A la recherche du Rhysode sillonné en forêt domaniale des Fanges
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Inventaire entomologique en forêt domaniale des Fanges (Aude) visant le Rhysode sillonné
La forêt domaniale des Fanges, située dans le département de l’Aude sur un plateau calcaire karstique, est caractérisée par une sapinière-hêtraie dominée par la présence de sapins pectinés. Elle s'étend à une altitude comprise entre 700 et 1100 mètres. Ancienne forêt royale, cette forêt historique fait partie des sapinières méridionales. Riches en biodiversité, les forêts de ce type abritent de nombreuses espèces rares et jouent un rôle crucial dans le maintien des écosystèmes locaux.
©Arnaud SaguerFabien Soldati, animateur de réseau naturaliste entomologie à l'ONF, Thomas Barnouin, responsable du laboratoire national d'entomologie forestière de I'ONF et Mathieu Bez, stagiaire au laboratoire national d’entomologie forestière de l’ONF s’installent et commencent l’inventaire visant l’étude du Rhysode sillonné, permis notamment par le financement de la Mission d'intérêt général "Biodiversité et Paysage".
©Arnaud Saguer
Le réseau entomologie est l’un des six réseaux naturalistes dont dispose l’ONF. Le suivi qu'il mène aujourd'hui est essentiel : les Rhysodes sont des arthropodes jouant un rôle clé dans le fonctionnement des écosystèmes et sont utilisés comme bio-indicateurs. Leur présence fournit des informations précieuses sur la qualité de l'environnement et sur l'impact des pratiques forestières.
L'ONF utilise ces données pour ajuster sa gestion des massifs, minimiser les impacts négatifs des activités humaines, et améliorer les conditions de vie pour une multitude d'autres espèces. Cela permet de maintenir des écosystèmes forestiers équilibrés et sains.
Le Rhysode sillonné, Rhysodes sulcatus, détecté dans l’Aude pour la première fois en 1998 près de la forêt des Fanges, est une espèce d’intérêt patrimonial rare. Découverte pour la première fois en 1850, dans le Pays basque, cette espèce est aujourd'hui en situation de refuge dans l’ouest de l’Europe. Elle est cependant en abondance dans les ripisylves du Danube et dans les forêts de montagne en Europe de l’Est. L'habitat de cet insecte se situe principalement dans une tranche altitudinale comprise entre 450 et 1000 mètres.
Le Rhysode sillonné est considéré comme une relique de forêts primaires, réservoirs de biodiversité qu’il est indispensable de protéger.
Le milieu de vie du Rhysode est caractérisé par des troncs morts, majoritairement au sol, coloniés par de la carie rouge cubique, une dégradation fongique provoquée par la présence de champignons lignivores. Dans la forêt domaniale des Fanges, sa présence est avérée dans des troncs dont le diamètre est supérieur à 30 cm, condition nécessaire pour que le bois en décomposition préserve une humidité suffisante.
Les larves et les adultes semblent être saproxylophages (qui ne consomment que le bois en décomposition), bien que leur régime alimentaire soit encore mal connu. Ils vivent soit en tant qu'individus isolés, soit en petites colonies dans les interstices du bois colonisé par des champignons. Les filaments blancs présents sur la photo sont du mycélium.
Thomas et Mathieu examinent un tronc équipé d’un des dispositifs de capture. Les troncs favorables conservent une grande humidité constante et indispensable au Rhysode qui a besoin d’un environnement ni sec ni détrempé. La présence de champignons lignivores favorise la dégradation du bois et jouent un rôle déterminant dans le choix d’implantation de l’insecte.
Les insectes, rappelons-le, sont essentiels à de nombreux processus écologiques tels que la pollinisation, la décomposition de la matière organique et la régulation des populations d'autres organismes. En les étudiant, les entomologistes de l'ONF peuvent mieux comprendre ces processus nécessaires à la bonne santé des forêts. Ces connaissances orientent ensuite des pratiques de gestion qui soutiennent ces nombreux services écologiques.
Les deux naturalistes procèdent désormais à la relève de l’un des pièges. Ces derniers, aussi appelés "fence traps", sont relevés chaque semaine pendant toute la période de l’étude. Totalement inoffensifs, ils sont constitués d’une barrière en plexiglas placée perpendiculairement sur la partie supérieure des troncs couchés, forçant les insectes à la longer. La seule issue est un entonnoir, puis un contenant en plastique équipé d’une grille fine afin d’éviter d’y piéger des micro-mammifères. Le contenu de chaque flacon est méticuleusement identifié puis inventorié sur une fiche de relevé.
©Arnaud Saguer
Une fois récoltées par les entomologistes, toutes ces données serviront aussi à enrichir la base de données nationale e de manière concrète : elles seront envoyées au Museum national d’Histoire naturelle qui les analysera et les compilera.
Chaque année, les entomologistes de l’ONF versent d’ailleurs plus de cent mille données scientifiques indispensables à la protection de la biodiversité dans nos forêts à l’Inventaire national du patrimoine naturel.
Thomas et Mathieu poursuivent l’inventaire et relèvent par des gestes précis un autre de leurs pièges sur une parcelle caractéristique de la forêt des Fanges. Elle est composée de sapins pectinés d’une hauteur de 30 à 35 mètres pour un âge estimé entre 130 et 180 ans. Un cortège d’autres essences accompagnent ces géants, composé majoritairement de hêtres, de noisetiers, de frênes ou de tilleuls…
©Arnaud SaguerFabien Soldati, animateur de réseau naturaliste entomologie à l'ONF, procède à l’analyse visuelle du contenu de l’un des pièges afin d’identifier les espèces présentes. L’étude en cours sur le Rhysode et son absence dans la totalité des flacons étudiés le jour du reportage, permet de déduire qu’après une période d’intense activité en mai-juin, l’insecte semble rentrer dans une période de repos lors de la saison estivale. Le trouver est alors plus complexe et nécessite une prospection approfondie des parties friables des troncs, où sa présence est avérée.
©Arnaud SaguerThomas identifie à la loupe un des insectes pris au piège dans l’un des 37 dispositifs de captures installés dans la forêt domaniale des Fanges : un coléoptère du genre Ampedus. L’identification est souvent liée à des caractéristiques morphologiques invisibles à l’œil nu. Sur le terrain et sur des insectes vivants, l’usage de loupes est indispensable mais n'est pas toujours suffisant. Le travail d’identification est bien plus aisé au laboratoire grâce aux stéréo microscopes à fort grossissement à disposition.
©Arnaud SaguerLa qualité d’une étude naturaliste comme celle-ci tient notamment à l’efficacité et au bon fonctionnement des pièges mis en place. Ici, Thomas répare l’un d’entre eux. Chaque relevé fait l’objet d’un ajustement en fonction des changements qui peuvent survenir. Il est parfois nécessaire de revoir l’ajustement des dispositifs car les troncs peuvent bouger ou se dégrader davantage, rendant la capture inefficace.
©Arnaud SaguerThomas et Mathieu progressent dans la forêt baignée de brume. Les Fanges se trouvent à la confluence d’un climat méditerranéen et océanique, sur une charnière climatique. À l'ouest, des forêts montagnardes bénéficient d'un climat frais et humide, tandis qu'à l'est, les Corbières profitent d'un climat sous influence méditerranéenne. La forêt est principalement arrosée par la brume plutôt que par la pluie.
©Arnaud Saguer
Détour par Quillan, au laboratoire national d'entomologie forestière de l'ONF où Fabien présente une importante collection de référence des coléoptères de France. Ce laboratoire joue un rôle crucial : les naturalistes y identifient de nombreux spécimens grâce à cette collection et aux nombreux ouvrages disponibles, y saisissent leurs données et peuvent profiter de l'encadrement des membres du laboratoire.
Localisé dans le sud de la France, au cœur d’une zone densément forestière des Pyrénées, il contribue activement à la recherche pour la protection des écosystèmes forestiers.
Clémence Pillard, chargée d'étude en entomologie forestière au laboratoire, procède à une identification au stéréo microscope dans le cadre d’un autre programme d'étude utilisant des pièges d'interception amorcés à l'éthanol. La vaste collection du laboratoire permet une identification simplifiée car elle offre la possibilité d’observer les individus de référence conservés dans des boîtes, triés par genre et par espèce.
©Arnaud Saguer
Spécimens de Rhysode sillonné présents dans la collection du laboratoire d’entomologie forestière de l’ONF. C’est une espèce inscrite en annexe II de la Directive Habitats-Faune-Flore. Les nombreuses études et inventaires, comme celui que les entomologistes ont conduit aujourd’hui, permettent de suivre et d'évaluer la biodiversité des forêts domaniales depuis bientôt vingt ans.
Un travail indispensable à la surveillance de l’état de santé des forêts françaises que forestiers et naturalistes tentent chaque jour de rendre plus résilientes face au changement climatique.