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Incendies dans le massif des Corbières : le courage et le professionnalisme exemplaires des agents de la DFCI

Dans le département de l'Aude, au cœur de l’été, le mardi 5 août 2025, il est presque 16 h quand l’ogre des Corbières voit le jour. En quelques heures seulement, cet incendie hors-norme a détruit 36 maisons, près de 12 000 hectares de forêt, 700 hectares de vignobles sur 17 communes. Une histoire qu’on aurait préféré ne pas vous raconter : celle de Stéphane Libes et de Christophe Cocula, rattachés aux services audois de la DFCI à l’ONF. Retour sur leur mobilisation.

Stéphane a dormi les volets à l’espagnolette. Ce 5 août, alors que les étoiles s’éteignent, c’est la tramontane qui l’éveille. La bise occitane siffle déjà fort et amène avec elle une fraîcheur bienvenue au cœur de la canicule dont on parle sur toutes les ondes. Aujourd’hui, il n’est pas de service, mais il reste en alerte. Coordonnateur DFCI sur tout le département de l’Aude, c’est son métier que de prévoir et planifier les actions de l’ONF face au risque incendie. Depuis le début de l’été, plusieurs feux de forêts ont déjà frappé les audois.

Ce jour-là, tout était propice à ce que les massifs s’embrasent de nouveau : le vent, la chaleur ambiante, l'aridité."

Stéphane Libes, coordonnateur DFCI sur le département de l’Aude

Il est midi quand Christophe, de son côté, entame sa journée de travail. En période de risque incendie, le responsable de l’unité territoriale (UT) de l’Ouest audois remplit des missions DFCI très spécifiques dans le cadre du dispositif forestier de prévention (Mission d'intérêt général DFCI). Aujourd’hui, il sera en patrouille sur le terrain, aux côtés d’Éric Rouanet, technicien forestier. De midi à 20 h, les patrouilleurs sont les yeux du centre opérationnel départemental d’incendie et de secours (CODIS).

Ce jour-là aux commandes depuis la base, c’est Jérémie Tapin, le cadre forestier de permanence, qui encadre leurs actions de surveillance en forêt. Par radio, il leur communique leur circuit et les renseignements à relever : l’état de la végétation, le niveau de sécheresse, l’évaluation du risque incendie. Sur sa consigne, Christophe et Éric prennent alors le chemin des Corbières. Ce massif, façonné par la présence des pins d’Alep typiques des paysages méditerranéens, est un site classé Natura 2000. Ce couloir de migration pour de nombreuses espèces d’oiseaux sur le littoral languedocien, est écrasé par un soleil au zénith. Bientôt, plus aucun battement d’ailes, seules les flammes. Mais cela, Christophe et Éric l’ignorent encore. En début d’après-midi, ils poursuivent leur mission du côté de la commune de Ribaute. Rien à signaler.

Ce n’est qu’aux alentours de 16 h que le calme et la torpeur sont rompus à Ribaute : au bord d’une route qui serpente dans la pinède, l’Ogre des Corbières voit le jour.

Jérémie prévient Christophe. Les pompiers vont avoir besoin de nombreuses informations, très précieuses, et ce très rapidement : coordonnées du départ de feu, vitesse de propagation, direction, villages immédiatement menacés, accès pour les véhicules de secours... Le relai de ces informations est d’une importance vitale : elle assure la réactivité des pompiers qui adaptent les moyens à déployer. Lorsqu’il arrive sur place, au départ de feu, Christophe comprend tout de suite qu’il va falloir aller très vite. Les consignes DFCI sont claires : privilégier la sécurité de tous, tout en répondant aux besoins du poste de commandement. Même si les flammes sont encore loin d’eux, elles sont déjà hautes. 
 

"En quelques minutes, les flammes avaient déjà atteint une force et une hauteur incroyable. Entre 30 et 50 mètres de hauteur"

Christophe Cocula, responsable de l’unité territoriale (UT) de l’Ouest audois

Christophe et Éric se dirigent ensuite vers le hameau de Jonquières. Tout autour, la végétation arborée est très dense, très sèche : un combustible idéal. Sur place, il n’y a déjà plus de liaison téléphonique. Lorsque le maire et ses administrés voient nos deux collègues arriver, « le soulagement se lit sur leur visage », confie Christophe. Appliquant scrupuleusement les consignes DFCI avant l’arrivée des pompiers, Christophe et Éric avisent l’édile de l’état de progression de l’incendie. Le maire prend la décision de faire évacuer la commune. Ils repartent alors et progressent ensuite sur le flanc droit de l’incendie.

Avancée du feu de Ribaute - ©ONF

Au même instant, Stéphane lui, se charge du flanc gauche. Il n’était pas de permanence ce jour-là, mais lorsque son responsable de pôle DFCI, Romain Ducup-de-Saint-Paul le prévient, c’est l’appel de la forêt qu’il reçoit. Il se fait confirmer l’autorisation d’intervenir, enfile sa tenue et prend la route. À présent, le mercure atteint les 35 degrés, la tramontane près de 50 km/h, attisant inlassablement le brasier.

Dans sa voiture, Stéphane a tout le matériel DFCI nécessaire à la patrouille : il allume sa tablette afin d’être géolocalisé par Jérémie Tapin. Sur sa radio analogique, Stéphane jongle entre les canaux des pompiers et des secours. Il se rend à Ribaute où les pompiers vont installer leur poste de commandement et tenter de « noyer » le feu. Mais comment noyer un ogre botté de sept lieux ?

L’incendie est trop fort, ils reculent. Stéphane et un de ses collègues partent alors en direction de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse où le feu se dirige. L’objectif est toujours le même : renseigner les pompiers urgemment. Balayant l’azur aoûtien, le panache de fumée envahit désormais tout le ciel. « Il faisait nuit en plein jour. À ce stade, le feu était en propagation libre, comme si rien ne le ralentissait. Il a atteint jusqu’à 9 km/h et a même sauté la départementale ». La force de la tramontane a démultiplié l’incendie et les sautes de feu sont légion. 

Estimant la direction du vent, Stéphane comprend que la prochaine étape sera Durban-Corbières. Dans le village, les flammes dévorent déjà les platanes centenaires. Une fois encore, notre collègue apporte son concours aux pompiers afin de faire évacuer les lieux.  

23 h. Stéphane, Christophe, Éric et les autres collègues finissent par prendre un peu de repos. À peine quelques heures de sommeil et le lendemain, Christophe assurera la mission de cadre forestier permanent, relayant Jérémie. Stéphane lui, équipé de son indispensable équipement de sécurité, regagnera le terrain. 

L’Ogre des Corbières ne mettra genou à terre que quelques jours plus tard.