Le projet Protehyl a l’objectif principal de tester l’effet du Metyl-Salicylate (MeSa), une substance volatile émise par le bouleau, comme mode de prévention potentiel contre l’hylobe, un insecte qui s’attaque aux jeunes résineux. De nombreuses études scientifiques ont mis en évidence les propriétés du MeSa en tant que molécule de signalisation à longue distance, qui induit chez les plantes contact, une résistance systémique aux agresseurs.
Des études allemandes ont montré que le bouleau jaune, une espèce que l’on trouve principalement au Canada, émettait une quantité de MeSa beaucoup plus importante que son cousin d’Europe, le bouleau verruqueux. L’idée est donc née d’introduire dans le cadre du projet de recherche des modalités de mélange avec du Douglas et du bouleau jaune pour comparer les potentialités de cette essence nouvelle sur la prévention des dégâts d’hylobe, avec celles du bouleau rencontré localement.
L'approvisionnement en graines
Encore fallait-il pouvoir se procurer les graines adéquates ! Un précédent projet de recherche (Trec) avait permis de recenser les filières d’approvisionnement pour les espèces étrangères qui avaient un intérêt dans le cadre du changement climatique. Grace aux réseaux développés dans le cadre de ce projet, des contacts ont été pris avec le centre national des semences forestières du Canada qui a donné son accord après avoir bien vérifié que ces dernières s’inscrivaient dans un projet de R&D encadré par un organismes de recherche. En effet, le commerce de semences est très strict et n’autorise pas la vente de graines d’essences particulières, comme celles-ci, dans le cadre d’échanges commerciaux classiques.
« Nous avions initialement envisagé l’élevage conjoint d’un Douglas et d’un bouleau dans le même godet, afin de faciliter la plantation d’un mélange « prêt à planter » sur le dispositif expérimental » explique Vincent Boulanger. Après échange avec nos collègues des pépinières expérimentales, cette option a été abandonnée en raison des différences de dynamiques de croissance des deux espèces. Le bouleau présentant a priori une croissance beaucoup plus rapide que le Douglas, nous avons craint qu’il ne compromette le développent du plant de Douglas. En effet, les jeunes bouleaux jaunes ont connu un développement très dynamique (plus de 50 cm de hauteur après 5 mois d’élevage) et pratiquement sans aucune perte.
L'élevage en pépinière
Une fois ces graines acheminées, l’ONF a pu, grâce à l’une de ses trois pépinières expérimentales (PNRGF de Guemené-Penfao) les élever pour en faire des plants de qualité.
Quelques chiffres clés ....
Nombres de plants élevés
10 000
plants
6 000 seront plantés la première année, le reste servira aux éventuels regarnis
Nombre de dispositifs expérimentaux
6
Répartis sur l'ensemble du territoire des Ardennes au Tarn
Age des graines
5 à 10
ans
Fournies par le centre national des semences forestières du Canada
Le savoir-faire de cette pépinière a permis d’obtenir les 10 000 plants nécessaires aux 6 dispositifs expérimentaux du projet. Une phase de levée de dormance par le froid (étape dite de stratification) a été nécessaire pour enclencher la germination de ces graines vielles de 5 à 10 ans, mais parfaitement conservées.
Ces graines ont ensuite été mises dans un substrat tourbeux pour que le développement de la jeune pousse se fasse dans de bonnes conditions.
La culture est ensuite assez similaire à celle du bouleau verruqueux, permettant d’obtenir les 6 000 plants nécessaires à la première campagne de plantation. Le reste des plants a été rempoté au printemps 2022 et taillé pour constituer un stock pour les éventuels regarnis qui remplaceront les plants morts au bout de la première année.
L’été très sec et caniculaire 2022 n’est pas très propice à cette espèce, dans son aire d’origine (Nord Est de l’Amérique du Nord) cette essence est principalement rencontrée dans les zones fraiches et humides. Les partenaires du projet sont donc un peu inquiets sur le taux de reprise de ces plants après cette première année de végétation.
Rappelons que la réussite d’un tel projet, à l’instar de toute plantation forestière, est conditionnée par la bonne réalisation de l’ensemble des étapes : approvisionnement en graines de qualité (avec un bon potentiel de germination), techniques de culture appropriées en pépinière, conditions de transport et conservation avant plantation évitant les stress et enfin, une mise en terre respectant son système racinaire. Le respect de l’ensemble de ces étapes permet, jusqu’à un certain point, de favoriser la résistance aux aléas météorologiques sur lesquels nous n’avons plus la main.
Avec notre besoin croissant d’élever de nouvelles essences dans le cadre des expérimentations pour l’adaptations aux changements climatiques, il est vraiment intéressant pour l’ONF de s’appuyer sur la technicité et la réactivité des 3 pépinières expérimentales.
Xavier Bartet,
adjoint au département RDI de l'ONF