Le monde forestier au microscope avec le réseau naturaliste mycologique

Le réseau mycologique de l'Office national des forêts (ONF) est le plus petit des réseaux naturalistes, mais son importance est capitale. Dans cette interview de Gérald Gruhn, forestier naturaliste, découvrez les missions et en quoi les scientifiques mycologues sont essentiels à la compréhension du système forestier.
Interview de Gérald Gruhn, animateur du réseau mycologique à l'ONF

Qu’est-ce que la mycologie ? En quoi cette discipline est-elle importante pour les forêts ?

La mycologie est la science s’intéressant aux champignons. On cherche à mieux connaître leur mode de vie et leur importance dans l’écosystème forestier.

Ils  sont essentiels à la vie, à l’écosystème terrestre. L’immense majorité des plantes ont besoin du symbiote fongique (champignons) pour vivre. Ils sont d’excellents recycleurs de la matière organique et source de nourriture de nombreuses espèces d’insectes et de vertébrés.

Sans eux, la terre serait bien différente. Pourtant, ces organismes vivent cachés et n’apparaissent que lorsqu’ils produisent leurs sporophores (appareil reproducteur supérieur) pour se reproduire. Cela explique peut-être que la mycologie est une science difficile et trop souvent ignorée.

Quelles sont les principales missions du réseau mycologique à l’ONF ?

Aujourd’hui, nous sommes une vingtaine. C’est le plus petit réseau naturaliste à l’ONF, mais nos missions sont nombreuses. Sur le terrain, nos équipes organisent des recherches pour :

  • connaître les sols et milieux dans les forêts dont l'ONF a la gestion ;
  • conduire des inventaires et élaborer des préconisations de gestions forestières ;
  • participer au progrès de la mycologie, en apportant notre savoir-faire, participer à l’évolution de la connaissance sur la fonge : publications d’espèces nouvelles, apport de données à l’échelle de la France et l’Outre-Mer, participation à l’établissement de la Liste Rouge nationale pour la fonge.

Le réseau naturaliste de mycologie de l'ONF en images :

La liste rouge, quésaco ?

La liste rouge permet de donner des indications aux gestionnaires d’espaces naturels quant à la dynamique des populations (espèces en danger critique d’extinction par exemple). Les critères sont définis par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), quels que soient les organismes vivants. Il n'existe pas de liste rouge nationale pour l’instant concernant l'afonge. L’objectif est d’en établir une sur quelques spécimens d'ici fin 2022.

Qui sont les naturalistes du réseau ?

Ce sont des personnels de l’Office national des forêts, appartenant à tous les corps de métier. Passionnés par la discipline, ils se sont formés et spécialisés selon leurs aspirations.

Chacun travaille à temps partiel pour le réseau, au moins vingt jours par an, en général avec une participation à trois ou quatre inventaires. La diversité des formations de membres est une richesse, chacun y apportant les connaissances acquises dans leur métier d'origine. Ce maillage est essentiel pour que l’exercice de la mycologie s'accorde au mieux à la gestion forestière.

Le réseau découvre régulièrement des espèces pour la science. En quoi est-ce important ? Qu'est-ce que cela apporte à la gestion forestière ? 

Début 2020, les scientifiques ont découvert une nouvelle espèce en Guyane, baptisée Hydnocristella delavalii. Une grande découverte pour le réseau qui démontre tout notre savoir-faire.

Ces missions en Outre-Mer sont rares, mais elles sont importantes car pour bien connaître la mycologie, il faut en avoir une vision mondiale. Évidemment, le nombre d’espèces étant trop important, les experts se focalisent sur des groupes particuliers. Compte tenu de notre relation privilégiée avec le bois, les mycologues de l’ONF s’intéressent plus particulièrement aux champignons lignicoles, saprotrophes ou parasites pour analyser leurs effets sur les arbres.

Chiffres clés sur les champignons :

A quoi ressemble un inventaire ?

Les inventaires sont divisés en deux phases distinctes : le terrain et le laboratoire. En règle générale, la matinée est consacrée à l’échantillonnage. Equipés d’une boîte en bandoulière, d’un appareil photo, d’un bon couteau et, souvent, d’outils pour récolter les champignons sur le bois (scie, ciseau à bois, marteau…), les scientifiques commencent à ramasser quelques spécimens pouvant être intéressants lors de l’analyse. Celle-ci se fait en laboratoire, où les mycologues disposent de microscopes, de loupes binoculaires et d’une imposante bibliothèque. Les spécimens les plus intéressants sont conservés dans un herbier sec.

Qu’est-ce qui vous passionne dans votre métier ?

J’aime apporter ma contribution à la science pour comprendre un peu mieux chaque jour les secrets de la biodiversité et comment fonctionne la forêt. Voilà mes ambitions à la fois comme mycologue, mais également comme animateur du réseau.

Un réseau connecté à ses partenaires

Le travail du réseau mycologique de l’ONF est souvent mené en partenariat avec différents acteurs externes comme la Société Mycologique de France, le muséum et Adonif pour la réalisation de la liste rouge nationale, les universités de pharmacie de Lille et celle de Toulouse, le Département de la santé des forêts au ministère, l’association Aphyllophiles européenne, qui regroupe des mycologues travaillant sur les champignons sans lame ; Réserves naturelles de France, avec la récente publication d’un guide à l’usage des gestionnaires d’espaces naturels ; des revues telle que le Kew Bulletin et de nombreuses associations de mycologie sur tout le territoire.

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