Quel bilan pour les forêts après un été hors norme ?

Impossible d’échapper à ce qui s’est joué durant l’été 2022 dans les forêts françaises. Un état des lieux établi à la mi-septembre annonçait 70 000 hectares détruits par les flammes. Les chercheurs de l’Office national des forêts (ONF) sont à l’œuvre pour limiter les pertes et bâtir des solutions mais ils nous alarment néanmoins.

Lorsqu’on l’interroge sur l’étendue des dégâts, Erwin Ulrich, pilote de la mission adaptation des forêts au changement climatique à l’ONF, redoute « un bilan catastrophique » et surtout disséminé des impacts. En effet, ce n’est qu’à partir de l’automne jusqu’en début d’année prochaine que s’établiront les diagnostics de bonne ou de mauvaise santé des forêts. Il faudra donc attendre quelques semaines encore afin d’avoir une vision claire sur l’état des lieux des forêts.

Ce qui est certain, c’est que les professionnels et les acteurs de terrain ont tous fait remonter l’ampleur inédite et la violence des feux qui ont dévoré les forêts cet été. A ces incendies ponctuels, s’ajoutent les effets répétés des sécheresses qui frappent l’Hexagone. Certaines essences d’arbres sont plus résilientes et résistantes que d’autres, tel que le pin noir d’Autriche planté par exemple en Ardèche, Drome provençale et en Midi-Méditerranée pour sa moins grande vulnérabilité, cependant toutes les essences n’ont pas cette caractéristique heureuse. En raison de ces phénomènes extrêmes, le coordinateur de l’ONF alerte sur la mise en danger d’un très grand nombre d’essences en France, comme le chêne, le hêtre ou le sapin.

A noter que les bouleversements climatiques ne sont pas les seules menaces qui planent sur nos forêts. Parmi d’autres exemples, on pourrait parler ici de l’épidémie de scolytes qui frappe durement les pessières, forêts d’épicéas, depuis l’année dernière. Les scolytes sont des insectes ravageurs qui s’attaquent tout particulièrement aux arbres les plus affaiblis, y élisent domicile, prolifèrent et commettent des dégâts de grande ampleur. A ce propos d’ailleurs, Erwin Ulrich est très clair : en France, en plaine et dans les collines, l’essence épicéa est désormais une espèce en voie de disparition. On ne la retrouvera plus qu’en montagne.

D’où la très grande importance de voir les consciences s’éveiller et les acteurs redoubler d’efforts pour ne pas voir disparaître un arbre comme le chêne dont les feuilles nous sont si familières ; ou encore le sapin, essence très répandue sur le territoire français, qui peut atteindre des hauteurs fantastiques, si on lui en laisse le temps.

Quelles solutions pour la survie de nos forêts ?

Les chercheurs de l’ONF travaillent de concert avec le RMT (Réseau Mixte technologique) AFORCE et se basent notamment sur les travaux du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) afin d’anticiper au maximum l’évolution et la bonne croissance de nos forêts.

« Cela fait plusieurs années que l’ONF a décidé d’être actif et de ne pas juste observer le déluge qui se produit. C’est un devoir que nous avons vis-à-vis de la population de garder une forêt où on puisse trouver tout pour s’épanouir, s’y promener, mais aussi créer des produits bois, comme des meubles et des maisons. Si nous voulons pouvoir garantir ça sur les 100 ans à venir, c’est aujourd’hui que ça se décide ! » explique Erwin Ulrich.

Pour cela, il est possible de faire voyager les essences ! Certaines d’entre elles ne poussant pas naturellement en France sont importées de l’étranger par de nombreux forestiers, depuis quelques années déjà. Elles sont plantées et étudiées afin d’évaluer leur caractère résilient face à la répétition et au renforcement des changements climatiques. Ces arbres migrateurs apportent en leur bagage une plus grande résistance aux fortes sécheresses ce qui constitue une partie de la solution. Citons en exemple le cèdre qui fait partie de ces essences d’avenir particulièrement à l’étude.

On citera ici, le projet « Esperense » mis en place par l’ONF afin de tester un certain nombre de nouvelles essences à planter. A l’issue de cette évaluation, l’idée est de voir lesquelles peuvent être les plus solides face au dérèglement climatique, assurant ainsi une exploitation pérenne.

En forêt, tous concernés !

Là où l’ONF joue également un rôle primordial, c’est dans le domaine de la prévention. La population française aime ses forêts mais elle ne les connaît pas très bien et ne sait pas toujours comment s’y bien comporter. Par la diffusion de bonnes pratiques, l'ONF participe à informer les petits et les plus grands sur les comportements à avoir en ces lieux magiques. Malheureusement, les méga feux dont les flammes dévorent le patrimoine forestier français chaque été sont souvent dus à l’inattention de ses visiteurs. Un mégot mal éteint, le vent qui emporte la braise et la forêt s’embrase.

Au-delà des propositions formulées par le gouvernement et des fonds supplémentaires accordés pour la prévention sur les risques d’incendie en forêt, Erwin Ulrich souligne surtout la nécessité de tous s’y mettre et de relever les manches ! Il a bon espoir car malgré les grands feux ravageurs de l’été 2022, ce ne sont jamais 100 % de la forêt qui ont disparu et la nature possède encore l’immense pouvoir de renaître de ses cendres.

Les forêts françaises séculaires, splendides et fragiles nécessitent donc toute notre attention de citoyen. 

Par cet engagement, nous évitons les incendies, nous anticipons les risques, nous assurons un bois de qualité, des meubles made in France, de jolis jouets en bois mais surtout nous formulons la promesse d’inoubliables promenades à l’ombre de quercus et abies alba.