Ressources génétiques forestières, l’avenir de la forêt française
Une mission d’intérêt général Ressources génétiques forestières
Les nombreux dépérissements des peuplements forestiers influent négativement sur les fructifications des arbres et donc sur leur régénération naturelle. Bien que cette dernière soit au cœur de la stratégie de l’ONF, il faut parfois recourir à des plantations. Les forestiers portent donc une attention toute particulière au matériel forestier de reproduction ; en d’autres termes, aux graines des arbres qui représentent l’avenir de la forêt française. Soutenu par l’État depuis 2012, l’ONF s’est vu confier une mission d’intérêt général Ressources génétiques forestières, attestant de l’utilité publique d’étudier ces ressources afin d’adapter au mieux les forêts au changement climatique. L'ONF intervient à tous les niveaux de la chaîne de la filière Graines et plants :
- la recherche sur les ressources génétiques forestières
- les vergers à graines
- la Sécherie de la Joux
- les pépinières
- les plantations
La recherche pour aider à bien choisir les essences forestières
Planter, d'accord, mais comment savoir si une nouvelle essence forestière choisie a des chances de s’épanouir dans son nouveau milieu ? Cela va dépendre de plusieurs critères : le contexte géographique, la composition et la nature du sol forestier, la topologie, le climat d’aujourd’hui, sans oublier bien sûr les évolutions climatiques de demain (fondées sur les différents scénarios, de « pessimiste » à « optimiste », du GIEC).
Pour accompagner leurs décisions, les forestiers peuvent compter sur les équipes du département Recherche, développement et innovation de l’ONF. En partenariat avec plusieurs acteurs scientifiques, réunis au sein du Réseau Aforce, ces derniers ont développé plusieurs outils (« Climessences », « Zoom 50 »…) permettant d’intégrer et de croiser différentes informations à l’échelle d’une forêt, et de faire émerger des propositions d’essences forestières les plus adaptées au contexte local. « Ce travail minutieux, nécessaire pour limiter les risques d’échecs, doit aussi prendre en compte l’aspect paysager des espèces plantées, afin de créer une harmonie avec l’environnement de la zone de plantation », précise Erwin Ulrich, pilote de la stratégie nationale d’adaptation des forêts au changement climatique à l'ONF.
Des vergers à graines pour préparer l'avenir des forêts
L'ONF gère près d’une vingtaine de vergers à graines productifs pour le compte de l’État. Qu’ont-ils de si particulier ? Premièrement, ils regroupent une sélection d’arbres issus de forêts diverses, soit autant de patrimoines génétiques qui se « croisent ». Ensuite, ils favorisent la fécondation de ces arbres tous en même temps, ce qui permet un maximum de croisements. Enfin, ces arbres produisent beaucoup plus vite qu’en forêt, grâce à la technique du « greffage » (voir encadré ci-dessous). « Regrouper des arbres d’une même essence au sein de ces vergers permet aux arbres de se reproduire entre eux et de fournir une graine la plus diversifiée génétiquement, résiliente et de meilleure qualité », résume Brigitte Musch, coordinatrice nationale des ressources Génétiques
Depuis 2021, une nouvelle impulsion a été donnée grâce à la signature de conventions entre l’État et l’ONF dans le cadre de France Relance et des Assises de la forêt et du bois. Une douzaine de nouveaux vergers à graines (de l’État) ont ainsi été créés et cinq sont en cours de création pour répondre aux enjeux de reboisement forestier, sur des espèces présentant une bonne résistance écologique comme le chêne pubescent, le douglas californien, le pin maritime, le chêne rouge et le cormier. L'ONF a également été missionné par l'État pour la mise en place d'un conservatoire des ressources génétiques forestières méridionales.
Cette mission permettra l’inventaire et la caractérisation d’essences méridionales qui ne bénéficient pas encore d’un programme de conservation spécifique, bien que déjà connues pour leur résilience. Parmi elles, le pin pignon. « Ces essences forestières méridionales sont aujourd’hui menacées de disparition localement en raison des sécheresses successives. Avec ce projet, l'ONF pourra les identifier afin d'assurer leur sauvegarde », précise Brigitte Musch, coordonnatrice nationale Ressources génétiques forestières à l’ONF.
L’ONF devra aussi surveiller l’état sanitaire et la régénération de certains peuplements (chêne sessile, sapin pectiné, pin sylvestre, hêtre…), directement dans leur habitat naturel (en forêt donc), avec pour finalité leur conservation. Cette stratégie, déjà mise en place par l’établissement, est renforcée par la signature de ces conventions. Le comité scientifique de l’ONF, réuni au cours de l’année 2023, a placé lui aussi la question des ressources génétiques forestières au cœur de ses discussions.
Nous allons vers de grands changements climatiques qui touchent déjà les forêts françaises. Il faut donc rester dans l’action et tout faire pour avoir une forêt plus résiliente. L’ONF y contribue largement et notamment en se positionnant à tous les niveaux de la chaîne : depuis la recherche sur les ressources génétiques forestières, en passant par les pépinières, jusqu’aux plantations.
Le greffage, comment ça marche ?
L’idée est de combiner les qualités d’un végétal avec un autre, pour obtenir un arbre plus résistant. La technique consiste à mettre un greffon de la plante que l’on veut reproduire, sur un porte-greffe.
« Cela permet de multiplier un arbre intéressant, de conserver sa génétique en plusieurs exemplaires. C’est comme faire la photocopie d’un arbre, à l’infini ! On a des greffons et des porte-greffes de la même espèce. Les greffons sont sélectionnés dans la nature et cheminent ensuite à Peyrat, où ils sont mis en place sur les porte-greffes » explique Sébastien Guérinet, responsable de la pépinière expérimentale de Peyrat-le-Château.
Les porte-greffes viennent de plants élevés dans la pépinière. Après la greffe, il faut compter une saison de végétation avant la plantation. Selon l’espèce, deux à quatre ans sont nécessaires pour produire des plants greffés. Les techniciens présents travaillent sur une quarantaine d’espèces : cormier, pin sylvestre, cyprès, mélèze… Pas loin de 15 000 greffes par an sont effectuées.
À la suite de ces opérations, les graines récoltées seront ensuite testées dans différentes forêts, selon un procédé très encadré. Tout ce processus ne se substitue pas au travail de la nature, comme le précise bien Brigitte Musch : « Le paradigme est simple : il faut avoir des espèces adaptées au climat d’aujourd’hui et au climat du futur. Ce que l’on fait, c’est simplement imiter la nature et hâter son œuvre ! ».
Un réseau de peuplements classés
Lorsqu’il y a reboisement dans les forêts publiques, 75 % des plants sont issus des vergers à graines, et pour les 25 % restants, les plants sont issus de graines ramassées dans des peuplements sélectionnés, appelés aussi peuplements classés. On compte près de 1 400 peuplements de ce type, dont 500 environ en forêt communale. Ces peuplements (feuillus et résineux confondus) couvrent à peu près 62 000 hectares et se situent pour leur plus grande majorité en forêt publique. « Leur part est en augmentation en raison des besoins de diversification des essences », explique Philippe Proudhon, pilote national Graines et Plants à l'ONF. Le lieu où sont récoltées ces graines n’est pas choisi au hasard. Il est primordial que les peuplements sélectionnés ne comportent pas d’essences susceptibles de s’hybrider entre elles.
Autrement dit, les peuplements doivent être purs, d’une qualité supérieure et avoir la capacité de fructifier. Il existe aujourd’hui 67 espèces réglementées, dont 23 espèces avec des peuplements classés depuis leur création dans les années 1980. La reconnaissance de ce classement fait l’objet d’une procédure et exigence de traçabilité rigoureuse gérée par INRAe pour le compte du ministère chargé de la forêt.
Tous les ans, INRAe, responsable de la validation et de la gestion de la liste des peuplements classés, sollicite l’ONF afin d’effectuer des propositions de nouveaux peuplements issus des forêts publiques, dans les essences et les provenances les plus demandées et les plus en tension. Sur le terrain, les équipes ONF locales identifient alors, avec la validation préalable du maire dans les Communes forestières, des peuplements susceptibles d’être classés en fonction de plusieurs critères :
- leur état sanitaire actuel
- leur croissance (sur la base des connaissances acquises)
- leurs fructifications passées
La reconnaissance est ensuite effectuée par un Comité technique permanent de la sélection (CTPS) qui se tient deux fois par an. Ce comité regroupe des représentants du ministère en charge des forêts, d’INRAe, de l’ONF, des représentants de la filière, et des spécialistes de chaque essence… Les propositions sont examinées avant leur inscription, le cas échéant, dans la liste officielle des peuplements classés, faisant également l’objet d’un arrêté ministériel.
« La base de données de ces peuplements sélectionnés est vivante et chaque année, des modifications sont validées. Il s’agit soit de radiation ou de modification de surfaces de peuplements ne remplissant plus les conditions pour les récoltes de graines, soit d’ajout de peuplements nouveaux », indique Philippe Proudhon, qui rappelle la nécessité d’aller vers des peuplements classés diversifiés et adaptés aux besoins actuels et futurs.
La Sécherie de la Joux, berceau des graines d'avenir
Une fois les graines récoltées, leur vie se poursuit dans le Jura. Direction la Sécherie de la Joux, l'un des deux principaux fournisseurs français de semences forestières, qui intervient pour traiter les fruits et les cônes, en extraire les graines et les conserver dans des conditions optimales avant de les acheminer vers des pépinières de production. En 2023, l’État a continué d’apporter son soutien à cet acteur clé de la filière en finançant un plan de modernisation de la Sécherie.
Des pépinières expérimentales et de production
L’ONF dispose de trois pépinières expérimentales, investies notamment dans la conservation du matériel forestier de reproduction :
- Guéméné-Penfao (Loire Atlantique)
- Peyrat-le-Château (Haute- Vienne)
- Cadarache (Bouches-du-Rhône)
ainsi que trois pépinières de production :
- les Essarts en Seine-Maritime, qui produit en particulier des chênes et des essences précieuses comme l’alisier torminal et le merisier
- Chautagne en Savoie (peuplier, mélèze, érable) et de
- Formoranche dans la Drôme (pin de Salzmann, pin taeda…).
Une fois « élevés » par les pépiniéristes, les plants feront quelques années plus tard leur grand retour en forêt, suivis et accompagnés de près par les forestiers pour surveiller leur adaptation et assurer au mieux leur bonne croissance.
Des plantations misant sur la diversification des essences
Bien que la régénération naturelle soit au cœur de la stratégie mise en place dans les forêts publiques, il est de plus en plus nécessaire de recourir à des plantations en misant sur la diversification des essences pour garantir une forêt résiliente. Dans le cadre de France Relance, 15 146 hectares de forêt ont été renouvelés (10 467 hectares en forêt domaniale et 4 679 hectares en forêt communale).