Forêt de Tronçais (Allier) : Sauver les plants de la dent des cerfs et chevreuils

L'Office National des Forêts (ONF) a clôturé une zone de 9 hectares en forêt de Tronçais afin de protéger des plantations qui servent de test pour l'avenir de la forêt dans le contexte du changement climatique. C’est la seule zone engrillagée sur les 10 500ha de forêt.
Parcelle 383 en forêt de Tronçais : la forme boule des houx est un indice également de la présence dense des cerfs, seuls quelques pins ont pu se développer.

La parcelle 383 est située en périmètre de la forêt, dans le secteur de Vitray  proche de zones agricoles et forestières privées. Ce secteur est fréquenté par des populations importantes de cerfs et de chevreuils qui doivent se nourrir. Ces ongulés aiment particulièrement les plantes herbacées et les jeunes pousses d’arbres. Ces derniers subissent une telle pression que tout renouvellement naturel de la forêt est devenu impossible. Cette situation persiste depuis plus de 10 ans maintenant. Sachant que pour préparer une forêt capable d'être résiliente face au changement climatique, il faut pouvoir tester différentes espèces d'arbres. Plutôt que d'agir dans des zones qui se régénèrent naturellement, les forestiers utilisent les opportunités. Ils ont donc choisi cet endroit pour en faire un laboratoire pour la forêt de demain.

Protégée par un grillage, la plantation va permettre de tester un mélange feuillu / résineux avec des essences plus méridionales qui correspondront au climat d’ici à 50 ans. La superficie clôturée est de 9 hectares soit la moitié de la surface de la parcelle 383. La clôture est donc limitée et a été mise en place pour protéger les plantations de manière ciblée. 

Cette technique n’est pas nouvelle dans le secteur, elle a déjà été utilisée il y a une trentaine d’années. Pour les petites surfaces plantées, on peut utiliser des protections individuelles, mais ici la surface est trop grande, et le coût serait encore plus prohibitif. La clôture ne restera en place qu’une dizaine d’année, le temps pour les arbres d’être assez haut et vigoureux pour résister à la dent des animaux. Son enlèvement et son recyclage est complétement intégré aux processus ONF.

Notre objectif a été d’utiliser cet échec de régénération pour en faire un laboratoire à ciel ouvert qui donnera des clefs d’actions aux forestiers de 2070 quand les effets du climat sur la forêt seront au plus fort. Pour ne pas trop bouleverser l’écosystème nous avons laissé en place toute la matrice végétale déjà installée.

Julien Patzourenkoff, responsable de l'unité terrotoriale de Tronçais.

Comparaison de l’évolution de la végétation suivant la pression des grands ongulés

Left: ©Parcelle 127 en forêt de Tronçais où la pression des animaux est modérée -Julien Patzourenkoff  –  Right: ©Parcelle 383 en forêt de Tronçais où la pression des cerfs est forte, les chênes sont mangés systématiquement. Julien Patzourenkoff

Parce que demain prend racine aujourd’hui

Cette zone va accueillir 4 variétés d'arbres différentes, feuillues et résineuses qui seront mesurées régulièrement pour évaluer leur capacité d’adaptation. Appelés îlots d’avenir, ces petites surfaces forestières expérimentales accueillent des arbres sélectionnés pour leur capacité à se développer sous des climats plus chauds et plus secs. Le choix a été confirmé après une étude des potentialités du sol, de sa réserve en eau et des connaissances scientifiques (réseau mixte technologique Aforce*). Les essences ont été sélectionnées pour leur capacité à résister à la sécheresse et à des bioagresseurs (insectes, champignons) mais aussi pour la qualité de leur bois.

 

Aujourd’hui toutes les études montrent qu’il faut apporter du mélange dans nos forêts. L’idée est de tester les mélanges qui marchent le mieux. Ces plantations sont donc très importantes pour la recherche scientifique. Le forestier a toujours procédé ainsi, par l’observation sur le long terme. Le temps nous dira si ces arbres pourraient constituer une solution pour l'avenir de la forêt en cas de perte importante d'arbres due aux sécheresses. Cette clôture permet donc de préserver ces plantations qui ont des implications à long terme pour la santé et la durabilité de la forêt de Tronçais.

Julien Patzourenkoff, responsable de l'unité territoriale de Tronçais.