“J'aime les forêts travaillées et soignées par l'Homme"

On l’appelle l’artiste-semeur. Fabrice Hyber aime les arbres et consacre une grande partie de son art à représenter cet écosystème, la puissance du végétal et sa mutation. Pour Culture F, la nouvelle rubrique de l'Office national des forêts (ONF) dédiée à la création inspirée des forêts sous toutes ses formes, il répond à nos questions.
Entretien avec Fabrice Hyber, "l'artiste-semeur"

La forêt est omniprésente dans vos œuvres : quelle relation entretenez-vous avec elle ?

La forêt est un lieu d’inspiration parcouru dans mes œuvres et dans ma vie tout entière. Déjà enfant, je récupérais les graines de mes arbres préférés pour les faire germer. C’est ce qui m’a donné envie plus tard de réaliser le projet de ma vie : semer avec l’aide de mon père plus de 100 000 arbres dans la vallée vendéenne où j’ai grandi. J’ai planté toute une forêt dans ce lieu que mes parents exploitaient et que j’ai acheté lorsque j’étais étudiant pour protéger mes parents et l’environnement. Aujourd’hui, j’aime m’y promener.

Je suis fasciné par le fonctionnement de la forêt et son écosystème. Nous, les humains, copions son modèle. Dans la ville par exemple, nos habitations sont semblables à des habitats naturels. La ville est organique, comme la forêt. Je trouve aussi incroyable d’observer à quel point la nature sait reprendre ses droits partout où elle le peut. Il suffit d’un espace inhabité, d’une friche, pour voir le végétal se déployer et se transformer. Comme si elle ne supportait pas le vide.

Depuis son plus jeune âge, l'artiste trouve son inspiration au coeur de la forêt et se plaît à l'intégrer dans chacune de ses oeuvres. - ©Alice Audoin

Quel type de forêts vous attire le plus ?

Pour moi, les plus inspirantes ne sont pas seulement les forêts primaires, mais celles où l’humain se trouve, agit, et dont il peut prendre soin. J’aime les forêts qui reflètent un mode de vie. Ce sont celles-ci que l’on retrouve le plus dans mes œuvres. Les forêts avec des multitudes d’essences : on y apprend beaucoup de choses, davantage que dans une forêt monoculture.

La représentation de l’arbre est une constante dans vos créations ?

Pour beaucoup d’entre elles, oui. Au départ, ce n’était d’ailleurs pas tant l’arbre que je souhaitais représenter, mais plutôt le concept de germination. Puis je me suis aperçu que cet arbre, avec ses racines, s’imposait naturellement. Il n’existe pas dans la réalité. C’est une représentation qui surgit à l’aide du mélange entre dessins et écritures. Puis je recherche alors l’arbre ou la plante qui y ressemble… et souvent je le trouve : surprenant.

Fabrice Hyber, Paysage de mesures, 2019, Huile et fusain sur toile, collection de l'artiste. - ©Fabrice Hyber

Quels sont vos projets à venir mettant en lumière ce monde de la forêt ?

Il y a notamment l’exposition de l’été prochain à Shangai, baptisée "Trees" et financée par la fondation Cartier. Elle racontera l’histoire de la forêt que j’ai plantée dans ma vallée natale vendéenne. Je vais y présenter une maquette de la vallée avec des documents d’archives et sur les murs une douzaine de grands tableaux puis un film documentaire.

Lors d’une autre exposition à New York en 2022 puis à Marfa en plein Texas, je présenterai L’Homme de Bessines, du nom de la commune des Deux-Sèvres pour laquelle j’ai créé cette œuvre en 1991. Il s’agit de sculptures de bonhommes verts, un homme universel contemporain, percés par une dizaine de trous d’où jaillissent des filets d’eau. Cette œuvre, déjà exposée ailleurs dans le monde, met en lumière le concept de mutation et de partage.

J’aimerais aussi, prochainement, réaliser un projet très personnel auquel je tiens énormément. J’ai parcouru ces dernières années de nombreux pays, avec l’idée de trouver quatre lieux proches de la Vendée d’un point de vue climatique et biologique. Là-bas, dans des terres encore inexploitées, je rêve de semer et de planter à nouveau des arbres… jusqu’à ce que de grandes et belles forêts se dressent, majestueuses, devant nous.

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