Investir dans la récolte de graines, c’est préparer les forêts de demain et protéger notre avenir

Face au dépérissement de leurs forêts depuis une quinzaine d'années, les Communes forestières de Vaucluse se sont mobilisées aux côtés des forestiers de l'ONF.
Entretien avec Jean-Pierre Ranchon, président des communes forestières de Vaucluse

Les Communes forestières de Vaucluse rassemblent 51 communes adhérentes. Quel est l’état de santé des forêts sur votre territoire ?

La situation est préoccupante. Le dépérissement des forêts a démarré il y a une quinzaine d’années, et s’accélère depuis. Sur le massif du Ventoux, par exemple, les sapins dépérissent en altitude. Ici et ailleurs, d’autres essences souffrent, comme les chênes pubescents, les pins à crochets et les hêtres qui, à de nombreux endroits, résistent difficilement à cause du manque d’humidité et des températures plus élevées. Cette dégradation, souvent diffuse sur notre territoire, n’est pas toujours bien visible pour le grand public, mais elle est bien réelle et affecte presque toutes les espèces d’arbres, à l’exception notable du cèdre qui semble plus résilient.

Quelles solutions mettez-vous en place ?

L'adaptation des forêts au changement climatique est un enjeu complexe qui demande des moyens humains, techniques et financiers importants. Nous avons la chance, sur notre territoire, d'avoir des altitudes variées qui permettent à certaines espèces, comme le pin d'Alep, de s'implanter là où il faisait trop froid auparavant. Mais dans les zones plus basses, comme le Sud Luberon où le chêne dépérit, la production de bois devient incertaine. C’est pourquoi la collaboration entre forestiers et chercheurs est cruciale, comme la mobilisation des élus. Dans la forêt communale de Bédoin, des expérimentations sont en cours avec le cèdre, que l’on essaie d’introduire à plus haute altitude, et à bonne exposition, pour anticiper l'évolution du climat. Préparer les forêts de demain nécessite de sélectionner les bonnes essences et les arbres les plus vigoureux qui sauront faire preuve de résistance.

Sélectionner les bonnes essences, les bons arbres… et donc les bonnes graines ?

C’est exactement cela. La récolte de graines est un élément clé pour préserver l’avenir des forêts. En récoltant des graines de qualité sur des arbres robustes, nous pouvons espérer des forêts plus résilientes. Dans le Vaucluse, huit forêts communales ont des peuplements sélectionnés, et donc exceptionnels, abritant des essences de pin d’Alep et de cèdre. Savoir que ces peuplements vont pouvoir servir l’enjeu de renouvellement des forêts, chez nous mais aussi partout en France là où les conditions climatiques l’exigeront, est très important. On sauve ainsi un peu de forêt. En France, qui aurait cru, il y a quelques années, que des graines de hêtres allaient être prélevées dans la Sainte Baume pour être introduites à Verdun et dans le quart Nord-Est ? Le changement climatique menace les forêts bien plus et bien plus vite que ce qu’on aurait pu envisager, et modifie peu à peu nos paysages forestiers. Il faut en avoir conscience et agir.

Un effort important de pédagogie reste à faire en la matière ?

Il est crucial que les élus et le grand public comprennent les enjeux de renouvellement des forêts, et les actions qui sont développées pour permettre aux générations futures de continuer à bénéficier des multiples bienfaits de ces espaces. Il faut expliquer que les forestiers de l’ONF accompagnent la régénération naturelle partout où c’est possible, et pourquoi la récolte de graines aussi est importante, en rappelant que tout cela se fait de façon planifiée, réglementée et contrôlée. Les forêts sont essentielles à nos vies, et le bois est un matériau d’avenir indispensable qu’il faut continuer à pouvoir produire, dans le respect des écosystèmes. C’est un enjeu national. Investir dans la récolte de graines, c’est préparer les forêts de demain et protéger notre avenir.