Régénération des forêts après un incendie : comment la forêt se reconstruit 3 mois, 1 an et 11 ans plus tard
Comment la forêt renaît-elle après un incendie ? Quelles sont les actions mises en œuvre par l’ONF ? Pour mieux comprendre les mécanismes de régénération et le rôle des forestiers, les experts de la Défense des forêts contre les incendies (DFCI) ont accueilli dix-sept médias nationaux et régionaux dans le massif de la Gardiole (Hérault). Trois sites incendiés à 3 mois, 1 an et 11 ans d’intervalle ont permis d’observer concrètement les actions menées à court, moyen et long terme.
Régénération des forêts après un incendie : comment la forêt se reconstruit 3 mois, 1 an et 11 ans plus tard
3 mois après l'incendie : priorité à la sécurisation
L’incendie du 5 juillet 2025, le deuxième incendie le plus important de 2025 en France, a parcouru plus de 261 hectares près du Col de la Tortue, à proximité de la bergerie de Saumade dans le massif de la Gardiole. Trois mois après, les traces de l’incendie sont encore bien visibles sur les arbres calcinés, pins parasols et chênes verts.
Le feu s’est propagé rapidement et avec une intensité remarquable. Un incendie d’une telle ampleur, aussi tôt dans la saison, reste exceptionnel.
Armand Aninat,
coordinateur DFCI34 à l'ONF
La première urgence est de sécuriser les lieux afin de protéger les personnes et prévenir les risques secondaires. Certains accès ou secteurs en forêt peuvent être temporairement interdits au public afin de protéger les usagers, car des arbres fragilisés par le feu peuvent chuter à tout moment.
Un peu de verdure s'aperçoit déjà sous les arbres calcinés. C’est principalement le chêne Kermes qui repart. Le taillis de chêne vert pourra repartir également, mais il faudra intervenir en le coupant à ras de terre afin de lui permettre de repartir de la souche.
Les pins aux troncs calcinés, pas totalement détruits, seront mis à la vente pour alimenter les chaudières locales.
Site incendié le 5 juillet 2025 près du col de la Tortue, à proximité de la bergerie de Saumade (Massif de la Gardiole)
1 an après l'incendie : sécuriser et valoriser
Le sentier du Mouchas, dans le massif de la Gardiole, a été incendié le 18 août 2024. Un an après, on peut y observer des repousses de certaines espèces. La majorité des bois brûlés a été retirée, ce qui a permis de travailler sur trois volets :
la sécurisation des lieux lorsque les arbres brûlés étaient à proximité des chemins et voies d’accès ;
la prise en compte de l’aspect paysager du site qui paraît moins « sinistre » une fois les arbres calcinés retirés ;
la valorisation des bois par la transformation des bois brûlés en plaquettes forestières (bois énergie pour alimenter les chaudières collectives sur le plan local).
Dans certains cas, il peut arriver que les arbres trop abîmés soient laissés sur place, notamment pour enrichir naturellement les sols.
Si l’objectif est de reconstruire la forêt à long terme, il est important de ne pas précipiter les décisions, car il ne faut pas sous-estimer la capacité de régénération naturelle des forêts. Pour cette zone, située à proximité du ruisseau du Mouchas, l’ONF mise sur cette régénération naturelle, permise par les graines présentes dans le sol, ainsi que les rejets de souches de chênes verts.
Pour cette zone, située à proximité du ruisseau du Mouchas, c’est le choix d’une plantation d’îlots d’avenir de faible surface dans un but paysager et expérimental qui est prévue en novembre 2026, avec des essences méridionales, censées être plus adaptées au climat futur comme le caroubier, l’Arganier, le pin des Canaries.
Il est important de souligner que le reboisement n’est pas systématique, et qu’avant de réintroduire des essences, les forestiers étudient toujours attentivement le secteur incendié.
L’objectif n’est pas de remplacer les essences locales, mais d’expérimenter. D’un point de vue paysager, cela va apporter un vert différent. De plus, réintroduire des essences produisant des fruits comestibles, rappelle le passé agricole de ce secteur.
Guylaine Archevêque,
directrice de l'agence ONF Hérault-Gard
11 ans après l'incendie : accompagner la régénération naturelle
Le 31 juillet 2014, un incendie a ravagé une quarantaine d’hectares à Gigean, dans le massif de la Gardiole. Au cours des onze années passées, les forestiers de l'ONF ont suivi attentivement l’évolution de ce territoire pour observer la manière dont la forêt s'est reconstruite.
Dans un premier temps, la régénération naturelle a permis à la végétation de se reconstituer partiellement. Mais, quelques années après l’incendie, elle s’est révélée insuffisante pour assurer un véritable retour de la forêt.
Pour accompagner la régénération naturelle, l'ONF a réalisé des plantations sur cinq hectares. Avant l'incendie, le peuplement se composait principalement de pins d’Alep et de pins pignons, avec quelques chênes verts sous forme de taillis. L'ONF a choisi de diversifier les essences en introduisant frênes à fleurs, micocouliers, oliviers, érables de Montpellier et autres résineux, en remplacement des pins pignons plantés dans les années 60-70.
Malheureusement la canicule de l’année suivante a eu raison de ces plantations, seuls 22% des jeunes plants ont résisté, permettant d’avoir un début de diversification.
Dix ans après le passage du feu, sur certaines parties, nous avons vu arriver la régénération naturelle de pins d’Alep. Le pin d’Alep se régénère bien grâce au feu, c’est une de ses particularités.
Julien Carette,
technicien spécialisé DFCI
Sur le long terme, chaque incendie est source d’apprentissage. Il permet d’adapter l’aménagement du territoire, de renforcer les dispositifs de défense des forêts contre les incendies (voies d’accès, citernes…) et de mieux préparer les forêts aux risques climatiques à venir.
La saison estivale en France a été marquée par deux épisodes caniculaires et une sécheresse prolongée. Près de 15 000 départs de feu ont été enregistrés, touchant une surface de plus de 30 000 hectares de végétation, toutes catégories confondues : forêts et autres types de végétations.
Parmi ces incendies, près de 1 800 concernent des feux de forêt qui représentent une surface brûlée proche des 20 000 ha.
Ce bilan, bien que supérieur aux moyennes observées entre 2006 et 2021, reste « relativement favorable » comparé à d’autres pays européens. Ceci grâce aux stratégies de prévention qui fixent notamment des obligations de débroussaillement (OLD) et l’attaque massive des feux naissants afin d’éviter leur propagation.
95% des départs de feu sont éteints avant d’atteindre les 5 hectares.
Christophe Chantepy,
expert national DFCI à l'ONF
Sans l’incendie exceptionnel survenu à Ribaute le 5 août 2025, dans le massif des Corbières (Aude), avec plus de 11 300 hectares ravagés, les surfaces brûlées auraient été proches des moyennes historiques.
Cependant, si ces stratégies de DFCI se révèlent efficaces, comme on peut l’observer sur le graphique représentant l’évolution des surfaces annuelles incendiées, il est essentiel de sensibiliser le plus possible le grand public. En effet, 90% des départs de feu sont d’origine humaine, le plus souvent lié à une négligence.
L’efficacité des dispositifs mis en place et la vigilance citoyenne ont permis de limiter les dégâts, mais l’incendie de Ribaute nous rappelle que le risque d’un feu majeur reste bien réel.