Les réserves biologiques intégrales du massif de Fontainebleau étudiées à la loupe

L’ONF entame un nouveau cycle de suivi des 1 060 ha de réserve biologique intégrale (RBI) du massif de Fontainebleau. Espèce, diamètre, hauteur, bois mort, micro-habitats... tous les paramètres y sont analysés. Ce suivi dendrométrique reconduit tous les 10 à 20 ans apporte des données précieuses sur leur évolution. A compter du 6 février, durant 3 semaines, les forestiers naturalistes effectueront l’inventaire dans la réserve biologique intégrale de la Tillaie.

Dans les réserves biologiques intégrales (RBI), l’empreinte de l’homme est rare. Au cœur du massif forestier de Fontainebleau, en Seine-et-Marne, elles sont des lieux de conservation uniques évoluant librement depuis plus de 150 ans pour certaines. Fontainebleau en compte 7 couvrant 1 060 hectares sur les 1 350 ha de RBI en Île-de-France.

Ici, la nature s’exprime en un mélange de branches cassées, vieux bois et arbres morts en quantité. Cette "anarchie" apparente assure la conservation d’insectes qui se nourrissent ou vivent dans le bois mort. Certains, rarissimes en France comme le lucane cerf-volant, le grand capricorne ou le pique-prune, y trouvent un habitat privilégié.

La richesse écologique des RBI tient principalement aux peuplements forestiers matures composés de vieux arbres. La survie de plus de 20% des espèces animales et végétales forestières en dépend directement.

Grand Capricorne (Ceramby cerdo), espèce classée d’intérêt communautaire. - ©Olivier Rose / ONF

Connaître le patrimoine naturel des réserves biologiques intégrales

Observer la dynamique naturelle d’une forêt en libre évolution figure parmi les objectifs des suivis lancés en 2022 par les agents de l’Office national des forêts (ONF).

En parcourant les forêts en libre évolution, ils inventorient les peuplements forestiers.  Ils interviennent dans le cadre du Protocole de suivi dendrométrique des réserves forestières (PSDRF) qui repose sur un réseau de points fixes géoréférencés, appelés "placettes permanentes". Dans un rayon de 20 mètres, ils collectent différentes données sur tous les arbres - vivants, dépérissants ou morts -, qu’ils soient debout ou au sol.

Sur chaque point géoréférencé, "on recense les essences présentes, leurs mensurations (hauteur et diamètre) et on évalue la régénération (présence ou non de semis). Ensuite, on étudie les différents compartiments des arbres en décrivant les micro-habitats présents dans chaque arbre", explique Morgane Souche, cheffe de projet biodiversité à l’agence Île-de-France Est.

Les micro-habitats est le nom donné aux spécificités des arbres qui servent de nourriture ou d'abri et ainsi favorisent le développement d’organismes vivants. Ce sont par exemple des cavités dans les vieux bois, des champignons, des fentes et écorces décollées, des tapis de mousses ou lichens... Tous ces micro-habitats sont décrits durant les inventaires.  

Relevés des micro-habitats effectués sur les vieux arbres. - ©Claire Tenu / DR.

Les gros bois et vieux arbres constituent un élément essentiel pour l’accueil d’une partie de la biodiversité (entomofaune, avifaune, mammifères, bryophytes, lichens, champignons). Cela s'explique en grande partie par la présence d’une grande diversité de micro-cavités dans les vieux bois, champignons, fentes et écorces décollées, tapis de mousses ou lichens...

Morgane Souche, cheffe de projet biodiversité à l'agence Île-de-France Est de l'ONF

Suivre l’évolution des RBI à travers le temps

Lancé en 2022, il s’agit du second état des lieux complet des réserves biologiques intégrales, le premier ayant eu lieu en 2007. Sur le massif de Fontainebleau, le protocole a démarré l’année dernière par la réserve biologique intégrale du Gros Fouteau. En 2023, l’ONF se charge d’effectuer celui de la RBI de la Tillaie.

Au total, quatre ans seront nécessaires pour couvrir les 1 060 ha de RBI. In fine, les données de cette nouvelle campagne d’inventaire contribueront à une meilleure compréhension de la dynamique des peuplements forestiers du massif de Fontainebleau. Elles permettront aussi de mesurer l’écart entre les parcelles gérées et celles laissées en libre évolution.

De cette manière, en repassant aux mêmes endroits tous les 10-20 ans avec les mêmes relevés, l’ONF évalue les effets du temps sur les RBI tout en analysant l’état de conservation de leur boisement.

Depuis son déploiement en 2005, le Protocole de suivi dendrométrique des réserves forestières (PSDRF) s’appuie sur un dispositif scientifique national. Il est identique à tous les gestionnaires de réserves naturelles en France avec qui l’ONF mène des programmes de recherche et d’échanges d’informations.

Un héritage des peintres de Barbizon

La stèle en mémoire des peintres Millet-Rousseau à Barbizon - ©Guillaume Larrière / ONF

En forêt de Fontainebleau, les peintres de l’École de Barbizon portés par Théodore Rousseau et Jean-François Millet obtiennent la protection paysagère d’une réserve de 1 000 hectares, dite artistique, en 1861 par Napoléon III. Avant la création du premier parc national de Yellowstone (États-Unis), la forêt de Fontainebleau deviendra le premier espace naturel au monde à bénéficier d’une mesure de conservation de la nature. Depuis 1953, le statut de protection de ces parcelles a été confirmé par un classement en réserve biologique intégrale. Aujourd’hui, les plus anciennes réserves biologiques intégrales de France reprennent en partie ces réserves artistiques de Fontainebleau.

 

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