Réparer et préparer les chênaies publiques de l'Allier face aux évolutions climatiques

Depuis 2018, les forêts domaniales de l’Allier subissent les assauts répétés de sécheresses exceptionnelles. Face à ce défi, l'ONF a initié en 2022 un ambitieux programme de renaissance. Le 20 mars, une étape cruciale a été franchie avec la plantation du 300 000e plant ! L’occasion de faire un point sur les choix pour reconstruire les chênaies publiques de l’Allier face au changement climatique... car la plantation n’est pas l’unique voie pour rendre la forêt plus résiliente.

1 187 hectares de forêt doivent être reconstruits à la suite des dépérissements dans les forêts domaniales de l’Allier. Pour ce faire l’ONF suit 3 grandes orientations

  1. La régénération naturelle dès lors que les semenciers présents sont suffisamment nombreux (c’est-à-dire au moins 60 arbres à l’hectare)
  2. L’enrichissement des régénérations naturelles avec des plants de chênes venus plus du Sud et d’espèces susceptibles de résister aux évolutions climatiques
  3. En plantant de nouveaux arbres dans des îlots d’avenir : l’objectif est de balayer la palette d’essences la plus large et diversifiée possible, afin de disposer le moment venu, de solutions déjà testées de manière marginale

La régénération naturelle

Régénération naturelle de chêne - parcelle en forêt de Tronçais (03) - ©CONNESTARI Giada

Renouveler les parcelles trop dépérissantes avant qu’il ne soit trop tard : la méthode de  la régénération naturelle, reste une priorité pour l’ONF. Issue des semis produits par les arbres murs, cette méthode est l’occasion d’un brassage génétique indispensable à la résilience des peuplements. Les dernières études sur la génétique du chêne, réalisées par Antoine Kremer (INRAE) sont encourageantes : dès la génération suivante, le chêne est capable d’évolution génétique pour s’adapter aux conditions de sol et de climat. Il est toutefois nécessaire d'accentuer la diversification des peuplements : la diversité étant source de résilience. 

 

Renouvellement naturel des parcelles dépérissantes

Le déclenchement anticipé de la régénération naturelle est déterminé à partir d’un diagnostic qui identifie le nombre de semenciers restants à l’hectare.

  1. Nombre d’arbres restants < 60/ha
    = régénération accélérée* (992 ha dans l’Allier)
  2. Parcelle avec enjeu paysager
    = régénération non rythmée pour préserver le plus possible l’ambiance forestière (195 ha)
  3. 87 hectares de coupes sanitaires résineuses
  4. Fin 2024 : 350 ha de régénérations sont amorcés et 340 ha où le renouvellement est d’ores et déjà assuré par des plantations

 

* Les régénérations naturelles classiques sont déclenchées entre 80 et 120 tiges à l’hectare.

Enrichir les régénérations naturelles pour augmenter la résilience de la forêt

Plantation de chêne sessile et de chêne pubescent plus résistant à la chaleur pour enrichir la régénération naturelle en place - ©DE VREYER Elodie / ONF

L’enrichissement des régénération naturelles s'appuie sur deux piliers

1. La diversification avec l'introduction de plants de chênes sessiles venant de zones plus sèches, appelée migration assistée. Elle va permettre des recombinaisons génétiques originales dont certaines pourront contribuer à une adaptation aux nouvelles conditions de milieu générées par le changement climatique. Cela se produirait naturellement sous l’effet de la sélection naturelle, mais la vitesse du changement climatique impose d’accélérer le processus.

2. L'introduction d'autres espèces d'arbres capables d‘accompagner les chênes. Le chêne a côtoyé pendant longtemps le hêtre. Ce dernier a été le premier à subir les effets du changement climatique déstabilisant l’ambiance forestière propice aux chênes. Il faut désormais trouver des remplaçants. Le maintien de l’ambiance forestière (c’est-à-dire la lumière, l’humidité, la température) est indispensable pour diminuer les effets de la hausse des températures à venir.

Tester de nouvelles espèces d’arbres capables de s’adapter aux évolutions climatiques : les îlots d'avenir

80 ha d'ilots d'avenir ont été implantés dans les forêts publiques de l'Allier - ©photo ONF

Le scénario du GIEC prévoit une hausse des températures moyennes de 3,4°C d’ici à 2070 pour la France. Dans l’Allier, cela implique que 70 % des peuplements de Chênes et de Hêtres sont en situation de vulnérabilité. Toutefois, il est difficile de prévoir une réponse homogène notamment avec les effets de relief, versants sud ou nord et les fonds de vallée qui peuvent être propices à certaines espèces… Quoi qu’il arrive, tout le monde s’accorde sur le fait que la résilience des forêts passe par une diversité en espèces d’arbres plus importante. En plantant de nouveaux arbres dans des îlots d’avenir, l'ONF cherche à connaître ceux qui demain sauront résister aux climats plus chauds et secs. En trois ans, 300 000 plants, dont 100 000 en forêt de Tronçais d’essences autochtones sur le territoire et exotiques ont été introduits : chêne pubescent, chêne vert, chêne liège, douglas, séquoia sempervirens, cèdre de l’atlas… L’objectif : connaître l’adaptabilité de ces essences au contexte local et aux évolutions climatiques. Des plantations en plein ont été réalisées mais aussi des enrichissements de régénérations naturelles, c’est-à-dire en introduisant quelques plants de manière diffuse dans des régénérations naturelles de chênes. 

Les chiffres clefs des forêts publiques de l'Allier

Surface forêt domaniale de l'Allier
27 250
hectares

Nombre d'hectares à renouveler
1187
hectares

690 ha où le renouvellement a commencé dont 340 ha par plantations. Les travaux sont en cours sur 150 ha dont 121 ha de plantations.

Nombre d'hectares plantés
340
hectares

dont 230 ha plantés en enrichissements des régénérations naturelles et 80 ha d’îlots d’avenir - 303 184 plants installés dont plus de 54 % uniquement de chêne (variétés et provenances)

Coûts des travaux de reconstitution des parcelles forestières
3,9
millions d'euros

dont plus de 1.8 millions pour les plantations

Surface en ilots de vieux bois, dédiés à la biodiversité en complément du réseau déjà existant
3
%

500 hectares en libre évolution

Arbres habitats conservés au titre de la biodiversité
11 764

(chiffre 2024)

Bois dépérissants récoltés
46
%

Depuis 2020, 64 000m3 de chêne dépérissant en moyenne chaque année. 14 000 m3 de hêtre dépérissant récoltés depuis 2020.

Une gestion forestière à 360 degrés

Le parti pris est d’accompagner les forêts à passer ce cap difficile en retardant certaines opérations sylvicoles traditionnelles et en exploitant les arbres qui n’ont plus d’avenir. Une gestion fine et réactive pour garder les possibilités de régénération naturelle partout où c’est possible, mais aussi optimiser les corridors écologiques avec des zones de bois morts, source de biodiversité et de résilience. Cette gestion forestière à 360 degrés témoigne de l'engagement de l'ONF pour une sylviculture durable et adaptative, assurant la pérennité de nos précieuses chênaies pour les générations futures.

Aujourd'hui, nous mettons en place des stratégies variées qui permettront à un forestier dans le futur de s'appuyer sur notre expérience pour faire des choix de gestion éclairés

Samuel Autissier, directeur ONF Berry-Bourbonnais