©Jacklyn Durrenberger / ONF

La prise en compte des usages traditionnels en Guyane

La mise en place d’une gestion durable de la forêt guyanaise s’appuie notamment sur l’établissement du cadre de gestion multifonctionnelle c’est-à-dire intégrant les multiples fonctions de l’écosystème forestier : fonctions écologiques, fonctions de production, mais aussi fonctions sociales (récréatives, touristiques, patrimoniales, traditionnelles…).

En Guyane, la présence de populations liées à la forêt pour la pratique de nombreux usages traditionnels confère à cette troisième fonction une importance toute particulière.

La prise en compte des usages de la forêt par ces populations riveraines est essentielle si l'on veut éviter la disparition de pratiques participant à la diversité culturelle de la Guyane et au patrimoine de l'humanité. Elle implique une gestion forestière participative dans les territoires concernés par ces usages traditionnels.

Par ailleurs, si la pression humaine et les usages des produits forestiers observés en Guyane ne sont pas comparables à ceux d'Afrique, d'Asie ou du Brésil, des conflits d'intérêt existent toutefois, et pourraient s'intensifier avec le fort développement démographique.

Une prise en compte qui intervient à plusieurs niveaux

1. Le cadre législatif et réglementaire national :

  • article R170-56 du Code du domaine de l'Etat et l’article L272-4 du Code forestier prévoyants la possibilité pour le préfet de constater par arrêté des droits d'usage collectifs au profit des communautés d'habitants tirant traditionnellement leurs moyens de subsistances de la forêt. Elles peuvent prendre la forme de zones de droits d’usage collectifs (ZDUC) ou de concession et de cession collectives au bénéfice d’associations ou de sociétés. On retrouve des spécificités pour chacune d’elles ;
  • article L272-5 et L272-6 du Code forestier prévoyants les modalités de cession ou de concession gratuites sur les forêts dépendant du domaine de l’Etat et celles appartenant au domaine privé des collectivités territoriales à des personnes morales en vue de leur utilisation par les communautés d’habitants tirant traditionnellement leurs moyens de subsistances de la forêt ;
  • article L5143-1 du Code général de la propriété des personnes publiques prévoyant la cession et ou la concession des immeubles domaniaux dépendant du domaine privé de l’Etat gratuitement à des personnes morales en vue de leur utilisation par les communautés d’habitants qui tirent traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt.

2. La construction du cadre de gestion local :

  • 669.426 ha de forêts sur lesquels ont été reconnus des droits d'usage en Guyane, en application de l'article R170-56 du Code du domaine de l'Etat prise en compte dans le programme régional de la forêt et du bois, considérant le fait de mieux définir les droits d'usages dans leur contenu et dans les modalités d'exercice afin de s'assurer qu'ils s'inscrivent bien dans un processus de gestion durable ;
  • définition dans les Directives régionales d'aménagement par la création d'une série spécifiquement dédiée aux usages traditionnels.

3. La participation des populations autochtones dans les instances de dialogue relative à la gestion forestière :

  • depuis la création LOI en 2017, a permis la création du grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenges, avec pour objet d’assurer la représentation des populations amérindiennes et bushinenges de Guyane et de défendre leurs intérêts juridiques, économiques, sociaux, culturels, éducatifs et environnementaux ;
  • représentation au sein de la commission régionale de la forêt et du bois (CRFB). Ils peuvent également soumettre un avis sur les projets délibérés à l’assemblée de Guyane de la collectivité territoriale de Guyane (CTG) portant des conséquences sur l’environnement ou le cadre de vie ou intéressant l’identité des populations amérindiennes et bushinenges ;
  • concertation avec les populations autochtones depuis 2005 dans le cadre de la construction des principes critères indicateurs de PEFC adapté à la Guyane (forum et réunions) ;
  • concertation avec les populations autochtones en 2011 dans le cadre de la construction des principes critères indicateurs de FSC adaptés à la Guyane ;
  • concertation avec les populations autochtones concernées dans le cadre de chaque élaboration d'aménagement forestier ;
  • mise en place d’atelier participatifs avec les communautés bénéficiaires de ZDUC dans le DFP afin de proposer une gestion concertée et durable de ces forêts.

4. Les usages traditionnels au quotidien :

  • conformément aux arrêtés préfectoraux constatant les ZDUC, l'ONF n'est pas gestionnaire des forêts des ZDUC, à l'exception d'une ZDUC (ZDUC au bénéfice de la communauté Palikur de la commune de Macouria) ;
  • les forêts des ZDUC relevant du régime forestier sont intégrées aux aménagements forestiers, en tant que série d'usages traditionnels - application des droits d'usage pour les prélèvements de produits forestiers non ligneux ;
  • surveillance du territoire ;
  • incitation à construire un plan simplifié de gestion communautaire.

L’exemple d’une co-construction concertée autours d’une gestion forestière durable des zones de droits d’usage collectif de la communauté Palikur

Sortie terrain avec la communauté Palikur - ©Yazmin Safatle

Ce projet réalisé par le CNRS en partenariat avec l’ONF en 2022 sur les forêts de la communauté Palikur de Kourou et de Roura a permis de mieux appréhender les enjeux liés à la gestion communautaire des ZDUC et la construction collective d’une charte de gestion durable d’une forêt communautaire située dans le domaine forestier permanent.

L’adaptation du Code forestier à la Guyane et la mise en place du régime forestier sont venues se superposer aux deux arrêtés préfectoraux constatant, au profit des communautés Palikur des villages de Favard (Roura), Yapara, Kamuyeneh et Norino (Macouria), l’existence de droits d’usage collectifs.

L’objectif de ce projet était de mettre en place un dispositif de recherche appliqué visant à la construction d’une procédure formalisée pour le dialogue et le partage de connaissances entre les communautés Palikur et l’ONF, afin de mettre en place une concertation autour de la gestion des espaces forestiers. La concertation a été animée par une chargée de projet du CNRS et un chargé de projet de l’ONF, assisté par quatre référents formés, issus des communautés Palikur concernées.

Durant le projet, des ateliers ouverts sont organisés régulièrement sur les thèmes de travail identifiés par l’équipe des savoirs techniques liés à la gestion forestière.

Ce premier projet a permis la création et la mise en place d’une charte d’engagement concernant la gestion durable des usages traditionnels au sein des ZDUC. Cette charte est ensuite intégrée aux documents d’aménagements :

  • des engagements de l’ONF et des communautés basés sur le travail de concertation autour des usages et des pratiques ;
  • des perspectives d’évolutions (projet d’agroforesterie pour le développement du Toulouri, inventorier les ressources avec la désignation des espèces liées aux usages traditionnels) ;
  • mise en place d’un lien concret et pérenne par un suivi annuel ou semestriel entre l’ONF concerné et un représentant des différents villages ;
  • une cartographie de certains usages traditionnels pratiqués dans et en dehors des ZDUC a permis de mieux comprendre le territoire étendu des différentes pratiques.

 

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