Forêts du Tanargue et des Chambons, au cœur de la beauté ardéchoise
Il est 8 h ce matin de mai à Aubenas. La petite ville du sud de l’Ardèche se réveille doucement sous un ciel bleu azur. Florian Paris, technicien forestier territorial à l’ONF, et Marion Davezies, responsable de l’unité territoriale Bas Vivarais Cévennes, nous retrouvent sur une place proche du centre. Quelques marcheurs s’y sont également donnés rendez-vous. « Il va nous falloir une petite heure en voiture depuis Aubenas pour monter sur les massifs du Tanargue et des Chambons », annonce-t-il.
Nous voilà partis, la route sinueuse suit la vallée du Lignon. Des maisons typiques ardéchoises sont nichées dans les montagnes. A perte de vue, le jaune du genet, le vert des châtaigniers et le gris rougeâtre des roches se mélangent, offrant un tableau aux couleurs vives. Plus nous montons en altitude, plus les paysages changent. Entre 900 et 1300 mètres d’altitude, les châtaigniers laissent la place aux sapins et hêtres. Puis, peu à peu, les landes et leurs milieux ouverts pierrées se découvrent.
Des voisines que tout oppose
Les forêts domaniales des Chambons et du Tanargue ont beau être collées l’une à l’autre, elles sont différentes sur bien des points.
Leur histoire pour commencer. D’une superficie de 1000 hectares, la forêt des Chambons trouve ses origines au temps des moines de l’abbaye cistercienne du même nom. Ils s'en servaient pour leur vie quotidienne (charbon, bois de chauffage, cueillette…). A la Révolution française, elle devient la propriété de l’Etat.
De son côté, la forêt du Tanargue, de 2250 hectares, était jusqu’en 2015 divisée en trois forêts distinctes : Tanargue, La Souche et Valgorge. Autrefois, elle était occupée par des fermiers pour y faire pâturer leurs bêtes, avant d’être acquise par l’Etat au 19ème siècle. Après la loi de 1860 sur le reboisement obligatoire, laquelle est entrée en vigueur dans une série de Restauration de terrains de montagne (RTM), elle a fait l’objet de travaux titanesques pour redonner vie au massif forestier et stopper le phénomène d’érosion de la montagne. Une révolution qui n’a pas fait l’unanimité au sein des populations locales. Réclamations, pétitions et conflits s’enchaînent entre les habitants et l’administration forestière de l’époque.
D’une vue aérienne, le Tanargue possède plus de milieux ouverts et de pelouses recouvertes de genets. Son versant nord est boisé de châtaigniers, pins, sapins et hêtres quand, au sud la chênaie méditerranéenne prend le relai. Sa voisine est plus fournie en essences et compacte, offrant une ambiance forestière complètement différente.
« Nous sommes arrivés à la station de ski de la croix de Bauzon », informe Florian avant de poursuivre « elle est située entre la forêt domaniale du Tanargue et celle des Chambons. Il est possible de se garer ici et de partir se promener dans l’une ou l’autre ». Perchée à 1308 mètres d’altitude, la station offre un point de vue saisissant sur la vallée du Lignon.
Si la lumière le permet, on peut voir le Vercors d’ici
La rébellion de Loubaresse
Dans le cadre de la loi de 1860, un projet concernant la commune de Loubaresse est initié en 1863 par l’administration forestière. La réaction du Conseil municipal ne se fait pas attendre en imposant son droit de veto. Les années passent et le projet est oublié, jusqu’à l’année 1876, où un décret présidentiel remet le projet sur la table. Malgré une nouvelle contestation du Conseil municipal, cette fois-ci, les travaux sont validés et le chantier commence, sous la protection des gendarmes de Valgorge.
Une heure après le début du reboisement près de 90 paysans, hommes et femmes confondus, viennent protester. Les négociations restent vaines et la tension monte tout au long de la journée jusqu’à la blessure mortelle d’un gendarme sur un paysan.
Sentier Taranis Arga
De la station, part le sentier « Taranis Arga ». Un ancien chemin botanique réaménagé entre 2015 et 2016 par l’ONF, le Parc Naturel Régional des Monts Ardèche et le syndicat mixte de la Montagne Ardéchoise. Sur 4,5 kilomètres, les promeneurs profitent de chemins aménagés pour découvrir les nombreuses richesses naturelles de la région. On circule sous l’ombre des sapins et des hêtres, sous lesquels poussent des alisiers blancs, des sorbiers des oiseleurs et des pins à crochets proche des zones humides. Les racines des géants créent des escaliers naturels menant à un chemin en caillebotis pour passer au-dessus de la tourbière des Mayes. Çà et là, des petites mares sont peuplées d’œufs de grenouilles rousses. Le bruit de l’eau, mêlé au chant des oiseaux, rythme les pas entre callunes, molinies et sphaignes. Attention, promeneurs, ne sortez pas du chemin, ce milieu humide regorge de biodiversité à protéger.
La légende du Tanargue
Depuis des siècles, Taranis, dieu celte du Ciel et du Tonnerre, veille sur la montagne du Tanargue. Né de la rencontre entre « Arga », la montagne, et le dieu Taranis, le massif du Tanargue est riche d’une longue histoire.
Une fois la tourbière des Mayes passée, nous suivons les forestiers jusqu’au sommet du Grand Tanargue à 1511 mètres d’altitude. Sur cette zone d’estive on peut croiser quelques vaches en pâturage. Le beau temps de cette journée favorise une vue dégagée à 360 degrés sur le Vercors, le mont Ventoux et le mont Lozère en particulier. On s’y arrête un moment, on respire. Dans les pinèdes, les insectes s’affairent. Des promeneurs s’arrêtent pour admirer le paysage et échanger avec les forestiers.
« C’est un endroit très paisible qu’il faut protéger », commence Marion. « l’ONF travaille avec plusieurs partenaires pour réaliser des travaux afin de préserver la grande biodiversité qu’abrite ce milieu ».
La réserve biologique mixte du Grand Tanargue à cheval sur les deux forêts
Les forêts domaniales des Chambons et du Tanargue sont toutes deux anciennes et renferment un éventail d’espèces primordiales pour la biodiversité. C’est pourquoi, 1044 hectares sont classés en réserve biologique mixte depuis 2016 : 791 hectares en intégrale (Gorges de la Borne et Mont Aigu) et 253 en dirigée (estive du Tanargue et tourbières). Les variations d’altitude (de 400 à 1500 mètres) et les expositions variées offrent une grande diversité de milieux naturels ouverts et forestiers, amenant une multitude d’espèces de faune et de flore. Par exemple, on y trouve un lichen très rare le Lobaria pulmonaria. Ce dernier est un témoin de la bonne qualité de l’air.
Un saut en forêt des Chambons
Nous voilà de retour à la station de ski de la croix de Bauzon. « Vous allez voir, la forêt des Chambons est plus vallonée et moins en crête que celle du Tanargue », annonce le forestier. Pour se faire une idée un peu plus précise de ce massif, nous nous rendons aux portes de la réserve biologique intégrale des Gorges de la Borne. Cet espace de 70 hectares a été classé en 2014. Depuis, aucune coupe de bois n’a été faite et la nature se développe comme bon lui semble.
Un chemin permet de descendre dans la réserve. Prenez garde à où vous mettez les pieds, branches, pierres et broussaille règnent en maître ici. Il mène le promeneur aux pieds de sapins de plus de 30 mètres de haut et jusqu’à une petite cascade et une piscine naturelle à l’eau translucide. L’été, l’endroit sert de départ pour du canyoning. Un arrêté exceptionnel a été délivré et les sessions ne sont autorisées qu’entre 9 h et 11 h 30. Un peu plus loin, les sportifs peuvent également se retrouver sur le site d’escalade des Gorges de la Borne.
La tourbière du Pradas en danger
Comme de nombreux coins en montagne, la forêt domaniale des Chambons cache en son sein une tourbière. Un milieu humide précieux où faune et flore spécifiques s’épanouissent. Problème, avec le réchauffement climatique la tourbière s’assèche peu à peu et la forêt referme le milieu. Afin de le préserver, l’ONF a engagé une étude complète de la zone afin de prévoir d’éventuels travaux de protection.
Sommet de Prata Rabia
Tout comme en forêt du Tanargue, les Chambons partage ses espaces et est un exemple de multifonctionnalité. C’est le cas au sommet de Prata Rabia. « Ici, nous sommes sur une zone entre forêt et agriculture », explique Florian. Les vaches viennent y pâturer et tout comme au sommet du Grand Tanargue, il y a un fort enjeu de protection de ce milieu ouvert et de gestion de la forêt qui avance sur la prairie.
De l’autre côté de la vallée, face à Prata Rabia, le rocher de Folatier offre un nouveau point de vue sur la forêt des Chambons. Pour y parvenir, nous suivons nos guides sur la piste de ski de fond du Tanargou. Sur le chemin, plusieurs arbres ont les branches brisées. « Il y a un mois, nous avons eu un épisode de neige assez intense. Jusqu’à 1m50 par endroits. Nous sommes aux portes de l’été, les arbres n’y étaient pas du tout préparés », explique Florian.
Une fois le bol d’air pris au rocher de Folatier, nous reprenons la route forestière des Sagnes, en quelques minutes nous retrouvons la station de ski de la Croix de Bauzon.
Les missions de l’ONF à Tanargue et Chambons
- protection des milieux
- récolte de bois
- régulation des usages (pâturage, cueillette, chasse, sport nature, …)
La forêt du Tanargue en détails
La forêt des Chambons en détails
Infos pratiques
Accès : les forêts domaniales sont accessibles à tous, depuis les axes de circulation
Parking : les parkings col de la croix de Bauzon, col de Meyrand, Station de ski de la croix de Bauzon permettent de déposer les véhicules et cheminer sur les nombreux itinéraires de randonnée à pied ou à vélo.