Guyane : une exploration scientifique au cœur de la Haute Koursibo
Retour en images sur la mission
Du 13 au 22 novembre 2019, dix chercheurs-naturalistes et logisticiens ont vécu une immersion en forêt au cœur de la Haute Koursibo en Guyane. Située à la jonction de la réserve naturelle nationale de la Trinité gérée par l'ONF et du parc amazonien, cette mosaïque d'habitats forestiers, composée de forêts marécageuses, de collines et de palmiers pinots, présente une grande diversité végétale, avec près de 200 plantes de sous-bois et arbres répertoriés.
Cette expédition est une première pour une équipe scientifique pluridisciplinaire.
L’équipe est arrivée sur le saut (zone de rochers) où de nombreux polissoirs amérindiens (marque de polissage de la roche) ont été observés. Ils sont la preuve d’une occupation très ancienne.
Les premiers retours de l’expédition sont positifs. De nouvelles données de répartition pour certaines espèces ont été enregistrées et du côté scientifique, une nouvelle espèce a été répertoriée.
Dans sa partie haute, la crique de la Koursibo longe la réserve de La Trinité et le parc amazonien de Guyane. Dans sa partie basse, jonchée de sauts (rochers), il est difficile d’y naviguer. Dans sa partie haute aux méandres plus lents, le courant ralenti et elle est parsemée de chablis (arbres tombés au sol).
©Aurélien Brusini/DR.L'hélicoptère est le moyen de transport le plus rapide pour atteindre le secteur de la mission (une remontée en pirogue aurait nécessité plusieurs jours et le passage de plusieurs sauts périlleux). A partir d'une hélisurface, qui accueille une station météorologique, le portage des vivres et du matériel au travers du sous-bois de la forêt tropicale commence.
©Aurélien Brusini/DR.La crique de la haute Koursibo aux eaux claires est située dans un secteur non impacté par l'Homme et présente donc un très bon état de conservation.
©Aurélien Brusini/DR.Une mission en pleine forêt implique l'implantation d'un camp de base éphémère mais bien pratique : une bâche tendue entre deux arbres et un hamac. Voici une chambre individuelle ...
©Luc Ackermann/ONF... et une grande bâche avec quelques aménagements en bois trouvés sur place (table et assise) comme espace de travail et de repas.
©Luc Ackermann/ONFL'amélioration des connaissances de la faune piscicole du réseau hydrographique de La Trinité reste une des priorités du plan de gestion de la réserve. L'inventaire ichtyologique (étude des poissons), réalisé sur la crique principale et les petits affluents, conclut à la présence de 60 espèces (en dix jours d'échantillonnage!). C’est le signe d'une belle diversité et d'un secteur qui peut être considéré comme une zone de ressource pour le fleuve plus en aval.
©Aurélien Brusini/DR.L'étude de la qualité de l'eau et l'inventaire des invertébrés aquatiques (espèces bio-indicatrices de milieux pollués ou non) montre une faune benthique (espèces qui vivent au fond des eaux) très diversifiée et un très bon état écologique probable. La partie du travail en laboratoire n'est pas terminée, mais dès à présent une nouvelle espèce de coléoptère aquatique est identifiée.
©Aurélien Brusini/DR.L'inventaire herpétologique, réalisé en saison sèche, a permis la détection de 35 espèces de reptiles et de 47 espèces d'amphibiens, dont cette Dendrobate à tapirer. Un complément d'inventaire en saison des pluies ajouterait de nouvelles espèces, notamment dans les mares asséchées découvertes près du camp.
©Aurélien Brusini/DR.
L'observation au bord de la crique révèle une avifaune riche et variée. Les remous attirent l'hirondelle à ceinture blanche. Sur la berge se cache le discret caurale soleil. Et les rochers sont parcourus par l'onoré rayé.
Alors que la discrète femelle Colibri topaze installe son nid avec deux œufs au bout d'une ramille perchée au-dessus de l'eau, le mâle exhibe ses couleurs flamboyantes au sommet d'un poste d'observation bien en vue (photo).
Cette mosaïque d'habitats forestiers composée de forêts marécageuses, de collines et de pinotières (forêt de palmiers Pinot), implique une grande diversité végétale. Des relevés botaniques réalisés lors de la mission, en ressortent quelque 200 espèces identifiées : plantes de sous-bois ou arbres avec des nouveautés pour la réserve.
©Aurélien Brusini/DR.Le Moutouchi-marécage est aisément reconnaissable à ses grandes racines en forme de palette. Il affectionne les bordures de rivière et constitue parfois des forêts quasi-monospécifiques, associé à des palmiers comme le Pinot.
©Aurélien Brusini/DR.Hors saison de pluie, les nuitées en forêt sont l'occasion rêvée d'observer la voie lactée en l'absence de pollution lumineuse.
©Aurélien Brusini/DR.Avec la nuit, les animaux nocturnes sortent de leur cachette diurne, comme ce scorpion éclairé à la lumière UV (la carapace des scorpions réfléchit la lumière UV). Sur cette mission, huit espèces de scorpions ont été identifiées avec une très importante densité. C'est la plus importante constatée à ce jour en Guyane.
©Aurélien Brusini/DR.Éclairés par les lampes frontales, les yeux rouges des caïmans apparaissent au fil de l'eau ou sur les berges. En l'absence de chasse, ils peuvent ici être approchés de près. Ces caïmans gris sont de très bons bio-indicateurs de la contamination au mercure (ils fixent les métaux lourd dans leur organisme – le prélèvement et l’analyse d’écailles et griffe permettent d’identifier la présence et le taux de ces métaux), la réserve faisant office de site témoin.
©Aurélien Brusini/DR.Parmi les mammifères recherchés lors de cette mission, la loutre géante du Brésil figurait en tête de liste. Classée dans la liste rouge régionale de l'UICN, une observation furtive d'un groupe de quatre individus confirme le très bon état de conservation de la crique Koursibo.
©Aurélien Brusini/DR.Observation exceptionnelle et rarissime en milieu naturel : la découverte d'une ponte de neuf œufs et l'éclosion d'un nouveau-né atractus faux-corail. Le nid était situé à même le sol et dissimulé dans la litière de feuilles, mais l'œil avertit et attentif d'un herpéthlogue a permis sa découverte.
©Aurélien Brusini/DR.Autre observation assez rare en milieu naturel et surtout à plusieurs reprises : des femelles scorpions avec leurs pullus (les petits) sur le dos. Ces multiples observations de scorpions permettent d'avoir de nouvelles données sur les périodes de reproduction de ces animaux, plutôt mal connus.
©Luc Ackermann/ONFAvec ses 76.903 hectares, la réserve de La Trinité n’a pas fini de livrer tous ses secrets. Il a fallu plus de 10 ans pour accumuler les premières connaissances sur les enjeux du bloc forestier dans le secteur Aïmara, et plus d'une dizaine sur l'inselberg (sommet rocheux qui surplombe la canopée) et la forêt nuageuse dans les environs d'Aya (secteur d'installation du camp de base principal de la réserve de la Trinité). La zone centrale des Monts Sud reste quasiment inconnue et fera l'objet de nouvelles missions scientifiques.
©Aurélien Brusini/DR.Cette mission scientifique a été réalisée avec les équipes de l'Office national des forêts, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), des experts naturalistes indépendants, de l'entreprise d'expertise et de conseil en gestion, protection et restauration des milieux aquatiques ONIKHA, du parc amazonien de Guyane, du laboratoire de biologie Hydreco Guyane et de l'association Guyane Wild Fish.
L'équipe de la mission :
- Elodie Courtois (CNRS) et Maël Dewynter (expert naturaliste indépendant) pour l’inventaire des amphibiens et des reptiles.
- Simon Clavier (ONIKHA) pour l’étude de la qualité de l’eau et des invertébrés aquatiques.
- Johan Chevalier (expert naturaliste indépendant) pour les inventaires des scorpions et des crevettes.
- Sébastien Sant (PAG) pour les relevés botaniques et Cédric Benoît (PAG) pour la logistique.
- Grégory Quartarollo (HYDRECO) et Alain Moulucou (GuyaneWildFish) pour l’inventaire des poissons.
- Luc Ackermann (Conservateur de la RNN de La Trinité/ONF).