Réserve biologique intégrale du Chêne brûlé
Le Chêne brûlé est une des sept réserves biologiques intégrales de la forêt domaniale de Fontainebleau. Une partie de la réserve est héritière d'une des anciennes séries artistiques créées par décret impérial en 1861 et qui ont été les premiers espaces naturels protégés au monde. En 1953 leur ont succédé les toutes premières réserves biologiques.
La forêt domaniale est concernée en totalité par la ZNIEFF de type 1 "Massif de Fontainebleau", sur laquelle sont calquées une ZSC et une ZPS. Elle fait partie de l'aire centrale de la réserve de biosphère de Fontainebleau et du Gâtinais. La forêt constitue également un site classé au titre de la loi sur les sites et paysages de 1930.
Histoire
Deux parcelles de la réserve (754 et 755) se trouvent dans le périmètre des anciennes séries artistiques, créées par décret impérial du 18 juillet 1861. Cette mesure avait fait suite à la revendication des artistes qui souhaitaient voir les motifs de leurs oeuvres (arbres remarquables, paysage, mares...) préservés des exploitations forestières. La forêt de Fontainebleau a été entre 1825 et 1860 un grand atelier de peinture et de photographie qui perdurera jusqu’en 1875 sous le nom de l’école de Barbizon.
En 1953, les parcelles 754 et 755 sont classées en réserve biologique dirigée (RBD), mais elles vont en réalité être préservées de toute intervention pendant les 40 années suivantes. En conséquence, l'aménagement de la forêt domaniale de 1996 propose la conversion du Chêne brûlé en réserve intégrale, en ajoutant la parcelle 756 pour une extension. Ce périmètre, validé en 2014, porte la superficie de la nouvelle RBI à 61,61 ha.
Dès le XIXe siècle, la forêt de Fontainebleau était devenue un lieu de villégiature et de promenade très prisé. Les sentiers "Denecourt" créés à cette époque font partie du patrimoine historique de la forêt. De nos jours encore, la petite RBI du Chêne brûlé a la particularité unique de se trouver en bordure d'un des lieux les plus fréquentés de la forêt de Fontainebleau, le site de Franchard. La réserve est également bordée sur deux côtés par des routes départementales.
Des traces de l'activité touristique historique subsistent à la lisière de la réserve, avec l'ancienne porte d'accès au restaurant de Franchard, aujourd'hui disparu et remplacé par la maison de la réserve de biosphère. Au cœur même de la réserve, on trouve encore des vestiges de la signalisation du sentier Denecourt n°14.
Le chemin dit du Fourneau David, qui passe entre la réserve historique et son extension récente (et qui est également emprunté par le GR1 et par le Sentier bleu n°7) est bordé par un alignement de charmes dont certains ont une physionomie remarquable. Le côté sud de la réserve, en bordure du parking de Franchard, est délimité par un alignement de pins laricio greffés de très belle stature, plantés en 1933 (et dont la présence est tout à fait insolite dans le contexte d'une RBI).
En dépit de sa petite taille et de ce contexte d'anthropisation très particulier, la RBI du Chêne brûlé présente un niveau de naturalité élevé et abrite en conséquence une biodiversité remarquable, hérités de plus de 150 ans de libre évolution.
Géologie - Pédologie
La réserve du Chêne Brûlé se trouve sur un plateau formé par du calcaire d'Etampes (Stampien supérieur lacustre) sur lequel s'est déposé un complexe de "limons des plateaux". Celui-ci est en partie constitué de sable de Fontainebleau (Stampien moyen ou supérieur marin), très siliceux, remanié par le vent et mélangé de limons au Quaternaire.
La superposition de ces matériaux et déterminante pour la pédogenèse : quand la couverture de limons est mince, les sols sont calcimagnésiques ; quand elle est épaisse, elle masque l'influence du calcaire et les sols sont acides. La composition de la végétation s'en ressent de la même façon.
Milieux naturels
Les habitats dominants de la réserve sont la hêtraie atlantique acidiphile à Houx (CB : 41.12 - N2000 : 9120) ou à Fragon sur sol moins acide (41.13 - 9130). Cette hêtraie couvrant une quarantaine d'hectares est d'une maturité remarquable, avec de nombreux sujets âgés ou dépérissants. Il a été noté un volume de près de 50 m3/ha de bois mort de Hêtre et 40 m3/ha de chêne lors de la première campagne de suivi dendrométrique de la réserve. C’est un milieu extrêmement riche en gros bois et bois mort de toutes tailles.
L'extension de la réserve (parcelle 756) présente des peuplements plus ouverts mélangés de feuillus et de résineux, avec un sous-étage de lande sèche à Callune ou de pelouses calcicoles, et davantage de Chêne sessile voire de Chêne pubescent, en fonction du substrat et des types de sols.
Flore et fonge
La flore vasculaire de la RBI du Chêne brûlé est principalement composée d'espèces forestières communes. Dans la vieille hêtraie à Houx sur sols acides, elle est naturellement très pauvre en espèces. Dans les secteurs de peuplements plus ouverts et sur sols plus ou moins calcaires, on trouve le Géranium sanguin en lisière et l'Alisier de Fontainebleau, espèces patrimoniales.
Un des principaux intérêt de la réserve réside dans la présence de nombreuses espèces de champignons, en particulier les polypores et les croûtes poussant sur les bois morts en décomposition. 150 espèces en ont été inventoriées. Certaines sont caractéristiques des vieilles hêtraies (Hericium clathroides, Inonotus cuticularis, Inonotus nodulosus, Ceriporiopsis gilvescens, Ceriporiopsis pannacinta).
Le cortège des mousses est également bien développé, on y rencontre le très rare Dicrane vert (PN, DH2 et 4).
Faune
A l’image de la flore et de la fonge, l’intérêt de la RBI du Chêne brûlé est centré sur les insectes liés aux bois morts ou en décomposition. En plus du volume de bois mort globalement très élevé, on trouve dans cette réserve des microhabitats importants pour les coléoptères saproxyliques, en particulier les arbres morts de gros diamètres (près de 3.5 /ha) et des arbres à cavités en hauteur (1.5/ha). On note la présence de deux coléoptères protégés : le Grand capricorne (DH2) et surtout le très rare Pique prune (PN, DH2 et 4) inféodé aux arbres à cavités volumineuses et riches en terreau issu de la décomposition du bois.
Le groupe des lépidoptères est bien représenté avec 147 espèces identifiées.
8 espèces de chiroptères ont été détectées dans la RBI, ce qui est remarquable au regard de sa faible surface, dont le Murin à oreilles échancrée, le Grand murin et la Barbastelle d'Europe (DH2 et 4).
Gestion
Les peuplements forestiers de la RBI sont laissés en libre évolution. Seules des opérations de sécurisation sont conduites le long des routes longeant la réserve et du sentier pédestre balisé la traversant. Les bois coupés sont laissés sur place dans la réserve.
En dehors de la traversée par le chemin Fourneau David, la circulation du public dans la réserve est interdite, principalement pour des raisons de sécurité du fait de l'abondance d'arbres morts et du risque de chute de branches. Des panneaux signalant cette interdiction sont disposés sur le périmètre.
En dehors de ces actions de sécurisation, importantes dans le contexte d'un site fréquenté, la gestion de la RBI consiste essentiellement en études : suivi des peuplements forestiers, inventaires naturalistes (insectes, champignons...).