Réserve biologique intégrale du Haut-Tuileau
Située au cœur du massif forestier de Rumilly-Chaource, au sud-est de Troyes (Aube), la réserve biologique intégrale du Haut-Tuileau s’étend sur 126 ha. Autrefois traités en taillis sous futaie, dominés par les chênes pédonculés et sessiles, ses peuplements sont représentatifs des forêts de la vaste plaine argileuse de Champagne humide.
Le site est concerné par une ZNIEFF de type I "Étang du Haut-Tuileau dans la forêt domaniale de Rumilly" et une ZNIEFF de type II "Massif forestier de Rumilly, Aumont, Jeugny, Crogny et Chamoy".
Histoire
Le Haut-Tuileau se situe dans la partie de la forêt domaniale de Rumilly qui était propriété de la couronne. Elle a été exploitée au moins depuis le XIe siècle, époque de l'établissement d'ordres religieux qui ont profondément modifié le territoire.
Les peuplements forestiers du Haut-Tuileau sont anthropisés mais conservent une plus grande naturalité que d'autres forêts de Champagne humide. Le site a été géré en taillis sous futaie depuis 1759 jusqu'en 1960, date à partir de laquelle une conversion progressive en futaie régulière a été engagée. L'objectif y était la production de Chêne de qualité. Les dernières coupes dans les parcelles de la future réserve ont eu lieu sur une période s'échelonnant de 1976 à 1996. La création de la RBI, plus tardive (2014), a définitivement marqué l'arrêt des coupes et travaux sylvicoles sur ce territoire.
Géologie - Pédologie
La forêt de Rumilly se situe dans la vaste plaine crétacée de la Champagne humide. La réserve du Haut-Tuileau a pour substrat principal des couches argilo-sableuses du Barrémien supérieur, surmontées localement de placages limoneux. La vallée peu prononcée empruntée par le ru d'Erlan fait affleurer le Barrémien inférieur, composé de marnes, argiles et calcaires.
Il en résulte des sols plus ou moins acides, alternant entre sols bruns plus ou moins lessivés, sols hydromorphes à pseudogley et sols podzoliques hydromorphes.
Milieux naturels
La réserve est presque entièrement occupée par des habitats forestiers. Selon le degré d’humidité des sols, les habitats se composent d’un mélange en proportion variable de hêtres, chênes sessiles, chênes pédonculés et charmes, les hêtres puis les charmes disparaissant progressivement sur les sols les plus humides. Les habitats où le Hêtre est encore présent relèvent des chênaies-hêtraies acidiphiles (9120) ou des chênaies-hêtraies neutroclines à Mélique uniflore (9130). Selon le degré d’humidité et le niveau trophique, les chênaies vont de la chênaie pédonculée ou chênaie-charmaie à Primevère élevée ou à Stellaire holostée (9160) jusqu'à la chênaie pédonculée à Molinie (9190). Localement, l’aulnaie-frênaie à Laîche espacée (91E0) est présente. De manière générale, les peuplements forestiers sont assez denses et régularisés, et laissent peu de place à l’expression d’une flore herbacée ou arbustive.
Quelques anciennes mares à sphaignes, presque comblées, viennent diversifier ponctuellement les habitats. Le ruisseau de l’Erlan traverse la réserve de part en part mais son lit, très incisé, ne permet que très peu à la diversification des habitats rivulaires sur ses berges abruptes.
Flore
Globalement, la flore de la réserve est typique des habitats forestiers, et donc assez banale. Les espèces les plus originales sont les sphaignes, qui apparaissent dans quelques cuvettes sableuses. La Fougère pectinée (Blechnum spicant), marqueur d'une ambiance atlantique et humide, est bien présente par endroits. La fonge présente une diversité intéressante, avec plus de 300 espèces recensées. Leur patrimonialité n’a pas été évaluée.
Faune
La faune de la RBI du Haut-Tuileau est riche. Les deux tiers des espèces collinéennes d’insectes connues ont été recensées. La richesse en chauves-souris est absolument remarquable, avec 20 des 24 espèces connues dans l’Aube contactées sur la réserve, dont la Barbastelle, le Grand Murin, le Murin à oreilles échancrées et le Murin de Bechstein (toutes inscrite à l'annexe 2 de la directive Habitats).
La réserve présente une avifaune riche de nombreuses espèces typiques des forêts feuillus âgées, qui se traduit notamment par une proportion importante de cavicoles. Globalement, il s’agit d’une avifaune commune et à relativement faible patrimonialité. On peut toutefois citer la présence du Pic mar (DO1), de la Tourterelle des bois, du Pic épeichette et du Pouillot siffleur.
Gestion
Comme pour toute réserve biologique intégrale, la gestion du Haut-Tuileau est dévolue à la libre évolution des milieux naturels. Fait toutefois exception à ce principe, comme en règle générale dans les RBI en l'absence de prédateurs naturels, la pratique d’une chasse de régulation des ongulés (sanglier essentiellement).
Autre exception, beaucoup plus originale, un projet de travaux de reméandrement du ru d’Erlan (en cours). En effet, ce ruisseau avait été "rectifié" dans les années 80, ce qui pose à la fois des problèmes d’inondations en aval et d'atteinte à l'état de conservation des habitats forestiers de la réserve du fait d'un drainage artificiellement amplifié. L’objectif des travaux est de rediriger le ruisseau dans ses anciens méandres, encore bien marqués dans la topographie. Ces travaux constituant un acte de renaturation du cours d'eau, qui sera ensuite entièrement rendu à son évolution naturelle, ils ne sont pas incompatibles avec le principe d'une RBI.
Enfin, la gestion de la réserve consiste en grande partie en suivis et autres études : peuplements forestiers, avifaune, chiroptères, champignons, flore vasculaire.