un chemin.

Quelles sont les solutions pour sauver la forêt et sa biodiversité ?

Après les incendies, l’ONF s’engage dans la reconstitution de la forêt et de ses habitats. En premier lieu, les équipes réalisent un travail d’observation en cherchant quels arbres ont survécu et pourront donc continuer à pousser d'eux-mêmes. Dans certains cas et lorsque la situation s’avère nécessaire, les forestiers envisagent de replanter là où le feu est passé. "Ce sera un travail de longue haleine ", témoigne Paul Tourneur.

Concernant les espèces animales mises en danger, là encore l’ONF se mobilise activement, et cela avant même la survenue d’incendies en forêt. Ces missions sont essentielles car elles participent au maintien des fonctionnalités des écosystèmes dunaires et forestiers. On parle ici de création et d’entretien d’un large réseau de mares pour les mammifères, les amphibiens, les odonates, les insectes aquatiques mais aussi pour la flore. En somme ces actions sont un soutien indispensable à la biodiversité.

Ensuite, c’est un long travail d’observation qui commence. Paul Tourneur précise que cette étape est indispensable pour établir un diagnostic précis : " C’est bien la réaction de la nature qui doit guider nos choix techniques et c’est seulement en travaillant sur la restauration de la fonctionnalité des habitats naturels que l’on fera revenir la biodiversité. " En forêt de la Teste-de-Buch plus particulièrement, un suivi de la faune est prévu pour observer ce que deviennent par exemple la Grande Noctule et un certain nombre d’oiseaux patrimoniaux de la dune bordière.

Dans un contexte de changement climatique où la fréquence des incendies s’amplifie, si aucun autre événement tragique ne se produit, on peut espérer retrouver toute la richesse et la variété de la forêt de la Teste-de-Buch d’ici plusieurs décennies seulement, entre 40 et 100 ans, estime Paul Tourneur.

Lutter contre la répétition des feux de forêts, c’est donc sauvegarder dès aujourd’hui le patrimoine forestier mais aussi son écosystème et sa faune. La forêt ne perdurera que si cet équilibre est assuré.

Pin maritime, fougère aigle - ©Jean-Paul Mangin / ONF

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