Les forestiers désignent les arbres à récolter dans les forêts d’Île-de-France

En hiver, lors de promenades forestières, apercevoir des coupes est chose courante. Elles ne se font pas au hasard mais se déroulent à des moments clés de la vie de la forêt. Chaque année, d’octobre à avril, les forestiers parcourent les forêts d’Île-de-France pour y sélectionner les arbres à couper et à conserver. C’est ce qu’on appelle le martelage. Étape déterminante, préalable à la vente des bois, qui garantit une gestion durable.

Les forêts d'île-de-France sont des espaces vivants qui évoluent sans cesse. Leur gestion s’inscrit dans la durée, à l’échelle du siècle : le temps nécessaire pour qu’un arbre devienne adulte ! Elles sont le fruit du travail de plusieurs générations de forestiers. Ceux d’aujourd’hui préparent les forêts de demain.

Au fil des années, des coupes d’arbres se succèdent dans les forêts. Strictement encadrées et suivies dans le temps, elles interviennent à un moment clé de la vie de la forêt. En prélevant des arbres, le forestier apporte la lumière et donne de l’espace aux arbres conservés afin qu’ils grandissent dans les meilleures conditions et que les semis germent. Avec cette sylviculture, la forêt se renouvelle de façon naturelle, tout en fournissant du bois utile à la société : construction, ameublement, chauffage, emballage…

Une opération régulière et saisonnière

Mûrement réfléchies, les interventions sont programmées dans un document de gestion durable : l’aménagement forestier. Cette feuille de route planifie toutes les actions à réaliser dans les forêts chaque année : parcelle concernée, surface, type de coupe, année de réalisation…

Lorsqu’une coupe est prévue dans une parcelle, il est nécessaire de la parcourir pour désigner les arbres que les bûcherons enlèveront, et ceux à conserver, soit parce qu'ils vont continuer à grandir, soit parce qu'ils présentent des caractéristiques favorables à la biodiversité. C’est l’opération de martelage, étape préalable à la vente des bois.

Tous les ans, le martelage dans les forêts domaniales de Seine-et-Marne, de l'Essonne et du Val-de-Marne se déroule d’octobre à avril. Généralement les mardis et jeudis, cette opération mobilise entre 4 et 6 forestiers. Avant de commencer, le technicien forestier, responsable du secteur concerné, présente à l’équipe la parcelle (surface, type d’arbres, dernier passage en coupe) et énonce les objectifs de l’opération.

Pendant ce temps, les agents se préparent méthodiquement : le compas pour mesurer les diamètres des arbres, la bombe de peinture et le marteau forestier pour le marquage. Sans oublier la synchronisation de l’application mobile qui sert à enregistrer instantanément les données du terrain : arbres choisis, qualité, diamètre et hauteur… Un programme informatique adapté synthétise, au retour, tous les résultats terrain.

Le martelage a beaucoup évolué. Autrefois, les forestiers parcouraient les bois en annonçant, de vives voix, ces informations, qu’ils relevaient directement sur une feuille de papier.

Présentation de la parcelle et des consignes de martelage

Choisir les arbres, gérer la lumière…

La « virée », tel est le terme. Les agents avancent en diagonale dans la parcelle, légèrement décalés les uns des autres afin qu’aucun arbre n’échappe à leur regard assidu. Juger de l’avenir d’un arbre peut paraitre anodin. Pourtant, différents critères sont pris en compte.

En premier lieu, les forestiers repèrent les arbres matures prêts à être récoltés. Ceux, dépérissants, (aléas climatiques, maladies, parasites…) ou les arbres dangereux le long des lisières (chemins, parkings, lotissements) doivent être enlevés pour des raisons de sécurité ou parce que leur qualité va se dégrader rapidement.

Puis, ils observent les arbres à garder en raison de leur intérêt sylvicole : c’est-à-dire qui présentent le meilleur potentiel technologique et sont adaptés aux conditions climatiques futures.

Dans la parcelle, des arbres réservés au titre de la biodiversité sont également conservés. Ils offrent le gîte et le couvert à de nombreuses espèces : oiseaux nichant dans des cavités, chauves-souris, champignons, insectes. En parcourant régulièrement les parcelles et en réservant ces arbres particuliers, les forestiers créent un réseau de bois favorable à toutes ces espèces.

Lors du martelage, tout le travail consiste aussi à gérer l’apport de lumière au sol qui permettra, une fois les arbres coupés, aux jeunes arbres de grandir ou au semis de germer

D’une façon générale, nous choisissons de conserver les plus beaux arbres avec pour objectif à long terme d’améliorer la qualité du peuplement forestier. Et nous retirons les arbres qui gênent la croissance de ces plus beaux arbres.

Franck Saintipoly, Responsable de l'Unité Territoriale Brie Boisée - Sénart

Le marteau et la peinture servent à désigner les arbres

Les arbres identifiés sont marqués. La forêt résonne au son des marteaux qui laissent sur l'écorce le sceau « AF » (pour administration forestière). Deux entailles sont portées sur les arbres sélectionnés : la première, sur le tronc à hauteur d’homme « au corps », bien visible et la deuxième au niveau du sol « au pied ». Après la coupe, cela permet de vérifier sur la souche que seuls les arbres identifiés ont bien été exploités et qu'il n'y a pas eu de vol.

Peu à peu, la peinture remplace la marque de marteau au corps. Les couleurs chaudes (rouge, orange, jaune) désigneront les arbres à couper tandis que les couleurs plus froides (beige, blanc), déterminent les essences à garder, bénéfiques à la biodiversité : perchoirs, arbres à cavités, etc.

Les forestiers mesurent l'arbre selectionné et le marque à la peinture rouge

Des données numérisées et archivées

Sur chaque arbre désigné, les forestiers relèvent l’espèce, la qualité, la hauteur et le diamètre. Toutes ces informations enregistrées dans une application mobile déterminent les caractéristiques des coupes : nombres d'arbres à couper, volumes, espèces d’arbres en présence…

Des données sur lesquelles, l’ONF s’appuie pour préciser les obligations règlementaires à suivre lors de l'exploitation, dans le strict respect du milieu forestier et notamment du paysage : délais et périodes d'intervention (restrictions environnementales), voies réservées à la circulation des engins forestiers (tracteurs, débardeurs), protection des sols, places de dépôt des bois, remise en état des chemins empruntés… Les forestiers s’assureront que les bûcherons les appliquent strictement.

Une application mobile sert à enregistrer toutes les données collectées lors du martelage

Une fois le martelage terminé, le bois est vendu :

  • soit en bloc et sur pied : l’acheteur est responsable de l’exploitation et de l’enlèvement des bois;
  • soit façonné :  la vente se fera une fois les arbres coupés, par l’ONF ou par une entreprise en contrat. Ils seront ensuite mesurés et classés par qualité en bord de route ou sur des places de stockage avant d'être vendus puis récupérés par les acheteurs.

L’opération de martelage, au-delà de constituer l’activité de désignation des arbres destinés à être coupés au sein d’une parcelle, permet aussi aux forestiers de mieux connaître et décrire les peuplements forestiers et leur évolution.