La réserve biologique de la Sylve d'Argenson, un refuge pour les chauves-souris

En 2017, un premier inventaire des chauves-souris a été mené par l'ONF dans la réserve biologique de la Sylve d’Argenson en forêt de Chizé (Deux-Sèvres), avec 18 espèces recensées dans un environnement essentiellement agricole. Cet "état zéro" a permis de réaliser des comparaisons avec les inventaires suivants.

La forêt domaniale de Chizé représente un îlot de 4 795 hectares au milieu d’un océan agricole. Pour les espèces forestières, c’est un refuge offrant un potentiel de gîtes aux chauves-souris. Pour les espèces s’abritant dans les bâtiments, la réserve et ses lisières offrent des terrains de chasse proches de gîtes potentiels (bourgs et villages). D’ailleurs, 3 chauves-souris femelles allaitantes ont été capturées au filet laissant supposer la présence de colonies de reproduction, sans que l’on puisse déterminer dans quel périmètre en l’absence de données de suivi télémétrique (GPS).

Sur le périmètre de la réserve, l’inventaire réalisé en 2017 a permis de détecter 18 des 26 espèces présentes en ex Poitou-Charentes, soit 69.2 % du cortège régional. Le groupe des chauves-souris spécialistes forestières (chassant dans le feuillage), est le plus représenté avec 12 espèces. À noter, la réserve accueille plus d’espèces que dans la partie gérée de la forêt ou en bordure de celle-ci constituée de cultures et villages.

Les chauves-souris, un indicateurs de l'état boisé...

Sur la réserve, l’activité des chauves-souris se concentre sur les carrefours de chemins, les mares et la bordure près des cultures.  Ancienne forêt royale traversée par des routes goudronnées et des layons, ces voies sont peu encombrées et utilisées comme axes de déplacements par plusieurs espèces. Initialement pauvre en milieux humides, des mares et des abreuvoirs ont été créés, bien avant la réserve, pour les chevreuils et les sangliers. Ils bénéficient aux chauves-souris, surtout en période de fortes chaleurs.

Des espèces déjà inféodées aux vieux bois

Cet état initial montre que la réserve biologique est favorable aux chauves-souris, même si les indices montrent une activité faible à moyenne. Une grande partie des espèces observées s’abrite dans des cavités d’arbres : écorces décollées sur les troncs, trous et loges de pics, nécroses ou fentes dans les branches d’arbres vivants ou morts, souches hautes en décomposition.

Ces micro-habitats sont plutôt présents sur des arbres de diamètre moyen à très gros. Les résultats du suivi dendrométrique montrent que les arbres de la réserve sont encore bien jeunes. La réserve est encore trop récente pour avoir entraîné une nette amélioration des peuplements forestiers en faveur des chauves-souris. Mais l’arrêt des exploitations contribue progressivement à l’augmentation du stock de gros bois et très gros, et au potentiel en micro-habitats sur les arbres vivants. Dans un pas de temps encore long, la forêt entamera une phase de capitalisation du bois mort, quand la mortalité des gros bois dépassera la vitesse de décomposition du bois mort en humus.

Le temps jouera en faveur de ces espèces liées aux vieux bois, c’est tout l’intérêt d’une réserve biologique : laisser les cycles naturels se poursuivre sans intervention de l’homme. Mais d'ores et déjà la présence du Murin de Bechstein, du Murin de Natterer et de la Barbastelle est intéressante, car ces trois espèces sont parmi les plus forestières d’Europe et considérées comme indicatrices d’un état boisé ancien et de vieux peuplements. Au sud-est de la réserve, la vallée boisée de la rivière Boutonne semble favoriser la présence d’espèces liées aux milieux humides telles que le Murin d’Alcathoé, le Murin de Daubenton et le Murin de Brandt.

Une nouvelle espèce s’ajoute à la liste historique connue en Poitou-Charentes : le Murin de Brandt. Il a été noté à 3 endroits et capturé 2 fois au filet. Sa présence n’a été confirmée en Poitou-Charentes que l’hiver 2011 par l’observation d’un individu en Charente-Maritime. Depuis, les rares contacts sont notés pour permettre d’étoffer la carte de répartition régionale.

Vous avez dit "capturer des chauves-souris" ?

Les forestiers naturalistes de l'ONF qui réalisent des inventaires d'espèces de chauves-souris utilisent plusieurs méthodes pour étudier les espèces, parmi lesquelles, la capture. Les chauves-souris sont des espèces protégées par la loi. C'est pourquoi, les naturalistes de l'ONF ont une autorisation de capture d'espèces protégées, qui leur est octroyée uniquement après avoir suivi des formations sur la manipulation et l'identification des animaux.

L’inventaire des chauves-souris mené en 2017 constitue l’état zéro de la réserve biologique de la Sylve d’Argenson. Il concerne ses parcelles internes et sa périphérie proche (cultures, villages et partie exploitée de la forêt).

Les chauves-souris sont un groupe indicateur de la santé des forêts, intéressant à suivre tous les 10 ans.

Cependant, les résultats doivent pouvoir être comparés sur chaque site et à long terme. La réalisation d’un point zéro avec une méthode identique dans toutes les réserves est donc une étape indispensable.

Et aussi :