Innover pour préserver la forêt et mieux répondre aux besoins de la société

L’ONF se mobilise aux côtés de ses partenaires scientifiques pour rechercher les moyens d’adapter la forêt aux bouleversements climatiques du XXIe siècle.

Adapter et préserver les forêts face au changement climatique

©Giada Connestari / ONF

Saviez-vous qu’à l’ONF, près de 70 chercheurs, réunis au sein d’un département Recherche, développement et innovation (RDI), sont mobilisés chaque jour aux côtés de leurs collègues gestionnaires, pour préserver la vitalité des forêts publiques françaises et assurer leur pérennité ? Menés en partenariat avec les organismes de recherche et autres établissements (Inra, Irstea, IGN, Cnes, universités, Conservatoire du littoral…), les projets de recherche concernent des domaines aussi essentiels que variés, telles que les techniques forestières, l’adaptation des forêts au changement climatique, la protection des sols, etc.

Soucieux de partager ses observations et ses réflexions pour mieux anticiper l’avenir, l’ONF dispose d’un Comité scientifique composé de personnalités de la sphère de la recherche et du développement forestier. Ils apportent des analyses et messages indépendants, critiques et ouverts sur l’état des débats scientifiques actuels.

Le lundi 8 octobre 2018, le groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique (GIEC) a rendu public un rapport qui alerte les Etats des conséquences d’un réchauffement global de plus de 1,5°C : vagues de chaleur, déstabilisation des calottes polaires, extinctions d’espèces… Limiter l’impact de la hausse des températures passe par une réduction de 45% des émissions de CO2 d’ici à 2030 et l’atteinte de la « neutralité carbone » en 2050. Pour réduire la hausse de la concentration de carbone dans l’atmosphère, la forêt s’avère être un allié de taille.

Avec 14 milliards de tonnes de CO2 absorbés chaque année dans le monde, la forêt constitue le deuxième plus grand puits de carbone de la planète, derrière les océans. En France, les forêts contribuent à réduire nos émissions de gaz carbonique à hauteur de 37 millions de tonnes d’équivalent CO2 (soit 9% de nos émissions de gaz à effet de serre), sans compter le carbone stocké dans les produits bois et les émissions de CO2 économisées par l’utilisation du bois.

14 milliards
de tonnes de CO2 absorbées par la forêt dans le monde (plantes, feuilles, troncs, racines, sol...).
37 millions
de tonnes de CO2 séquestrées chaque année en France (par les arbres et les sols)

Face au changement climatique, les forêts françaises d’aujourd’hui ressembleront-t-elles aux forêts de demain ? Des évolutions sont-elles déjà constatées ? Comment les forestiers travaillent-ils à adapter les forêts aux différents scénarios d’évolution du climat ? Toutes ces questions se situent au cœur du programme de recherche du département RDI de l’ONF. Tour d'horizon de quelques projets en cours.

Le forestier contrôle les plantations effectuées en forêt domaniale de Verdun (Meuse) dans le cadre du projet Giono - ©Nathalie Petrel / ONF

Accompagner l’exode climatique des arbres avec le projet GIONO

Les forestiers le savent : le changement climatique bousculera les conditions de vie des arbres. Pour limiter l’impact de ce phénomène, l’ONF s’est lancé dans une expérience de migration assistée baptisée projet Giono. Présentée à Paris en 2016 lors de la COP 21, cette démarche entend lutter contre la disparition des espèces menacées par le réchauffement climatique, en sélectionnant notamment des chênes et hêtres du sud de la France, exposés en première ligne au changement climatique, mais aussi adaptés à des conditions plus chaudes et plus sèches, pour les replanter plus au nord en forêt de Verdun (Meuse). L’analyse du comportement des 700 arbres plantés issus de graines récoltées permettront in fine de mieux déployer la migration assistée de peuplements méridionaux.

Afin d’évoluer vers une forêt mieux adaptée aux conditions climatiques futures, les plantations sont dimensionnées pour assurer une régénération croisée avec les peuplements locaux. Les hêtres par exemple se trouvent dans de nombreux territoires. Une augmentation de la température de deux degrés mènerait à une forte réduction de leur présence en 2030.

Brigitte Musch, responsable du Conservatoire génétique des arbres forestiers à l’ONF.

©Imagéo / ONF
Chênes sessiles - ©Philippe Lacroix / ONF

Le chêne sessile à l’épreuve du climat en Europe

Etudier la résilience du chêne sessile face aux variations climatiques en Europe : c’est l’un des programmes associant chercheurs de l’Inra et de l’ONF. Au début des années 90, les deux équipes installent des plantations expérimentales qui participent à un réseau étendu sur plusieurs pays d’Europe, de l’Angleterre à la Scandinavie en passant par la Turquie. Des populations issues de 116 origines géographiques différentes sont alors plantées dans 23 forêts européennes, parmi lesquelles quatre forêts domaniales gérées par l’ONF : la Petite-Charnie (Sarthe), Vierzon (Cher), Sillégny (Moselle) et Vincence (Nièvre).

Publiés en 2017 dans la revue Global Change Biology, les premiers résultats de cette expérimentation à large échelle démontrent que le chêne sessile serait plutôt résilient aux modifications de son climat. En revanche, les réponses diffèrent légèrement selon l’origine géographique de l’arbre. Les populations qui poussent dans des climats plus secs sont déjà dans des conditions non optimales pour leur croissance. Les conséquences du changement climatique sur ces populations dépendront donc grandement de l’évolution réelle des températures.

Grâce aux résultats obtenus, nous pouvons bâtir un modèle qui permet de se projeter dans un climat futur. On utilise des scénarios, plus ou moins drastiques en termes de changement climatique, afin d’étudier les différentes performances des espèces et les façons dont on pourrait envisager une éventuelle migration assistée du chêne sessile en Europe.

Myriam Legay, Directrice du centre de Nancy à AgroParisTech.

©Giada Connestari / ONF

Potenchêne : la reproduction des chênes face aux évolutions du climat

Quel est l’impact du changement climatique sur la reproduction des arbres ? Depuis 2014, le projet Potenchêne vise à mieux comprendre ce qui fait varier l’abondance de la fructification du chêne (la glandée) et l’impact de ces variations sur les populations d’animaux qui consomment les glands (ongulés et insectes) et sur le renouvellement de la forêt. Les forestiers ont installé un système de suivi des glandées en tendant des filets sous près de 900 chênes, répartis sur 30 sites en France, et en analysant des données d’archives. Les premiers résultats révèlent que la production fruitière s’est accrue, en moyenne, au cours des quinze dernières années en France, parallèlement à l’augmentation de la température printanière. La pollinisation des fleurs du chêne dépendrait également en partie du caractère sec ou humide du climat.

Les premiers résultats révèlent que la production fruitière s’est accrue, en moyenne, au cours des 15 dernières années en France, parallèlement à l’augmentation de la température printanière.

Grâce au projet Potenchêne, les équipes ont mis en lumière le lien étroit entre l’intensité des glandées et l’augmentation des populations de sangliers. Dans un contexte de changement climatique, ces résultats suggèrent que les glandées pourraient devenir beaucoup plus régulières, ce qui pourrait favoriser la croissance des populations d’animaux consommateurs de glands et accroître les problèmes qui y sont associées (parasitisme des fruits, problème de régénération des forêts, maladie de Lyme…).

Pose d'enclos-exclos en forêt domaniale de Saint-Quirin (57)

Des réflexions pour rétablir l’équilibre forêt-ongulés

Fait peu connu du grand public : l’augmentation des populations d’ongulés (cervidés et sangliers) représente une menace pour le renouvellement des forêts. Plus de 50% des surfaces de forêts domaniales se trouvent en situation de déséquilibre. Le département RDI de l’ONF a amorcé une série de dispositifs visant à étudier les interactions forêt-ongulés-climat. « Il ne s’agit plus seulement d’accumuler des connaissances, mais de permettre aux gestionnaires forestiers de disposer d’outils plus performants pour agir », explique Vincent Boulanger, responsable du pôle recherche, développement et innovation de Fontainebleau.

Parmi les leviers d’action, développés en partenariat avec l’Office français de la biodiversité (OFB) : le développement d’«enclos », dispositifs permettant aux forestiers de protéger par une clôture des petites zones de forêt de l’abroutissement par les grands animaux. « Nous comparons ensuite la capacité de régénération des peuplements situés dans ces "enclos" à celle des peuplements situés dans des "exclos", c’est-à-dire les milieux ouverts où circule librement la faune sauvage », poursuit le responsable RDI.

Les forêts de montagne, sous la pression conjuguée des grands herbivores forestiers et des changements climatiques

Les forêts mélangées de montagne sont soumises à la fois à la pression des grands herbivores, dont les populations sont en forte augmentation, et au changement climatique. Ces deux phénomènes agissent sur le renouvellement de la forêt et sur l’équilibre entre sapin, hêtre et épicéa. Ces espèces répondent en effet différemment à l’abroutissement, qui favorise l’épicéa au détriment du sapin. Les effets conjugués de l’herbivorie et du changement climatique pourraient ainsi conduire à une quasi-disparition du sapin dans des simulations à 100 ans. Ces travaux ont démontré avec la rigueur de l’approche scientifique des constats qui reposaient jusqu’ici uniquement sur l’expertise des forestiers. Ils établissent aussi clairement qu’on ne peut étudier l’influence du changement climatique sur les forêts mélangées de montagne sans prendre en compte la pression exercée par les grands animaux.

Aménager et gérer les forêts à l'aide de technologies de pointe

Ressource écologique et renouvelable, le bois est une alternative à l’utilisation de nombreux matériaux consommateurs d’énergies fossiles. Mais pour mieux mobiliser la ressource en bois, conformément aux objectifs fixés par l’Etat dans la loi de transition énergétique, encore faut-il la connaître précisément et trouver les bons moyens d’accès. Telles sont les questions qui ont guidé les équipes RDI dans la réalisation de deux projets phares.

Le LiDAR : scanner la forêt en 3D

Cartographier les sols et la végétation forestière en 3D : c’est possible grâce à la mobilisation des forestiers, des archéologues et des chercheurs. La technologie LiDAR (Light Detection And Ranging) permet d’obtenir des données extrêmement précises sur le modelé du sol sous les arbres, ainsi que sur le peuplement forestier, telles que la hauteur et le volume des arbres. Le LiDAR permet d'obtenir une image en trois dimensions afin de réaliser une cartographie très précise de la végétation et des reliefs, en fournissant notamment une image du sol identique à celle que l’on aurait à l’œil nu si tous les arbres étaient retirés.

En sylviculture, le LiDAR est utilisé pour quantifier la ressource en bois et ainsi optimiser la gestion du patrimoine forestier. Une véritable révolution, notamment pour les zones de montagne, difficiles d’accès et coûteuses à décrire.

 

La première carte micro-topographique a été réalisée en forêt de Haye (Meurthe-et-Moselle) en 2007, en partenariat avec la Direction régionale des affaires culturelles de Lorraine et l’Inra, rendant possible une connaissance approfondie de cette forêt et du son riche patrimoine archéologique, révélateur de nombreuses occupations agricoles passées. Depuis, le LiDAR a été testé dans des forêts variées, notamment en forêt d’Orléans (Loiret), en Picardie ou encore dans les Alpes en Maurienne. Il a permis la réalisation d’inventaires et de description des parcelles forestières.

Transport de grumes en zone montagneuse (image de synthèse) - ©Flying Whales

Flying Whales : les « baleines volantes », transports du futur

Transporter le bois par dirigeable depuis les zones de montagne difficiles d’accès : c’est le pari sur l’avenir fait par l’ONF, qui pourrait bientôt s’affranchir du transport routier pour acheminer les grumes vers les scieries locales. Développé par la start-up Flying Whales, le premier prototype de « baleine volante » devrait prochainement voir le jour.

Avec ce projet, nous explorons des pistes technologiques innovantes pour la mobilisation des bois dans les forêts de montagne.

François-Xavier Nicot, directeur de l'agence territoriale Savoie à l'ONF

L’engin volant, un gros porteur de 140 mètres de long, est conçu pour supporter une charge de près de 60 tonnes. Bénéfique pour l’environnement, ce transport du futur pourrait permettre l’évacuation de plusieurs millions de mètres cubes de bois supplémentaires, qui restent sur pied en montagne faute d’accès.

Baptisé LCA60T (Large Capacity Airship 60 Tons), ce projet résulte d’un partenariat engagé depuis 2012 entre Flying Whales, l'Onera (Office national d'études et de recherches aérospatiales) et un consortium d'industriels français de l'aéronautique, et l’ONF.

©Giada Connestari / ONF

Le drone, un allié stratégique pour la gestion forestière

Observer la forêt de près dans son menu détail, c'est l'une des promesses des drones. Déjà bien implantés dans le domaine militaire et civil, ces engins volants sont aussi utilisés par les forestiers de l’ONF. Observation des peuplements, délimitation des parcelles, suivi de l'état sanitaire des arbres... Les drones peuvent fournir des informations précieuses dans certaines situations forestières. Dans des situations d’urgence, notamment face à des phénomènes sanitaires ou climatiques, la constitution d’une base de données photographique permet notamment aux forestiers d’évaluer les dégâts, de prioriser les interventions et d'organiser une réponse prompte et efficace.

Le drone est une technologie nouvelle à l’ONF. Aujourd’hui, nous explorons les diverses applications du drone sur les plans de gestion et les travaux forestiers. Demain, nous pourrons utiliser l’imagerie aérienne lors des situations d’urgence sanitaire, de tempêtes ou de feux de forêts.

Laurent Pioline, premier forestier télépilote à l’ONF

©Giada Connestari / ONF

Protéger les sols forestiers

Pour répondre aux enjeux de la transition énergétique et de la stratégie nationale bas carbone, la récolte de bois en France est amenée à augmenter, dans le respect de la gestion durable de la ressource et de l’accroissement naturel des forêts. Différents travaux de recherche menés par l’ONF visent à mieux connaître et maîtriser les impacts d’une récolte accrue de bois sur les sols forestiers, éléments essentiels dans le cycle de croissance des arbres. Mais aussi, à étudier et à mesurer l’évolution des écosystèmes forestiers sur le long terme. Protéger l’intégrité physique et biologique des sols, c’est préserver la croissance des arbres et la vitalité des forêts. En effet, la porosité des sols forestiers, sensible au tassement, permet la circulation de l’eau et de l’air sous terre, indispensable au développement des racines. Enfin, protéger les sols forestiers, c’est aussi protéger le considérable réservoir naturel de carbone qu’ils constituent.

Evaluer et comprendre l'impact de l'exploitation sur les sols

Dans un contexte de récolte accrue de biomasse, il est crucial d’évaluer comment les sols forestiers réagissent à l’export des rémanents (troncs de faibles diamètres, branches, feuillages), riches en éléments minéraux.

  • Réseau expérimental national MOS : fruit d’un partenariat entre l’ONF et l’Inra, le réseau expérimental MOS (matière organique des sols) est un dispositif de suivi des effets des prélèvements de biomasse sur les sols et les peuplements forestiers. Des expérimentations sont menées sur des placettes suivies dans le temps pour mesurer les effets à long terme de différentes intensités de récoltes de menus bois, riches en éléments minéraux.
  • Projet INSENSE : piloté par l’ONF et l’Inra et financé avec le soutien de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), le projet INSENSE (Indicateurs de SENSibilité des Ecosystèmes forestiers) a permis de produire des indicateurs de sensibilité des sols à l’export des rémanents - indicateurs à la fois fiables et simples d’utilisation pour les gestionnaires forestiers

Dans un contexte de récolte accrue de biomasse, le projet INSENSE a permis de produire des indicateurs de sensibilité des sols à la fois fiables et simples d’utilisation pour les gestionnaires forestiers.

Noémie Pousse, pédologue et chargée de R&D à l'ONF

PRATIC’SOLS : un guide pour l’amélioration logistique des chantiers

Le guide PRATIC’SOLS, publié par l’ONF et la Fédération Nationale Entrepreneurs Des Territoires (FNEDT) met en lumière les innovations technologiques capables d’alléger la portance des machines ainsi que les améliorations logistiques et temporelles des chantiers. Adressé aux professionnels forestiers (propriétaires et gestionnaires, entrepreneurs de travaux forestiers, donneurs d’ordre), ce guide met en avant 23 recommandations de protection des sols et une méthodologie décisionnelle.

©Giada Connestari / ONF

Etudier le fonctionnement des écosystèmes forestiers

Les évolutions de la biodiversité, les réactions des forêts aux évolutions du climat, et à la pollution atmosphérique… Depuis 1992, l'ONF s’investit dans le suivi à long terme des écosystèmes forestiers avec le réseau RENECOFOR (Réseau National de suivi à long terme des ECOsystèmes FORestiers) dans 102 sites d’observation répartis partout en France.

Ce réseau a pour mission de détecter d'éventuels changements à long terme dans le fonctionnement d'une grande variété d'écosystèmes forestiers et de mieux comprendre les raisons de ces changements. Les travaux du réseau RENECOFOR ont récemment mis en évidence une augmentation du contenu en carbone des sols forestiers, déjà en moyenne très supérieur à celui des sols agricoles.

Les quatre composantes de l’écosystème forestier, et leur évolution sous l’effet du changement climatique et de la pollution atmosphérique, sont suivies à la loupe par le réseau.

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