Découverte de la Grande Noctule en Provence-Alpes-Côte d'Azur
Une chauve-souris migratrice et forestière
La Grande Noctule (Nyctalus lasiopterus) est une grande migratrice, capable de parcourir plusieurs centaines de kilomètres à travers l'Europe. Préférant les arbres pour se loger, elle utilise souvent les anciennes loges de pics. Classée « vulnérable » sur la liste rouge de l'IUCN en France, du fait d’un effondrement de ses populations, elle est également classée comme espèce prioritaire dans le Plan National d’Actions (PNA) en faveur des Chiroptères 2016-2025.
Malgré des mentions régulières via l'acoustique dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la Grande Noctule restait mal connue. Les informations essentielles telles que les types et localisations des gîtes, les zones de chasse, les corridors de déplacements, les statuts reproducteurs et les tendances de population étaient manquantes.
Premières captures et suivi
En 2023, après des années de recherche et des centaines de nuits d’écoute, de nombreuses opérations de capture ont été organisées sous l’impulsion d’Asellia dans le cadre du projet SudNoc. Un mâle adulte a été capturé aux confins des Alpes Maritimes, du Var et des Alpes de Haute-Provence. Équipé d’un émetteur VHF, il a été retrouvé dans une loge de pic épeiche, mais a disparu après trois jours.
Expéditions réussies
Forts de cette découverte, l'ONF et Asellia ont organisé deux grandes expéditions en juin et juillet 2024 sur la Montagne de Lure et les Préalpes d’Azur. Plus de 50 individus de Grande Noctule ont été capturés et équipés de petits émetteurs VHF ou GPS, permettant de suivre leurs déplacements et de découvrir leurs gîtes et zones de chasse.
Découvertes remarquables
Les résultats ont révélé 31 arbres gîtes répartis entre le Var, les Alpes-Maritimes et les Alpes de Haute-Provence. La diversité des essences forestières fréquentées est importante : Frêne, Pin Sylvestre, Hêtre, Tremble, Platane, Peuplier,.. Ce sont principalement d’anciens trous de pics qui sont occupés par des petits groupes de 1 à 31 individus. Un comptage simultané en sortie de gîte a estimé la population des Préalpes d'Azur à un minimum de 70 individus.
Comportement de "fission-fusion"
Des échanges quotidiens entre différents arbres gîtes ont été observés, un phénomène appelé « fission-fusion [CV1] », typique des espèces arboricoles. Ce comportement limite la prédation et le parasitisme en permettant de déserter les gîtes vulnérables ou infestés. Une colonie peut ainsi utiliser sur l’année plusieurs dizaines voire centaines d’arbres gîtes.
Des trajectoires de vol impressionnantes
Grâce aux GPS, les trajectoires de vol ont été retracées, montrant des capacités de vol impressionnantes pour ces chauves-souris de 50g. Certains individus ont parcouru plus de 140 km en une nuit, traversant le golfe de Saint-Tropez au-dessus de la mer pour chasser sur la presqu’île de Ramatuelle avant de regagner leur gîte montagnard.
D’autres individus, en gîte dans la vallée du Jabron dans les Alpes de Haute-Provence ont traversé la montagne de Lure par des cols à 1400 m pour aller chasser en basse Durance vers Peyrolles-en-Provence ou pour trouver de nouveaux gîtes dans le Luberon.
©Olivier Vinet/ONF
©Vincent Parmain/ONF
©Olivier Vinet/ONF
Première femelle capturée
A l’heure actuelle, seules des populations de mâles ont été mises en évidence. La première femelle de la région a été capturée sur la montagne de Lure, en octobre 2024, conduisant à la découverte d’un réseau de gîtes déjà utilisé par les mâles en été.
Perspectives d'avenir
La poursuite du projet en collaboration avec les propriétaires, gestionnaires et partenaires devrait permettre d’améliorer les connaissances et peut-être découvrir les premiers gîtes de mise bas pour la région, contribuant ainsi à la préservation de cette incroyable espèce.
Les arbres gîtes découverts en 2024 ont été marqués afin d’être préservés et une réflexion est en cours pour l’identification des arbres les plus favorables dans les secteurs de gîtes.