Feu de forêt de la Teste-de-Buch : un an après l’incendie, l’ONF dresse le bilan

L'incendie de la forêt de La Teste-de-Buch qui a eu lieu en juillet 2022 est encore dans tous les esprits. Un an après, si les stigmates sont toujours visibles, les travaux effectués par les équipes de l'ONF le sont aussi. Premiers bilan et état des lieux de cet incendie hors norme.

Le 12 juillet 2022, en milieu d'après-midi, un premier feu est déclaré dans le secteur de la Teste-de-Buch. Quelques heures plus tard, deux autres démarrent sur la commune de Landiras. La combinaison de l'absence de précipitations et de conditions météorologiques défavorables (vents tourbillonnants, chaleur extrême) rend l'incendie rapidement incontrôlable.

Qualifié de pire incendie de l'histoire de la Gironde après celui de l'été 1949 qui a fait 82 victimes et ravagé 50 000 ha, l'incendie de 2022 aura dévasté des lieux emblématiques de la commune de La Teste-de-Buch notamment les campings et les plages de la Salie, la Lagune ou le Petit-Nice.

Au prix de moyens colossaux et d'efforts hors norme de la part des pompiers et des équipes DFCI de l'ONF, l'incendie est finalement maîtrisé début août.

Etat des lieux

  • 5 800 ha de forêt brûlée à La Teste-de-Buch dont 1 028 ha de forêt domaniale
  • 3 sites "plans-plages" touchés  : le Petit-Nice, la Lagune et la Salie qui accueillaient avant l'incendie 800 000 visiteurs
  • 100 ha de dune impactés
  • 1,5 M € de dégâts estimés sur les équipements (stationnements, ganivelles, caillebotis, panneaux d’information, etc.)
La forêt de la Teste-de-Buch après l'incendie - ©Stéphanie Prieur / ONF

Le saviez-vous ?

Il existe 3 niveaux d'indice de sévérité qui permettent de qualifier l'état des forêts après un incendie.
Concernant l'incendie de la Teste-de-Buch, sur les 1 028 ha de forêt domaniale brûlés : 

  1. Totalement brûlés
    29.13% 
  2. Bois parcourus par les flammes
    28.80% 
  3. Bois parcourus plus légèrement par l’incendie
    42.08% 

Les travaux de remise en état

Les équipes de l'agence travaux ONF ont œuvré à la remise en état des sites afin de permettre un retour en sécurité des visiteurs.

En deux mois, ils ont réalisé des chiffres records compte-tenu des délais :

  • plus de 8km de ganivelles posées
  • 3500 poteaux aux abords des routes
  • 7500 pieux pour marquer les emplacements de parking
  • 3 espaces vélos créés


Les anciens pieux brûlés ont été soit évacués soit recyclés lorsque cela été possible. Ce sont ainsi 8 ouvriers forestiers qui ont été mobilisés pendant plus d’un mois dans cette mission cruciale de remise en état avant la saison estivale.

Les travaux en chiffres

L'exploitation des bois

Suite aux incendies de l’été 2022, ce sont 80 000 m3 de bois qui ont été exploités dans l’urgence. Ces bois ont ensuite été vendus à des acheteurs locaux

  • 85% en Nouvelle-Aquitaine
  • 15% dans les départements limitrophes

Et ont été valorisés de la façon suivante :

  • 45% de bois d’industrie (panneaux de particules, papier et chimie verte)
  • 25% de bois de caissage (emballages)
  • 20% de canter (palettes)
  • 10% de bois de qualité (parquet, lambris, charpente)

80 000 m3 de bois, c'est colossal ! C’est l’équivalent d’une pile de bois de 5 mètres de haut et de 2 mètres de large s’allongeant sur 12 km de long. C’est aussi l’équivalent d’un flux continu de 12 camions de bois par jour pendant 180 jours.

Yann Rolland, chef du service bois Landes Nord-Aquitaine

La menace scolytes

Le feu a non seulement altéré le paysage mais a également bouleversé la santé des arbres en les soumettant à un stress très important. Fragilisés, ils sont aujourd’hui sensibles aux attaques parasitaires et peuvent devenir des foyers potentiels de contagion de la partie épargnée par les flammes.

Le stress intense provoqué par l’incendie diminue les capacités de réaction des arbres aux agressions des parasites. Aussi, peu de temps après un feu, il est classique d’observer des attaques d’insectes comme les scolytes. Ce sont de petits coléoptères qui font partie des principaux ravageurs des forêts résineuses. Ils se développent sous les écorces entravant la circulation de la sève et entraînant la mort de l’arbre en quelques semaines. L'ONF assure une veille sanitaire afin de pouvoir réagir face à ces attaques.

Les conditions climatiques de cet automne/hiver avec des températures très douces jusqu’à mi-novembre, peu de pluie et un redoux des températures à la mi-février ont accéléré le développement de ce parasite. Une apparition des attaques anormalement précoce a été observée par les forestiers dès la mi-février.

Depuis l’incendie, nous suivons l’évolution naturelle de la forêt tout en sachant que la situation sanitaire reste préoccupante. Des premiers semis de pins sont apparus, cela semble donc démarrer normalement, mais nous surveillons avec une grande attention le renouvellement des peuplements

Francis Maugard, responsable risques naturels – Agence Landes Nord-Aquitaine

Des actions de veille sanitaire

Trois types d'actions sont mis en place par l'ONF pour assurer une veille sanitaire.

1. L’installation de pièges à phéromones en forêt jusqu’à fin 2023
Objectif : surveiller l’envol des scolytes et détecter les phases de pic de propagation. Ces pièges sont installés au sein des îlots préservés et en zone incendiée.

2. La mise en place d’un circuit de détection terrain
Objectif : permettre une détection précoce des attaques afin de lancer à temps les exploitations sanitaires pour enrayer, ou du moins limiter la colonisation. Ce protocole s’inscrit dans une stratégie de lutte contre la très probable épidémie de scolyte à venir durant le printemps/été 2023.

3. La télédétection satellite
Objectif : détecter les foyers et agir rapidement en lançant le protocole terrain. Après traitement, les images du satellite Sentinelle 2 permettent de voir la réponse chlorophyllienne des peuplements; autrement dit, d'observer les zones laissant apercevoir des dépérissements d’arbres.

Des inventaires pour étudier la biodiversité post-incendie

Les équipes de l'ONF ont effectué différents inventaires naturalistes afin d’étudier la biodiversité post-incendie. Un suivi ornithologique a confirmé sans surprise, étant donné le traumatisme subi sur cette zone, la pauvreté des cortèges d’oiseaux. Au niveau du SPOT (Sécurité-Prévention-Océan-Tourisme) de la Salie où un îlot de pins maritimes a été préservé, on souligne une diversité notable composée de Mésange huppée, Grimpereau des jardins et Roitelet à triple bandeau. Même le couple de Faucon hobereau du secteur est de retour !

Côté dune, deux oiseaux nicheurs ont été observés : le Pipit rousseline, sur une portion avec protocole de Suivi Temporel des Oiseaux Commun et le Gravelot à collier interrompu, espèce emblématique et protégée, nicheur sur l’estran. Egalement, de nombreuses traces de Lézard ocellé on été observées par Paul Tourneur, chef de projet biodiversité à l'ONF !

En attendant les résultats plus précis des études en cours, ces quelques éléments sont rassurants.

Les étapes pour reconstituer la forêt

Après un incendie, plusieurs phases vont se succéder. Ce n’est seulement qu’après 2 à 4 ans que certaines parcelles seront replantées. La volonté de l’ONF est de conserver tous les arbres vivants avec une attention particulière liée à la sécurité des axes de communication et d’accueil du public.

Partout où cela est possible, l'ONF favorise la régénération naturelle, c’est-à-dire faire en sorte que la forêt se renouvelle d’elle-même grâce aux graines présentes naturellement dans les cônes de pins. Ce mode de régénération est pratiqué dans toutes les forêts littorales. Toutefois, une attention toute particulière est portée aux arbres qui ne survivront pas et qui peuvent être une porte d’entrée pour les insectes xylophages.

La reconstitution de la forêt est un enjeu crucial. Quatre étapes principales vont se succéder :

1. Sécuriser la forêt afin de limiter les risques induits par la disparition de la végétation (chutes de blocs, érosion, etc.) et de permettre aux activités en forêt de reprendre sans danger.

2. Diagnostiquer chaque parcelle pour estimer le niveau de destruction des arbres, évaluer les volumes de bois à enlever et identifier les zones où les conditions sont réunies pour une régénération naturelle (nature du peuplement incendié, nombre d’arbres vigoureux restants, état du sol, etc.)

3. Surveiller l’état sanitaire de la forêt : les parasites vont profiter du stress des arbres causé par l’incendie pour se développer. Les arbres les moins résistants ne pourront pas lutter naturellement contre l’envahisseur. Le forestier doit surveiller et agir pour éviter l’attaque des parasites sur les zones épargnées par l’incendie.

4. Reconstruire la forêt : cette dernière étape du processus a lieu entre 2 à 4 ans après l’incendie. Le forestier aidera la forêt à renaître soit en favorisant la régénération naturelle, soit avec des plantations dans les zones où la forêt n’a pu reprendre ses droits.

©ONF

Des moyens renforcés pour l’ONF

Dans le cadre de l’extension des missions d’intérêt général de la DFCI portée par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, l’ONF se voit attribué des moyens supplémentaires en Gironde :

- Recrutement de 2 experts DFCI à Bruges et coordonnateur zonal pour la Nouvelle-Aquitaine associé à un expert de l’agence DFCI ONF.

- Mise en place de 2 patrouilles de première surveillance et d’intervention localisées à Hourtin et au Temple. Ces patrouilles de deux ouvriers forestiers, équipées chacune d’un véhicule 4 x 4 doté d’une cuve de 600 litres, ont pour mission de détecter et d’intervenir sur les feux naissants pour en limiter la propagation avant l’arrivée des moyens du SDIS.

- Recrutement de 3 techniciens de terrain dont 2 répartis sur Hourtin et Le Temple. Le Sud du département sera pris en charge par un technicien supplémentaire localisé à Biscarrosse. Les missions de ces techniciens seront: l’information du public, la surveillance, la dissuasion et l’alerte. Ils seront également chargés de l’expertise de l’état de la végétation. 

L’année 2023 constitue une année de mise en route du dispositif grâce d'importants efforts de formation, d’intégration au contexte local et de prise en compte des caractéristiques techniques de la région.

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