L'alimentation des arbres : l’intérêt des analyses foliaires

Les analyses foliaires, comparables en quelque sorte à des analyses sanguines régulières chez l’homme, représentent un outil intéressant pour évaluer instantanément l'état nutritionnel des arbres.

L'intérêt des analyses foliaires

C'est dans les feuilles, siège de la photosynthèse, que l'eau, les éléments minéraux puisés dans le sol et le dioxyde de carbone (CO2) de l'air, se rencontrent pour former les éléments nécessaires à la croissance et à la vie de l'arbre.

Dans le cadre des dysfonctionnements liés à la pollution atmosphérique ou à l'attaque de ravageurs foliaires, la connaissance des teneurs foliaires en macro-éléments (azote, phosphore, potassium, calcium, soufre, magnésium et chlore) et en micro-éléments (manganèse, fer, cuivre, zinc, sodium et aluminium) est de première importance.

En effet, contrairement aux analyses de sol, les analyses foliaires permettent d'apprécier l'état nutritionnel instantané des arbres et de suivre au cours du temps d'éventuels déséquilibres (manque ou excès d'éléments nutritifs).

Petite rappel : la photosynthèse et la sève

  • Qu'est-ce que la photosynthèse ?

La photosynthèse est le mécanise qui permet aux plantes de fabriquer leur matière organique carbonée en utilisant l'eau et du dioxyde de carbone (CO2) en présence de lumière. Ce phénomène entraîne la libération d'oxygène (O2).*

  •  Quelle est la différence entre la sève brute et la sève élaborée ?

La sève brute est une solution de sels minéraux dans l'eau absorbée au niveau des racines. Elle circule dans un réseau de vaisseaux au niveau de la partie vivante du bois. Elle fournit aux arbres l'eau et les éléments minéraux nécessaires à leur vie.

La sève élaborée est une solution qui contient des substances organiques solubles, principalement des acides aminés et des sucres, provenant essentiellement des feuilles, siège de la photosynthèse. Elle circule dans des vaisseaux situés juste sous l'écorce jusqu'aux différents organes.

Schéma de photosynthèse
Schéma de photosynthèse - ©Sébastien Cecchini / ONF

Les prélèvements foliaires

Pour en savoir plus

L'azote

Bien que constituant fondamental de la matière vivante, l'azote ne forme que 1 à 3% de la matière sèche végétale. Il joue un rôle majeur dans la croissance des plantes.

En cas de manque d'azote, la croissance est réduite, les feuilles sont plus petites et plus rigides, la floraison est plus précoce et des symptômes tel que des décolorations du feuillage sont visibles.

Au contraire, l'excès d'azote entraîne un retard de la floraison et de la maturation des fruits. Il fragilise les structures cellulaires en diminuant l'épaisseur des membranes. Il peut entrainer des déséquilibres nutritifs par rapport à d'autres éléments comme le phosphore, entrainant une diminution de la croissance et de la résistance aux sécheresses en aux attaques de ravageurs.


Carte du niveau moyen de l’alimentation foliaire en azote (en 2017) et tendance (de 1993 à 2017), dans les peuplements du réseau RENECOFOR

Carte du niveau moyen de l’alimentation foliaire en azote (en 2017) et tendance (de 1993 à 2017), dans les peuplements du réseau RENECOFOR
©Sébastien Cecchini / ONF


Les teneurs mesurées

Cette carte permet de voir l'état nutritionnel des arbres du réseau en azote en 2017 et les tendances depuis 1993 :

  • les peuplements de Hêtre et de Chêne se trouvent dans une situation nutritionnelle optimale ;
  • chez les résineux, l'état nutritionnel est moins satisfaisant, avec plus de la moitié des peuplements situés entre le seuil de carence et le seuil critique et 4 peuplements sous le seuil de carence, notamment les pins maritimes de la côte Atlantique.

Une légère tendance à la baisse des teneurs foliaires en azote doit être relevée en précisant que ces valeurs restent globalement satisfaisantes.

Ces observations sont cohérentes avec les dépôts atmosphériques d'azote enregistrés sur le réseau.

Quels sont les seuils indicatifs utilisés dans la carte ?

Les "normes" françaises des teneurs foliaires en nutriments s'appuient sur des résultats expérimentaux obtenus en France et à l'étranger. L'objectif de ces seuils est d'apprécier l'état physiologique et de croissance des arbres.

L'état actuel des connaissances est incomplet et ces seuils sont indicatifs.

  • seuil optimum = teneurs foliaires ne limitant pas la croissance ;
  • seuil critique = diminution d'environ 10% de la croissance, c'est une indication de vigilance ;
  • seuil de carence = symptômes de dysfonctionnement physiologique et forte diminution de croissance.

Le magnésium

Le magnésium a une teneur inférieure à 1% de la matière sèche des végétaux.

Il entre dans la constitution de la chlorophylle ; il joue un rôle d’activateur des enzymes.

Son manque provoque des décolorations et des nécroses foliaires, comme cela a été observé sur sols acides dans les Vosges lors de l’épisode des "pluies acides" dans les années 80.


Carte du niveau moyen de l’alimentation foliaire en magnésium (en 2017) et tendance (de 1993 à 2017), dans les peuplements du réseau RENECOFOR

Carte du niveau moyen de l’alimentation foliaire en magnésium (en 2017) et tendance (de 1993 à 2017), dans les peuplements du réseau RENECOFOR
©Sébastien Cecchini / ONF

Les teneurs mesurées

Cette carte permet de voir l’état nutritionnel des arbres en magnésium en 2017 et les tendances depuis 1993.

Les concentrations foliaires sont inférieures au seuil critique dans plus de la moitié des peuplements d'Epicéa commun et inférieures à la teneur optimale dans quasiment tous les peuplements de Hêtre, plus de 75 % des peuplements de Pin sylvestre et plus de 45 % des peuplements de Sapin pectiné.

Ceci confirme un problème plus général d'alimentation des forêts en magnésium, lié souvent soit à un manque naturel dans le sol, soit à une dégradation lente du sol à cause de son acidification qui continue.

Quels sont les seuils indicatifs utilisés dans la carte ?

Les "normes" françaises des teneurs foliaires en nutriments s'appuient sur des résultats expérimentaux obtenus en France et à l'étranger. L'objectif de ces seuils est d'apprécier l'état physiologique et de croissance des arbres.

L'état actuel des connaissances est incomplet et ces seuils sont indicatifs.

  • seuil optimum = teneurs foliaires ne limitant pas la croissance ;
  • seuil critique = diminution d'environ 10% de la croissance, c'est une indication de vigilance ;
  • seuil de carence = symptômes de dysfonctionnement physiologique et forte diminution de croissance.

Le phosphore

Le phosphore représente 0,1 à 0,5% de la matière sèche des végétaux.

Il joue un rôle essentiel comme constituant  du support génétique. Il est indispensable pour les transferts d’énergie et en tant qu’élément constitutif des membranes cellulaires.


Carte du niveau moyen de l’alimentation foliaire en phosphore (en 2017) et tendance (de 1993 à 2017), dans les peuplements du réseau RENECOFOR

Carte du niveau moyen de l’alimentation foliaire en phosphore (en 2017) et tendance (de 1993 à 2017), dans les peuplements du réseau RENECOFOR
©Sébastien Cecchini / ONF

Pour en savoir plus

Les teneurs mesurées en France

Cette carte permet de voir l’état nutritionnel des arbres en phosphore en 2017 et les tendances depuis 1993.

Depuis 25 ans, une diminution des teneurs foliaires en phosphore est observée dans les chênaies et les hêtraies. Pour le Hêtre, cette diminution est d’autant plus marquée que les sols sont acides.

Actuellement, les teneurs foliaires en phosphore sont proches, des seuils critiques pour les sites de Chêne, de Hêtre et de Sapin pectiné, des seuils de carence pour les placettes de Pin sylvestre et maritime.

Quels sont les seuils indicatifs utilisés dans la carte ?

Les "normes" françaises des teneurs foliaires en nutriments s'appuient sur des résultats expérimentaux obtenus en France et à l'étranger. L'objectif de ces seuils est d'apprécier l'état physiologique et de croissance des arbres.

L'état actuel des connaissances est incomplet et ces seuils sont indicatifs.

  • seuil optimum = teneurs foliaires ne limitant pas la croissance ;
  • seuil critique = diminution d'environ 10% de la croissance, c'est une indication de vigilance ;
  • seuil de carence = symptômes de dysfonctionnement physiologique et forte diminution de croissance.

Les teneurs mesurées en Europe

A l'échelle européenne (469 sites dans 26 pays, de 1996 à 2016), pour plus de la moitié (56 %) des sites feuillus (chêne sessile, chêne pédonculé et hêtre) étudiés, on observe un manque de phosphore foliaire par rapport à l'azote. Ce déséquilibre provient à la fois de concentrations en azote élevées et à de faibles teneurs en phosphore.

Les résineux (pin sylvestre et épicéa commun) sont moins affectés par ce déséquilibre nutritif. 80% des sites d'étude se situent dans la gamme nutritionnelle optimale. Les quelques sites avec des concentrations foliaires limitées en azote, sont principalement en Europe du Nord ou dans les zones de montagne.


Tendances du rapport Azote/Phosphore dans le feuillage, dans les forêts européennes, sur la période 1996-2016

Tendances du rapport Azote/Phosphore dans le feuillage, dans les forêts européennes, sur la période 1996-2016.
©Inken Krüger / ICP Forests

Quatre interprétations possibles de la diminution du phosphore foliaire

A elles seules, les mesures réalisées sur le réseau RENECOFOR ne permettent pas d'interpréter la diminution du phosphore foliaire. Une démarche de modélisation, reposant sur des processus biologiques serait nécessaire pour mieux comprendre l'enchaînement conduisant à une telle évolution. Différentes hypothèses extraites de travaux de recherche sont présentées ici.

  • une première interprétation pourrait être liée à un effet "âge"
    Nous savons que généralement les teneurs foliaires diminuent entre les jeunes plants et les arbres adultes. Il est cependant peu probable que cette explication ait un poids important dans notre suivi qui a porté sur des arbres adultes au début du réseau (à l'exception des pins maritimes, des épicéas commun du Massif Central et des douglas).
  • une autre interprétation plus probable met en jeu à la fois les caractéristiques du cycle du phosphore et les besoins accrus d'éléments nutritifs pour la croissance conduisant finalement à un déficit en phosphore par excès d'azote.
    Le cycle du phosphore dans les écosystèmes forestiers est quasiment fermé, ce qui veut dire que les apports soit atmosphériques, soit par la roche-mère sont extrêmement faibles, que cet élément est recyclé très efficacement par le retour des litières au sol, et que les formes accessibles dans le sol pour les arbres sont très peu abondantes. Ces caractéristiques impliquent que toute exportation excessive liée à une exploitation trop forte présente un risque d'appauvrissement pour l'écosystème. L'exploitation de bois représente la forme la plus directe d'exportation et donc de perte de phosphore pour l'écosystème, mais d'autres formes existent et sont reliées à l'acidification et l'eutrophisation des milieux, entrainant un lessivage.

    En forêt, l'eutrophisation correspond à des apports excessifs d'azote provenant souvent des dépôts atmosphériques. Ces apports contribuent aussi à la stimulation de la croissance (avec l'augmentation de CO2 atmosphérique et la hausse de la température moyenne annuelle) et augmente simultanément les besoins de tous les éléments nutritifs qui peuvent alors devenir limitants selon leur disponibilité dans le sol. La diminution du phosphore foliaire pourrait être due en partie à ce déséquilibre. L'augmentation de la productivité moyenne des arbres forestiers depuis le début du XXe siècle est mise en évidence en France et dans presque toute l'Europe avec toutefois de fortes différences régionales de la tendance en particulier pour le Hêtre. Il est très intéressant de constater pour cette essence que ces différences régionales sont cohérentes avec des dépôts d'azote plus importants dans le Nord-Est que dans le Nord-Ouest mis en évidence avec les mesures de dépôts sur le réseau RENECOFOR.
  • un autre mécanisme : l'acidification des écosystèmes forestiers peut également contribuer à un déficit d'alimentation en phosphore par immobilisation de ce dernier sous des formes indisponibles dans le sol. L'acidification repose pour une large part sur les apports atmosphériques d'azote et de soufre. Les mesures réalisées sur le réseau RENECOFOR montrent une réduction importante des dépôts de soufre mais qui ne se retrouve pas encore de manière très nette au niveau des analyses foliaires. Les dépôts d'azote, par contre, continuent à contribuer à l'acidification des sols et pourraient expliquer une diminution de la disponibilité en phosphore pour les arbres.
  • une autre cause possible de diminution du phosphore foliaire serait une réduction de disponibilité du phosphore dans le sol due à une diminution de l'activité mycorhizienne qui contribue normalement pour une large mesure à l'assimilation racinaire du phosphore. Les changements climatiques et la diminution de teneur en eau dans le sol réduit également le transport par diffusion du phosphore dans le sol, et peut conduire à des difficultés d'alimentation des arbres.

Nous savons par ailleurs que les changements climatiques induisent un allongement de la saison de végétation notamment en avançant les dates de débourrement des feuilles. Il est possible que les variations saisonnières des teneurs foliaires en nutriments soient affectées par les changements climatiques. Pour détecter cet éventuel effet, il faudrait réaliser des prélèvements à d'autres dates de part et d'autre des dates de prélèvement actuelles.

Quelles implications pour le gestionnaire ?

La diminution des teneurs foliaires en phosphore est suffisamment générale en France pour engager des mesures de préservation des sols, non seulement sur les sols les plus sensibles à la perte d'éléments minéraux nutritifs, mais également sur l'ensemble des sols forestier qui sont, rappelons-le, globalement pauvres par rapport aux sols agricoles.

La mise en évidence de cette diminution apporte un nouvel élément chiffré montrant la nécessité de prendre des mesures de gestion pour conserver une fertilité des sols compatible avec une productivité forestière soutenue pour les générations à venir.

Deux domaines d'action sont incontournables : maîtriser les impacts de l'exploitation sur la ressource minérale du sol, et diminuer fortement les dépôts atmosphériques d'azote.

Ce dernier point relève avant tout des réglementations de réduction des émissions d'azote. Par contre, le forestier dispose de moyens pour limiter les exportations d'éléments minéraux des écosystèmes forestiers. Ces écosystèmes fonctionnent d'un point de vue nutritif en flux tendu (les stocks nutritifs sont très faibles par rapport aux besoins des arbres) et un recyclage efficace des éléments nutritifs (sol, bois, feuilles, litière, sol...) doit être préservé.

Dans l'optique du développement du bois énergie, les mesures suivantes contribuent à la préservation de la fertilité des sols :

  • avant toute exploitation pour le bois énergie, évaluer les potentialités du sol ;
  • raisonner la fréquence d'exploitation selon l'essence, l'âge, les types de peuplements et la sensibilité des sols à un appauvrissement minéral ;
  • sur feuillus, exploiter de préférence hors période feuillée, mais dans ce cas la question du tassement des sols doit être prise en considération ;
  • laisser sécher sur place au moins 3 mois les branchages avant broyage pour ne pas exporter les feuilles et les brindilles (ceci conduit par la même occasion à une meilleure qualité des plaquettes forestières) ;
  • réaliser un suivi rigoureux des exploitations (dates et conditions de mise en œuvre) dans les archives de la forêt. Ces éléments seront indispensables pour mieux comprendre des baisses possibles de productivités.

Le soufre

Le soufre entre dans la composition élémentaire des plantes pour des valeurs comprises entre 0,1 et 1% de la matière sèche.

Carte du niveau moyen de l’alimentation foliaire en soufre (en 2017) et tendance (de 1993 à 2017), dans les peuplements du réseau RENECOFOR

Carte du niveau moyen de l’alimentation foliaire en soufre (en 2017) et tendance (de 1993 à 2017), dans les peuplements du réseau RENECOFOR
©Sébastien Cecchini / ONF

Pour en savoir plus

Les teneurs mesurées

Cette carte permet de voir l’état nutritionnel des arbres en soufre en 2017 et les tendances depuis 1993.

Plus de la moitié des peuplements ont des teneurs comprises entre le seuil critique et le seuil optimal. Les chênes possèdent une alimentation foliaire en soufre correcte. Ce sont surtout des peuplements résineux qui ont des teneurs comprises entre le seuil critique et le seuil de carence. Sur les 9 peuplements avec des concentrations foliaires inférieures au seuil de carence, 4 sont des épicéas communs.

Quels sont les seuils indicatifs utilisés dans la carte ?

Les "normes" françaises des teneurs foliaires en nutriments s'appuient sur des résultats expérimentaux obtenus en France et à l'étranger. L'objectif de ces seuils est d'apprécier l'état physiologique et de croissance des arbres.

L'état actuel des connaissances est incomplet et ces seuils sont indicatifs.

  • seuil optimum = teneurs foliaires ne limitant pas la croissance ;
  • seuil critique = diminution d'environ 10% de la croissance, c'est une indication de vigilance ;
  • seuil de carence = symptômes de dysfonctionnement physiologique et forte diminution de croissance.