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Réserve biologique dirigée de la Savane-roche Virginie

La réserve biologique dirigée (RBD) de la Savane-roche Virginie se trouve en forêt domaniale de Régina - Saint-Georges (973).

Localisation

  • forêt : Forêt domaniale de Régina - Saint-Georges
  • commune : Régina 
  • département : Guyane (973)
  • région : Guyane

Identité

  • date de création : 21/11/2022
  • surface : 1 600 ha
  • catégorie UICN d'aire protégée : 4
  • code national INPN : en attente
  • code international Protected planet : en attente

Gestion

  • direction territoriale ONF : Guyane

La réserve biologique dirigée de la Savane-roche Virginie se trouve dans le nord-est de la Guyane, à une dizaine de kilomètres au sud de Régina et environ 80 km de Cayenne, dans un contexte géologique rare pour le territoire. Au cœur de la réserve, un inselberg (de l’allemand Insel : île et Berg : montagne), de nature granitique, émerge de la canopée forestière et culmine à 138 m de hauteur. Outre le panorama exceptionnel qu’il offre, ce massif rocheux porte une végétation particulière et forme un milieu original et patrimonial que l'on qualifie de savane-roche.

Ce vocable de savane-roche, propre à la Guyane, désigne une mosaïque d’espaces de roches nues, de formations végétales basses et de bosquets d’espèces arbustives, adaptées aux conditions extrêmes de ce milieu particulier : chaleur, sécheresse, sols très superficiels.

Autour de la savane-roche, la réserve est composée d’une forêt présentant un niveau de naturalité élevé avec des espèces végétales tout à fait originales, dont certaines sub-endémiques de la réserve à l’échelle de la Guyane.

Le site est concerné par la ZNIEFF de type 1 "Savane-roche Virginie", elle même incluse dans la ZNIEFF de type 2 "Criques Kourouaï, Capiri et Païra". Il est également recensé au titre de l'inventaire du patrimoine géologique de la Guyane.

L’inselberg de la Savane-roche Virginie est le plus accessible de la bande littorale, où se concentre la population guyanaise. Depuis le début des années 2000, il est devenu un site touristique très fréquenté. Cet enjeu reste très important dans la gestion de la réserve biologique.

Histoire

Avant les années 1990, le site de la Savane-roche Virginie était peu accessible. Aucune étude et aucune gestion sylvicole n’avaient donc eu lieu dans les forêts de la future réserve. 

En 1990, la Savane-roche Virginie fait l’objet d’investigations par plusieurs botanistes qui accédent au site depuis la rivière Mataroni (une des limite naturelles de la réserve). Une première ZNIEFF est décrite en 1992, qui sera confirmée en 2014. 

En 2004, l'ouverture de la RN2 ("toute de l'Est") de Régina à Saint-Georges-de-l’Oyapock entraîne une hausse de fréquentation du site grâce à un accès beaucoup plus aisé.

Avec l'ouverture de cette route et le premier aménagement de la forêt domaniale de Régina Saint-Georges, des exploitations ont eu lieu dans les forêts alentour, mais celles du site de la future réserve n'ont pas été concernées. Elles ont conservé un niveau très élevé de naturalité.

En 2015, une étude est réalisée préalablement à la mise en place d’un sentier d’accueil pour la sensibilisation du public et la préservation de la Savane-roche Virginie. Le sentier est réalisé en 2016.

Enfin, confirmant les enjeux de protection d'un patrimoine naturel remarquable autant que d'accueil raisonné du public, la réserve biologique est créée en 2022.

Géologie - Pédologie

L'originalité de la réserve de la Savane-roche Virginie tient en premier lieu à celle de sa géologie, dont découlent les habitats naturels, la flore et la faune.

L’inselberg principal est constitué de granite caraïbe très résistant et que l'érosion a dégagé en un inselberg. Ce type de milieu représente moins de 0,5% de la surface de la Guyane. Mais cet élément spectaculaire, qui occupe 70 ha sur les 1 600 ha de la réserve, n'en est pas la seule originalité.

Bien que les roches éruptives et cristallines soient très présentes en Guyane (64% de sa superficie), une autre particularité de la réserve tient au fait qu’elle inclut des leucogranites peralumineux, qui ne représentent que 0,1 % de la surface de la Guyane, uniquement dans l’est du territoire. Les filons et sills de basalte et les microgabbros (7% de la RBD) sont également rare à l’échelle de la Guyane (0,6%) et forment des arêtes caractéristiques dans le relief de la réserve. Enfin, sur 2% de la surface, on trouve des cuirasses latéritiques et des chaos rocheux formés par leur effondrement, à l'origine d'habitats particuliers supplémentaires pour la flore et la faune.

Globalement, la rareté de ce contexte géologique et le fort isolement de la Savane-roche Virginie (c'est en outre un des rares sites de ce type à proximité du littoral) font qu'elle héberge des espèces localisées, dont certaines sont même des endémiques.

Milieux naturels

Inselberg et cours d'eau mis à part, la réserve de la Savane-roche Virginie est entièrement composée de forêts qui sont de divers types en fonction de la géologie, des reliefs et des milieux par conséquent plus ou moins humides : 

  • forêts ripicoles, de bas fonds et de talwegs humides (41.11 selon la typologie du Catalogue des habitats forestiers de Guyane) ;
  • forêts des basses vallées fluviales à wapa et maho rouges (41.41) ;
  • forêts des collines irrégulières à mahos, wapa et amarante (41.42).

Parmi ces dernières, deux variantes présentent un intérêt régional fort : les forêts sur inselberg et savane-roche (41.42i) et les forêts sur cuirasse latéritique (41.42c).

Outre la forêt, la savane-roche présente une diversité d’habitats naturels :

  • la roche nue ou avec une végétation principalement herbacée et basse ;
  • dans les dépressions sur rochers, de petites mares temporaires avec une flore originale et servant pour la reproduction des amphibiens ;
  • des fourrés d'arbrisseaux mêlés d'herbacées ;
  • à l'interface avec la forêt, des lisières, particulièrement riches floristiquement.

Flore

L'originalité floristique du site vient essentiellement des espèces présentes sur la savane-roche elle-même, dont beaucoup d'Orchidées, de Broméliacées et d'Aracées remarquables. Il s'agit souvent d’espèces très spécialisées, xérophiles, adaptées au milieu très contraignant.

Profitant de l'originalité des conditions stationnelles et de l'isolement du site, propice à la présence d'espèces rares et même de phénomènes de spéciation (notamment parmi les Broméliacées), la flore a déjà révélé 10 espèces protégées et un total de 78 espèces déterminantes ZNIEFF. 9 espèces sont très rares voire connues en Guyane uniquement dans la RBD de la Savane-roche Virginie.

Faune

Comme pour la flore, la faune remarquable concerne pour la plupart des espèces particulières aux milieux de savane-roche, mais aussi de chaos rocheux. Ces espèces ont souvent des populations fragmentées, comme le sont leurs habitats au niveau du territoire régional.

Pas moins de 23 espèces d'amphibiens ont été identifiées dans la réserve, dont 5 déterminantes ZNIEFF, et 16 espèces de reptiles dont une déterminante ZNIEFF.  Par exemple, le Leptodactyle de Myers est une espèce de grenouille adaptée aux plateaux de granite et aux inselbergs, qui se dissimule en journée dans des trous humides et frais de la roche ; les têtards se développent dans des mares temporaires durant la saison des pluies.

122 espèces d'oiseaux ont été inventoriées, dont 16 déterminantes ZNIEFF et 34 protégées. Parmi les espèces à enjeu, on peut citer le Faucon orangé, le Coq-de-Roche orange, présent occasionnellement. Le Sporophile curio (ou Pikolèt) et l'Engoulevent noirâtre sont typiques des zones ouvertes et sont à ce titre sensibles à une trop forte fréquentation. 

En ce qui concerne les mammifères, on ne connaît encore que 9 espèces de chiroptères, dont le Mimon doré, rare en Guyane et inféodé aux grotte et abris sous roches. La réserve abrite aussi 3 espèces de singes, l'Atèle noir, le Capucin olive et le Hurleur roux. 

Gestion

L’objectif de la gestion de la RBD de la Savane-roche Virginie est la conservation des habitats naturels et des espèces indigènes de flore et de faune qu’ils abritent. Les menaces principales pesant sur le site sont les excès potentiels de la fréquentation par le public et les espèces exotiques envahissantes (EEE), elles-mêmes favorisées par la fréquentation qui contribue à leur dissémination.

La sentier de découverte et ses aménagements permettent la canalisation, l'information et la sensibilisation du public, qui atteint plus de 7 000 visiteurs par an. Une plaquette de reconnaissance des espèces de la réserve a été réalisée. Des structures de bivouac "en dur" ont été installées afin d'éviter les coupes de bois pour les installations individuelles. Aménagée pour l'accueil du public, la réserve est aussi un espace protégé réglementairement par son arrêté de création, qui interdit notamment : l'apport de feu, le bivouac hors aire aménagée, la création de sentiers, la chasse et la pêche, la cueillette... tandis que les manifestations collectives et l'usage de drones sont soumis à autorisation de l'ONF.

Une EEE en particulier, Coleus monostachyus, prolifère sur le sommet de la savane-roche depuis 2012. Des actions d’arrachage manuel ont été menées conjointement avec la Maison familiale et rurale de Regina, afin d'impliquer et sensibiliser les élèves. En 2019 puis 2023, des cartographies précises ont été réalisées afin de caractériser la progression et mettre en place un plan d’actions adéquat.

La gestion de la réserve comporte aussi un volet d'études visant à enrichir la connaissance de la faune et flore de la réserve, encore partielle. Des inventaires botaniques approfondis et le suivi de la dynamique des habitats de la savane-roche sont en cours, avec pour objectif d'établir un observatoire plus général de la flore et de la faune caractéristiques de ce milieu si particulier. Des inventaires ont été réalisés pour mieux caractériser de la faune de la réserve (avifaune nicheuse, herpétofaune, mammifères). Un premier inventaire herpétologique a eu lieu, qui a ouvert d’intéressantes perspectives de suivi et d’études, comme le premier suivi des amphibiens des cours d'eau, qui a eu lieu en 2025. 

Ressources