Journée internationale des droits des femmes : coup de projecteur sur des femmes de l'ONF
Céline Courcelle, une femme d’extérieur
Rencontre avec une conductrice de travaux qui, entre terrain et vie de bureau, s’attache à entretenir une relation de confiance et de proximité avec son équipe.
Déjà petite, Céline escaladait les tracteurs et participait au quotidien de ses parents agriculteurs. Quelques années plus tard, mal orientée, elle frôle son métier rêvé : soigner les animaux blessés. Amoureuse des grands espaces, elle emprunte finalement la voie de la forêt. Après une formation intensive, Céline rejoint les bancs prisés de l’Office. Propulsée à 21 ans dans le métier de technicien forestier, elle s’aperçoit que « la foresterie n’est pas un chemin toujours dégagé, on se heurte parfois aux mentalités misogynes, vestiges d’une ère forestière dénuée de présence féminine ». Mais ce n’est pas suffisant pour la décourager. Quelques années plus tard, après un déménagement, elle obtient le poste de « conducteur de travaux » et transforme très vite son titre. Ce sera Céline Courcelle, « conductrice de travaux ». Elle a 24 ans lorsqu’elle prend les rênes d’une équipe de quinze ouvriers, dont certains cumulent déjà plusieurs décennies d’activité.
Céline défend fermement l’équité et la confiance partagée. Cela lui vaut un accueil toujours cordial et chaleureux, lorsque, sur les chantiers, elle retrouve ses « gars en or ». Sa locution franche lui donne un côté légèrement autoritaire, rapidement balancé par une écoute attentive et une dérision très justement dosée. Une manière bien à elle de manifester sa bienveillance et d’ouvrir le dialogue avec ses équipes. Des petites phrases sexistes, elle en entend encore de temps en temps. Mais sa répartie acrobatique les renvoie rapidement au néant. Dans cette ambiance bon enfant, elle y veille : le respect hiérarchique et sa crédibilité ne sont jamais piétinés.
Céline peint avec enthousiasme les contrastes de ses fonctions. Ses préférences : fouler les sols forestiers lors des visites de chantiers et avoir des échanges privilégiés avec ses co-équipiers et ses fournisseurs. Son talon d’Achille : les tâches administratives. Elle préfère de loin la terre et le grand air. Souvent, elle prend la route. Au compteur, 40 000 km par an en moyenne. Elle sourit : qui oserait encore lui dire que les femmes ne savent pas conduire ? Opérationnelle sur trois départements, il lui faut parfois 2h30 de trajet entre deux parcelles. « Une simple question d’habitude », déclare-t-elle.
Depuis les vitres de son camion, les paysages défilent. Printemps, été, automne… Son plaisir, c’est d’admirer la forêt au fil des saisons. À ses yeux, les métiers n’ont pas de genre. L’univers des possibles est immense. Pour être une femme parmi les hommes, il faut savoir s’imposer, sans être imposante, et s’affirmer. Elle l’assure, « conducteur de travaux » s’écrit et s’exerce bel et bien aussi au féminin.
Et ses collègues masculins, ils en pensent quoi ?
« Professionnellement, avoir une femme comme responsable n’est pas différent. Humainement, peut-être qu’elle met davantage les formes et privilégie le dialogue. Moi-même, je pense que j’aborde les choses différemment avec Céline. Les échanges ne sont pas frontaux, il n’y a pas de rapport de force. » - Maxime Cendrier, ouvrier sylvicole
« Lorsque Céline a pris ce poste, on ne lui a pas caché, son arrivée a fait parler. Elle est jeune, c’est une femme. Fort de mes 36 ans de métier, je peux dire que c’est une combinaison plutôt rare chez les forestiers. Mais lorsque, comme elle, on a les compétences, il n’y a pas lieu de faire de différence. Peut-être qu’inconsciemment, les femmes instaurent des manières de dire et de faire différentes. Et l’ambiance de travail s’en trouve apaisée. » - Jean-Marc Nivault, ouvrier sylvicole
Judicaëlle Pépin, ouvrière forestière sylvicultrice à Metz
« La tronçonneuse n’est pas qu’une affaire d’homme »
J’ai toujours voulu exercer un métier d’extérieur, avec de grands espaces. La forêt s’est présentée presque comme une évidence. J’ai commencé par un BST… que j’ai effectué en apprentissage à l’Office.
Me sentant bien à l’ONF, j’ai ensuite postulé un poste d’ouvrier forestier. Dans ce secteur encore majoritairement masculin, mon arrivée n’a pas immédiatement fait l’unanimité : mes collègues n’avaient jamais vu de femme exercer ce métier, je n’avais jamais vraiment manié la tronçonneuse… C’était une situation nouvelle pour eux comme pour moi.
Après plusieurs chantiers, nous avons appris à nous connaitre, j’ai pu faire mes preuves (au même titre que tout nouvel arrivant d’ailleurs) et profiter de l’expérience des plus anciens. Finalement, tous ont pu apprécier que la tronçonneuse n’est pas qu’une affaire d’homme. Aujourd’hui, j’exerce un métier que j’aime dans une équipe où je me sens bien. Être une femme et forestière ? C’est possible, j’y suis arrivée.
Virginie Richert, conductrice d’engins forestiers à Metz
« La première année, j’étais "attendue au tournant" »
J’ai eu un coup de foudre pour la forêt il y a maintenant plus de quinze ans. Arrivée à l’Office en 2005, j’ai commencé en tant qu’élagueuse-grimpeuse durant une dizaine d’années, avant de me reconvertir, en interne, vers la conduite d’engins forestiers.
Grimper aux arbres et tenir la tronçonneuse à bout de bras, tous les jours, c’est très physique. Qu’on soit un homme ou une femme, le travail est dur et au fil des années cela se ressent. Bien que j’adorais mon métier, j’ai pris conscience que, physiquement, je ne pourrais pas aller jusqu’à la retraite. Lorsque j’ai vu que l’Office cherchait un chauffeur pour un nouvel engin, j’ai postulé. Je peux ainsi continuer à travailler dans la forêt, tout en ménageant mon corps.
Préparation des sols, travaux de griffage de ronce, bâtonnage de fougères… Aujourd’hui, mon métier consiste essentiellement à conduire des pelleteuses que j’équipe en fonction de la région et du chantier. Dans la conscience collective, ces deux métiers sont encore perçus comme très masculins, ce qui peut être un frein, tant pour les femmes intéressées que pour des recruteurs ou les équipes qui les accueillent.
Pour ma part, je n’ai pas rencontré d’obstacle du point de vue de ma direction. En revanche, sur le terrain, la première année, il est vrai que j’étais « attendue au tournant ». Une femme avec une tronçonneuse ? Il y avait pratiquement des paris sur le temps que j’allais tenir. Ce n’était pas hostile, mais basé sur des a priori. Et puis, au fur et à mesure, mes collègues ont vu que je ne tournais pas le dos à la difficulté et que je ne cherchais pas d’excuse parce que j’étais une femme. La morale, c’est qu’il ne faut pas écouter les préjugés. Avec de l’envie, de la motivation et des compétences, femmes et hommes peuvent exercer le même métier.