La forêt d’Orléans, poumon vert géant
Une longue piste gravillonnée de blanc, et à perte de vue, des troncs effilés, surmontés de chaudes frondaisons automnales. "Des chênes, un beau pin sylvestre à l’écorce saumonée au-dessus d’un tapis de fougère aigle et de bruyère callune, voilà la forêt d’Orléans", s’exclame Thomas Wrobel, forestier à l’Office national des forêts (ONF).
Avec ses quatre massifs, Orléans, Ingrannes, Chateauneuf et Lorris-Les Bordes, il s’agit de la plus grande forêt domaniale de France, immense poumon vert s’arquant d’Orléans à Gien, en accent circonflexe au-dessus de la Loire.
Jadis, l’endroit se trouvait au cœur de la forêt des Carnutes, ces légendaires boisements de la Gaule hirsute où une fois l’an, se réunissaient les druides. Aujourd’hui aux portes d’Orléans, avec des départs de sentiers dès le parking de la route de Goumiers, "sa grande planéité, avec une altitude moyenne de 120 mètres, le rend facilement accessible à tous les marcheurs et les vététistes," explique Thomas Wrobel.
A condition toutefois, de ne pas craindre de salir ses chaussures de randonnée ou les roues de son vélo. Car dès l’automne, les sous-bois de la forêt d’Orléans s’engorgent : "C’est une forêt que l’on dit 'mouilleuse' en raison de son relief très peu marqué et de son sous-sol argileux, commente Thomas Wrobel. Pour nous autres forestiers, c’est un vrai défi en matière de gestion, car avec le réchauffement climatique, nous passons de la sécheresse marquée à une forte humidité."
La forêt en détails
massif d’Orléans
massif d’Ingrannes
massif de Châteauneuf
massif de Lorris-Les Bordes
en moyenne
pin Laricio, pin maritime
Un millier de mares à découvrir
Patouillerie, les Grenouillères, carrefour des Bois-Bains… rien que le nom des lieudits avertissent du caractère humide du site, synonyme certes de boue et d’ornières, mais surtout d’une multitude de mares et d’étangs ainsi que de points d’eau apparaissant et disparaissant au gré des précipitations. Ce sont eux qui confèrent à ces anciennes forêts ecclésiales leur personnalité singulière.
Dès le Moyen-âge, moines et propriétaires successifs, pour drainer les lieux, y creusent de nombreux plans d’eau. Hier utilisés pour l’élevage du poisson, aujourd’hui alliés de la gestion forestière, ils recueillent le trop-plein des pluies et redonnent de la fraîcheur aux arbres en cas de forte chaleur, à l’image des étangs de Goumiers que Thomas Wrobel compare à un véritable "petit Canada".
Au bord de l'étang de Goumiers, l’automne est magnifique : hêtres et trembles y virent soudainement au jaune, et les chênes rouges, à l’écarlate...
Autre curiosité de la forêt, son sous-sol troué par les gouffres, le ruissèlement des eaux perçant les affleurements de calcaire de cavités plus ou moins profondes. "On compte une trentaine de gouffres sur tout le massif d’Orléans, précise Thomas Wrobel. Le plus impressionnant est sans doute celui de Sans-Ronce, découvert par hasard dans les années 1950 et qui à lui seul draine plus de 40 hectares de forêt. Depuis quelques années, l’ONF a donc mis en place une convention avec une association de spéléologie qui assure son entretien ainsi que des actions d’animation et des inventaires naturalistes." Au creux d’un vallon tapissé de feuilles mortes, frissons garantis face à l’étroit boyau fermé d’une grille...
A la pêche avec le Balbuzard
Les nombreux étangs de la forêt d’Orléans attirent aussi un pêcheur pour le moins inhabituel, le Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus), l’un des rapaces les plus rares de France. "C’est un grand oiseau qui en vol est facilement repérable à son poitrail marbré de blanc et de noir," précise Gilles Deboisse, responsable de l’unité territoriale de Lorris à l’ONF.
Pour tenter de l’apercevoir, direction cette fois-ci l’étang du Ravoir, à Ouzouer-sur-Loire. Dans les années 1970, les forestiers y découvrent avec surprise un imposant tas de branchages au sommet d’un vieux pin isolé. Après avoir boudé l’Hexagone pendant près d’un siècle, cette "aire" marque le grand retour du Balbuzard dans la région. Depuis une trentaine d’années, le grand rapace y fait fréquemment escale et s’y reproduit au retour de sa migration hivernale.
Douceur du climat, proximité de la Loire, que demander de plus ? "Les étendues de ce grand massif forestier sont par ailleurs pour lui gage de tranquillité, analyse le forestier. Finalement, on n’a rien trouvé de mieux que le calme pour protéger les oiseaux." Les forestiers ont par ailleurs adapté la programmation de leurs travaux et de leurs coupes aux exigences et à l’agenda du rapace, qui grand migrateur, chaque année quitte la Loire en septembre pour voler vers l’Afrique.
Depuis 1996, l’ONF aide donc au suivi des jeunes nés dans les massifs d’Ingrannes et de Lorris : "Tous sont bagués avec l’aide de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et de l’association Loiret nature environnement." Enfin, une caméra fixée près d’un des nids permet de suivre la nidification d’un couple en direct, non pas depuis un sentier mais sur internet.
Retour aux sources dans le massif de Lorris
A vol d’oiseau ou à pied, les étendues de la forêt d’Orléans peuvent paraître sans limites, et un abri sûr. En 1944, le maquis de Lorris, pour désorganiser les troupes de l’occupant, tire parti de la profondeur des boisements. Le carrefour de la Résistance, impressionnant carrefour en étoile aux huit routes s’enfonçant dans la forêt, y perpétue une triste mémoire, celle du 14 août 1944, où dix-huit résistants sont fusillés par l’ennemi. Aujourd’hui, croix et ruines de deux maisons forestières incendiées rendent hommage au sacrifice de ces combattants de l’ombre, dans un lieu de mémoire documenté par une application.
Orléans a toujours été une forêt propice pour se cacher. Elle a donc joué un grand rôle que ce soit pendant les invasions romaines, les guerres de religion ou jusqu'aux maquis de la Seconde Guerre mondiale.
Découvrez l'interview de Thomas Wrobel, forestier à l'ONF, pour Sud Radio
La visite peut se poursuivre par une balade au fil du sentier des sources, accessible via le Carrefour du signal, au point culminant du massif de Lorris, le Haut-du-Turc. Le parcours y est jalonné par de petits ouvrages en maçonnerie, qui autrefois, servaient à capter les résurgences du site, à l’image du conduit de 600 mètres de long qui jadis alimentait les maisons forestières et les résistants qui s’y étaient cachés.
Chemin faisant, le promeneur traverse des ambiances forestières très différentes, verdoyantes et bucoliques : "Le vallonnement et les nombreux points d’eau créent ici une mosaïque de microclimats à l’image de la Fontaine-au-Roy, ombragée par un chêne magnifique et d’une fraîcheur exceptionnelle même en été." Comme quoi, la plaine de l’Orléanais n’a rien à envier au bocage normand...
Des carrefours royaux à la bonne étoile
Dans le massif d’Ingrannes, les étangs sont aussi présents : certains furent créés de toutes pièces pour alimenter le canal d’Orléans. A partir de la fin du XVIIe siècle, celui-ci, en reliant la Loire à la Seine, permettait l’acheminement du bois vers la capitale. Aujourd’hui, ce paysage de zones humides constitue un véritable havre de biodiversité, avec la présence au creux de ses roselières de libellules rares ou d’oiseaux migrateurs, comme la belle Aigrette garzette, dont on peut apercevoir les nuées blanches au-dessus des miroirs d’eau.
De grands carrefours en étoile, autrefois empruntés par les chasses à courre royales – dès l’avènement d’Hugues Capet, le lieu appartient en effet à la couronne de France – permettent de passer de plan d’eau en plan d’eau mais aussi d’accéder aussi à d’autres surprises forestières.
Un totem, au détour d’un sentier ? Il s’agit de l’une des œuvres de l’itinéraire Forest Art, tout au long duquel cinq artistes ont transformé le tronc d’arbres morts en sculptures monumentales.
Plus loin, sur les rives de l'étang de la Vallée, un sentier accessible à tous, le sentier des Carnutes, fait appel aux cinq sens, amenant à l’aide de pupitres sensoriels à la découverte des mystères du bois mort ou des différentes essences de la forêt. Des grands chênes du temps des druides à l’avenir de la forêt d’Orléans, il n’y a qu’un pas, à condition de passer par l’arboretum du Chêne à deux jambes. Cette plantation, à l’emplacement d’une pépinière forestière datant de 1870, prend tout son sens avec le réchauffement climatique. Deux magnifiques séquoias gardent l’entrée de cette "arbrothèque" issue des quatre coins du globe.
Douglas bleu et cyprès de l’Arizona pourraient faire partie des essences d’avenir. Ils se caractérisent par leurs feuillages bleutés, car ils possèdent sur leurs aiguilles davantage de stomates, des ouvertures qui leur permettent de transpirer et de se protéger plus facilement des rayons solaires en été…
Un dernier étang pour la fin ? Celui de Jarnonce avec ces douglas verts originaires de l’Ouest américain et son Cyprès chauve nommé aussi Cyprès de Louisiane, à l’allure mystérieuse, est étonnant - parfois, il suffit d’un arbre pour être transporté à l’autre bout du monde.
Informations pratiques :
- l'accès aux étangs de Goumiers se fait par les départs de sentier au parking de la route de Goumiers ;
- l’étang du Ravoir est accessible par la route forestière du même nom, à Ouzouer-sur-Loire ;
- le gouffre des Sans-Ronce est accessible uniquement dans le cadre d’une sortie spéléo, via la RD101, puis la route forestière jusqu’au carrefour de l’Émerillon, à Chanteau ;
- le carrefour de la Résistance et le sentier des Sources à Lorris se découvrent par la route forestière des Bordes ;
- le sentier Forest Art Orléans : par la route des Etangs et le carrefour des Etangs ;
- le sentier des Carnutes commence à partir du parking de la base de loisirs de l'étang de la Vallée à Combreux ;
- l’arboretum du Chêne à Deux Jambes est accessible par la RD9 entre Boiscommun et Combreux ;
- l’étang de Jarnonce : au départ du Carrefour du Gué d’Ingrannes par la RD 143 entre Vitry-aux-Loges et Ingrannes.