Mahoganys à Coeur Bouliki (Saint-Joseph) – ©ONF

La filière bois en Martinique

Le bois est l’une des rares ressources naturelles de Martinique. Sur les 16 500 ha de forêts publiques gérées par l'ONF, seuls 1 200 ha ont été aménagés pour la production de bois, ce qui représente moins de 1% de la forêt de l’île et 6% de la forêt publique.

Les forêts qui produisent du bois

Les plantations de Mahogany (Acajou du Honduras)

Les peuplements artificiels de Mahogany grandes feuilles (Acajou du Honduras), plantés au milieu du XXe siècle pour pallier la déforestation de l’île, forment aujourd’hui l’essentiel des zones de production en forêt publique.

Ces plantations sont susceptibles de fournir annuellement environ 5 000 m3 de bois, dont 50% de bois moyens et gros bois et 50% de petit bois (éclaircies).

Marquage d'un Mahogany en en vue de son exploitation - ©ONF

Un patrimoine qui se cultive et s’enrichit

La gestion de ces peuplements en milieu tropical pose encore de nombreux défis, mais repose sur des bases scientifiques solides. Elle est le résultat du travail de plusieurs générations de forestiers qui depuis 120 ans plantent, soignent, cultivent, protègent et étudient ces majestueuses futaies.

Actuellement, partant de 550 plants ou semis naturels par hectare, on aboutit 50 ans plus tard, après quelques travaux sylvicoles, à 100 arbres/ha à exploiter. Il faut savoir que les premières plantations ont été faites à des densités bien supérieures (de l'ordre de 1 600 ha). Des normes de travaux précisent, en fonction de la fertilité du sol, la fréquence des coupes et le nombre d'arbres à enlever. L'accroissement des arbres et le volume exploitable à chaque âge sont donnés par des tables de production qui permettent de planifier les volumes mis en vente chaque année.

Plantés pour pallier la déforestation de l'île il y a 70 ans, les premiers peuplements étaient mono-spécifiques, plantés selon la méthode du « Taungya system » qui conciliait jardins créoles et plantation de Mahogany.

Bien que le Mahogany n'ait pas d'effet néfaste sur le sol, les forestiers ont souhaité diversifier les espèces utilisées en reboisement. Après des années de recherche et d'essais, nous avons pu maîtriser la production et la plantation de plusieurs espèces autochtones de grande valeur ainsi que de quelques autres espèces introduites.

On aboutit ainsi à des mélanges de deux à quatre espèces où le Mahogany a sa place en proportions variables. Ces nouvelles méthodes sylvicoles font aussi une place importante à la végétation naturelle, alliant une forte production de bois précieux à la conservation de la biodiversité.

Aujourd'hui, ces peuplements permettent de préserver et valoriser les essences locales.

Deux espèces pour un même nom

La Martinique connaissait le Mahogany à petites feuilles (Swietenia mahagoni) depuis le XVIIIe siècle. Espèce robuste originaire d'Hispaniola, cet arbre de forêt sèche fut d'abord planté en ornement autour des habitations. Il s'est ensuite répandu dans les forêts dégradées du sud de l'île, où il s'est naturalisé. Malgré son bois extraordinaire, il poussait trop lentement pour être utilisé dans les reboisements.

Lorsqu'il a fallu régénérer et enrichir les forêts dégradées du Nord, c'est vers le Mahogany à grandes feuilles (Swietenia macrophylla) que se sont tournés les forestiers. Très proche de l'espèce précédente, il se distingue néanmoins par ses feuilles et ses fruits beaucoup plus grands, son tronc plus droit et moins branchu. Outre qu'il s'hybride spontanément et facilement avec le Mahogany à petites feuilles, il avait aussi l'avantage d'être facile à élever en pépinière et à planter, et sa croissance est rapide. Enfin, la richesse des sols volcaniques jeunes lui convient parfaitement.

Et la forêt privée ?

L’exploitation qui subsiste actuellement en forêt privée porte sur quelques plantations de Mahogany, quelques essences indigènes (Poirier), et la fabrication de charbon de bois.

Un inventaire forestier, qui permettra de mieux appréhender la ressource mobilisable en forêt privée, susceptible de compléter si nécessaire l’approvisionnement des acheteurs locaux.

90% des forêts publiques est dédiée au rôle de protection joué par ces milieux, qu'il s'agisse de la faune, de la flore, de la fonge, des paysages, des sols et de la qualité de l'eau.

Exploiter les bois

Chargement de grumes de Mahogany à l'aide d'un camion grue - ©Philippe Richard / ONF

De l'avis de tous les spécialistes, alors que les réserves d'Acajou s'épuisent rapidement dans la plupart des forêts tropicales, la Martinique possède de beaux peuplements de Mahogany et l'ONF s'assure de leur renouvellement. Au total, les plantations sont susceptibles de fournir annuellement environ 5 000 m3 de bois d'œuvre de grande qualité.

Toutefois, les conditions topographiques et climatiques rendent la coupe et la sortie des bois à la fois difficile et coûteuse. Il faut en effet recourir au débardage combiné câble et tracteur, une technique qui mobilise de gros moyens et suppose une forte technicité. Le réseau routier principal, insuffisant, doit aussi être complété par des pistes plus sommaires mais dont le coût est important.

Le marché est resté peu actif depuis 10 ans. Le volume vendu est d’environ 2 000 m3 depuis 2009, soit 50% du potentiel permettant une gestion forestière.

Une situation qui s'explique par les difficultés financières des petites structures d'exploitation, la concurrence des bois d'exportation ainsi que les difficultés techniques de certaines coupes.

Les filières de transformation

Sciage sur coupe d'une bille de mahogany - ©Johann Housset / ONF

La première transformation

Aidée par les pouvoirs publics, une filière bois de première transformation s'est mise en place au cours des 25 dernières années.

L'île abrite trois scieries susceptibles chacune de traiter environ 1 500 m3 de bois d'œuvre acheté sur pied. À cela s'ajoutent quelques scieurs traditionnels à l'alaskane qui découpent les grandes planches directement sur place et les sortent de la forêt à dos d'homme. 

Toutefois, les besoins actuels du marché ne permettent pas à ces structures de tourner à plein régime. Dans le même temps, il leur faut pourtant stocker le bois nécessaire à l'approvisionnement des artisans locaux.

La deuxième transformation

La quasi-totalité des entreprises de la filière bois martiniquaise sont acteurs de filière dite « de seconde transformation », c'est-à-dire de façonnage du bois. Ce sont souvent des artisans ou des petites structures de transformation qui opèrent dans des domaines variés : ébénisterie, menuiserie, fabrication de meubles et, plus récemment, construction de charpentes et de maisons en bois.

Pour faire face aux besoins, les volumes de bois importés sont toutefois importants. L'essentiel des importations est constitué de bois sciés composés à 30% de bois tropicaux en provenance du Brésil et de Guyane française.

Le principal débouché reste la construction de meubles, pour lesquels il existe différentes gammes :

  • bas de gamme : panneaux particules ou fibres ;
  • milieu et haut de gamme : meuble en massif, mobilier de style, teinte merisier.

Mais la Martinique exporte aussi des meubles. Certains artisans ébénistes essayent d'élargir leur clientèle en se développant à l'export et en adoptant de nouvelles formes. Objectif : toucher un nouveau public et trouver des nouveaux vecteurs de développement.

La stratégie du PRFB (programme régional de la forêt et du bois)

La stratégie du PRFB pour la période 2019-2029 a pour objectif d’augmenter durablement la contribution de la forêt à l’économie de la Martinique. Le développement de la production de bois est envisagé autour de trois actions :

  • valorisation de la ressource produite en augmentant l’usage du bois local sur les différents marchés existants ou à créer ;
  • amélioration de l’adéquation production-valorisation pour éviter le recours systématique au bois importé ;
  • mobilisation plus importante du bois en améliorant la rentabilité de l’exploitation.