Forêt de La Blanche

La forêt de La Blanche, histoire d'une renaissance

Au sud du lac de Serre-Ponçon, la forêt domaniale de La Blanche (Alpes de Haute Provence) culmine à 2 505 m d'altitude. Planté de résineux et de feuillus, ce havre de fraîcheur est parcouru par de nombreux sentiers de randonnée. Cette jeune forêt a été plantée entre 1862 et 1914 au prix de travaux colossaux. En témoignent encore les cabanes d'ouvriers qui accueillent désormais les promeneurs.

Pour se rendre dans la vallée de La Blanche à Seyne-les-Alpes (Alpes de Haute Provence) il faut emprunter depuis Gap, une petite route de montagne en direction de Selonnet. Dès l’abord, la forêt est partout. Présente sur l’ensemble des versants de la montagne, dense, elle laisse peu de place aux champs et prairies. En ce mois de juillet 2022, la canicule assomme et l'ombre de ces arbres plantés serrés est une irrésistible invitation à s'arrêter.

 

Route de montagne menant à la forêt Domaniale de la Blanche

Avant de plonger dans l’identité de la forêt d’aujourd’hui et de vous guider dans vos balades, un peu d’histoire pour comprendre : la forêt domaniale de La Blanche est née de la volonté de l’homme, comme de nombreuses forêts métropolitaines de France. Entre 1830 et 1870, Seyne-les-Alpes compte 2 800 habitants, un chiffre inégalé depuis (ils sont aujourd'hui 1 300). Pour nourrir leur famille, les villageois déboisent beaucoup à cette époque et les troupeaux pâturent tout autant. Deux phénomènes qui créent une érosion importante. Les sols glissent, s’effondrent au moindre orage, noient parfois des villages. Des routes, des ouvrages d’art et des terres agricoles sont emportés. La situation est tragique. En 1850, ne reste sur ce versant que 18 hectares de forêt communale.

Le Service de Restauration des terrains en montagne (RTM) naît à cette époque, au sein de ce qui deviendra l’Office national des forêts (ONF). Le reboisement de la forêt de La Blanche débute en 1862 pour s’arrêter à la Grande Guerre.

Ouvrages hydrauliques et pépinières volantes

Les opérations menées durant cette période sont d'une ampleur colossale ! Cent barrages en pierres sèches de plus de deux mètres de haut sont construits, notamment grâce au savoir-faire de maçons italiens. Mille seuils moins importants contribuent également à apaiser les torrents. Pour éviter l’affouillement (érosion par l'eau), on ne pose pas moins de 10 000 fascinages (fagots de branches fixés sur les berges). Enfin, six kilomètres de drains sont creusés sur le pourtour des zones de glissement…

Barrage en pierres sèches

Il faut aussi planter. 57 400 kg de graines de résineux, 7 850 kg de graines de feuillus et 94 000 kg de graines fourragères sont semés ! Le résultat n’étant pas à la hauteur des espérances, la RTM organise des pépinières volantes. Au plus près des zones à planter, elle construit des cabanes pour abriter les ouvriers qui y travaillent. Ils sont aidés par des mules. Auxiliaires alors indispensables, notamment pour le transport du matériel, elles sont quasiment les effigies du Pays de Seyne. 68 kilomètres de sentiers muletiers ont été créés pour le reboisement de la Blanche.

Sentier muletier de la forêt domaniale de la Blanche

Avec tous ces moyens, une dizaine de millions de plants, des résineux pour la plupart, sont plantés en 30 ans sur 1 250 hectares… A l'époque, l'ambitieux projet ne fait pas que des heureux. Il faut convaincre, user de pédagogie et offrir du travail à ceux qui ont perdu leurs terres arables et leurs pâturages.

La Blanche aujourd’hui

Pendant l'été, La Blanche, surnommée « La Forestière » par les populations locales, offre sa fraîcheur et son abri au sanglier, au chevreuil, au lièvre, au tétras-lyre, au pic noir, à la chevêchette ou encore à la gélinotte. L’homme vient aussi rechercher ses bienfaits, le calme et la sérénité… Depuis sa renaissance issue du travail acharné de plusieurs générations, la forêt de La Blanche remplit bien d’autres fonctions. Elle contribue à la lutte contre le réchauffement climatique, a un rôle sociétal avec l’accueil du public et participe à la préservation de la biodiversité.

Ses 1 797 hectares s’étagent de 1 400 m à 2 505 m d’altitude et s’ouvrent régulièrement sur de nombreuses clairières aménagées avec des aires de pique-nique. Les cabanes des anciens chantiers RTM sont ouvertes à l’année. Chacun peut venir y dormir, manger, s’abriter lors de randonnées. L'une d'entre elles s'appelle la cabane du Serpent. Avant les travaux de la RTM, l'endroit était probablement pierreux et abritait des serpents dont l’aspic des montagnes, petite vipère tout aussi venimeuse que ses cousines.

Vers 2 000 m d’altitude, la forêt s’éclaircit jusqu’à disparaître pour céder la place aux rochers et à la pelouse en sa partie sommitale. Les essences qui la composent sont assez caractéristiques des forêts des Alpes du Sud. Mélèze, pin à crochets, pin noir d’Autriche, pin sylvestre, épicéa, sapin pectiné, pin cembro ainsi que des feuillus (érable, sorbier, tremble, cytise, merisier, saule, alisier blanc, hêtre…) sont venus coloniser les lieux en complément des plantations originelles.

Marmottes et séquoia géant

A l’entrée de La Blanche, on aperçoit la draille de La Chandelette, un passage emprunté obligatoirement par les troupeaux depuis la RTM afin que les bêtes épargnent les jeunes pousses. Une fois l'entrée passée, La Forestière propose de nombreuses randonnées pédestres ainsi que des pistes et sentiers balisés pour les VTT. En partant du parking aménagé du col Bas, on peut atteindre le point culminant, Dormillouse, un ancien fort aujourd'hui occupé par un restaurant, via l’ancienne piste militaire. Ceux qui veulent pousser plus loin pourront faire une boucle par les lacs d’altitude, classés en Espace naturel sensible. Les plus sportifs iront jusqu'au pic de Bernadez, à 2 430 m. La randonnée, qui offre un dénivelé de 1 000m, part du bas de la forêt via le GR©.

Des balades plus familiales sont aussi possibles, avec des parcours plus ombragés, en prenant la route forestière de Bellevue qui part d’une ancienne maison forestière. Des aires de pique-nique jalonnent cette route. Pour observer les marmottes, direction le plateau de la Chau. De ce point haut, on aperçoit toute la vallée de La Blanche, celle de l’Ubaye et jusqu’au lac de Serre-Ponçon dominé par le pic du Grand Morgon. Ce site d’envol est bien connu des amateurs de parapente.

Parmi les curiosités à ne pas manquer figurent un séquoia géant et un cèdre vieux de 150 ans ! Ils se trouvent à la maison forestière de Bellevue et sont si grands qu’on ne peut les photographier en entier. Il faut être plusieurs pour les embrasser tant leur tronc est large...

Par ailleurs, la forêt abrite trois lots de chasse et des pâturages où transitent plus de 1 000 ovins en période d’estive. On y trouve des concessions pour l’eau potable car La Blanche fournit quasiment toute l’eau du territoire. Son bois est également exploité, environ 2 000 m3 par an, issus du renouvellement des 900 hectares exploités. Le mélèze, bois imputrescible, est particulièrement recherché pour une utilisation extérieure et en charpente.

Actuellement 90% de la régénération s’effectue naturellement. Mais demain ? Comment la forêt de La Blanche pourra-t-elle continuer à remplir son rôle de protection des sols, de la flore, de la faune ? Les épisodes récurrents de fortes chaleurs et les sécheresses provoqués par le réchauffement climatique n'épargnent aucune forêt. Ils entraînent le dépérissement de certaines espèces. Ces sujets sont au cœur de la gestion de l'ONF. Bientôt, à la Blanche comme ailleurs, il faudra à nouveau planter.

Si la forêt de La Blanche présente une diversité d'essences bien plus importante que la plupart des forêts des Alpes du Sud, l'introduction de nouvelles essences est à l'étude afin de la rendre encore plus résiliente. Des tests sont effectués sur certaines espèces comme le cèdre de l’Atlas, le tilleul à grande feuille, le merisier, le sapin de Turquie et le sapin du Colorado, pour voir s'ils s'acclimatent et s'ils n'ont pas d'impact négatif sur le milieu naturel.