Réserve biologique dirigée de Bébour
Créée en 1994, la réserve biologique dirigée de Bébour protège un vaste ensemble de forêts primaires très préservées de l’étage montagnard. Elle abrite également des mares d’altitude remarquables et, au-dessus de 2000 m, des fourrés altimontains. Ces différents types de végétation sont composés majoritairement d’espèces endémiques de La Réunion.
La forêt de Bébour est reconnue pour la beauté de ses paysages et la richesse de sa biodiversité. Depuis 2007, elle fait partie de la zone cœur du Parc national de La Réunion, inscrit depuis 2010 au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
En plus d’une surveillance particulière, des actions de conservation, comme la lutte contre les espèces invasives, sont réalisées pour assurer la conservation de paysages et d'une biodiversité exceptionnels. Des sentiers aménagés permettent aux visiteurs la découverte de ces milieux originaux tout en les sensibilisant à leur préservation.
La RBD de Bébour s'étend d'environ 1200 m d'altitude à 3070 m au Piton des Neiges, sur le versant sud duquel elle est contiguë de la RBD du Grand Matarum, créée dès 1989 dans la forêt départemento-domaniale de Cilaos.
©Blablaprod / ONF
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Histoire
L’île de La Réunion n’est habitée que depuis 350 ans. Cependant, les deux premiers siècles de la colonisation humaine furent marqués par une régression brutale de la surface occupée par les milieux naturels, en raison des mises en valeur agricoles successives et de l'urbanisation. Afin de mettre un terme à ce recul inexorable des forêts originelles, un domaine forestier est instauré dès 1867 sur environ 40 % de la surface La Réunion, grâce notamment à la volonté politique du premier gouverneur créole de de l’île, Hubert Delisle.
La forêt de Bébour, appartenant à ce domaine forestier, a été très préservée des activités humaines et elle est restée très naturelle. Les hommes ont bien essayé de la coloniser, dès le XIXe siècle, où des pionniers s’établirent entre le col de Bébour et la rivière des Marsouins pour y cultiver et y vivre. Mais la faible fertilité des sols et le climat rigoureux découragèrent une véritable implantation.
En 1957, 16 ha étaient encore loués à des particuliers pour l’exploitation des brandes (bruyères) qui donnaient un excellent charbon de bois. A cette même époque, des plantations de Palmiste rouge (endémique) sont entreprises sur plus de 27 ha au niveau de la zone appelée "canton de Duvernay". Moins de la moitié en a été récoltée, le reste a été braconné pour la consommation du bourgeon terminal (cœur de palmier). Cette culture fut donc rapidement abandonnée. En 1964, les premiers Cryptomérias (conifère introduit du Japon) sont plantés sur ces anciennes exploitations. Aujourd’hui, leur bois continue d’être exploité sur cette petite zone de production.
La majeure partie de la forêt de Bébour n’a pas été concernée par l’anthropisation et plus de 74 % ont été classés en réserve biologique dirigée.
©Archive ONF
Géologie - Pédologie
La Réunion est une île relativement jeune (environ 3,5 millions d’années) issue d’un volcanisme encore actif. Elle est presque entièrement composée de roches basaltiques provenant de deux grands systèmes volcaniques : le massif du Piton des Neiges, le plus ancien et qui n’est plus en activité ; le massif du Piton de la Fournaise, qui est un des volcans les plus actifs au monde.
Le Piton des Neiges est entouré par les trois cirques de Cilaos, Salazie et Mafate. Les plateaux de Bébour et Bélouve et la plaine des Marsouins correspondent à un quatrième cirque, dont l'histoire est étroitement liée à celle du volcan du Piton des Neiges. Après un premier effondrement, le cirque a été rempli par des coulées de lave, dont résultent des pentes relativement régulières et faiblement entaillées par des ravines. Les laves ayant rempli cette caldeira font partie de la phase V d’activité du Piton des Neiges, qui s’échelonne entre -40 000 et -10 000 ans. La RBD de Bébour repose sur des coulées de cette phase V, souvent recouvertes de cendres de la phase VI, mis à part les cônes volcaniques.
Le volcanisme a ensuite laissé place à l’érosion, qui a façonné des éléments remarquables sur le massif : la vallée de la Rivière des Marsouins, le Piton Bébour (cône latéral du Piton des Neiges), et le Plateau des Thyms, correspondant à des dépressions inondables issues de zones contournées par les coulées.
Les sols de la RBD sont des andosols. Il s'agit de sols évolués, légers, très poreux et perméables, mais à faible réserve en eau facilement utilisable par la végétation. Ils sont riches en matière organique et très fragiles. Leur dessèchement complet est irréversible : le sol perd sa structure, sa macroporosité et se désagrège.
©Julien Triolo / ONF
Milieux naturels
Les forêts tropicales humides de montagne couvrent plus de la moitié de la surface de la RBD de Bébour. Elles sont caractérisées par une faible hauteur, l'abondance des fougères arborescentes et des épiphytes. On les qualifie des forêts "de nuages". Elles sont composées de nombreuses espèces endémiques de La Réunion inféodées à la zone montagnarde.
Les forêts de bois de couleur des hauts et les forêts de Tamarin des hauts (Acacia heterophylla) constituent les deux principaux types forestiers de la RBD.
Au pied des remparts du Mazerin et du Côteau Monique, on observe également une forêt de piémont caractéristique.
Au delà de 1800 m d'altitude, les forêts de montagne laissent place à la végétation éricoïde qui nappe la réserve jusqu'au sommet du Piton des Neiges. Cette végétation altimontaine est dominée par une bruyère endémique, le Branle vert.
La réserve de Bébour abrite également des mares d'altitude, avec des zones de tourbières tout a fait originales à l'échelle de La Réunion.
©ONF / Blablaprod
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qui donne une couleur grisâtre au couvert forestier
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Flore
La RBD de Bébour abrite plus de 400 espèces connues de végétaux vasculaires indigènes, dont 44 espèces d'arbres, 89 espèces d'arbustes, 160 espèces herbacées et 110 espèces épiphytes ou lianescentes.
On observe un très fort taux d’endémisme, avec 39 % des espèces qui sont strictement endémiques de La Réunion et 19 % d'endémiques de La Réunion et Maurice.
On peut souligner aussi la diversité et l'abondance des ptéridophytes, qui caractérise les forêts de montagne de la RBD. 111 espèces de fougères et 13 espèces de lycopodes indigènes ont été recensées.
La réserve héberge également une grande diversité en bryophytes. 265 espèces ont été recensées, avec un pic de richesse vers l'altitude de 1350 m, où plus de 110 espèces ont été inventoriées.
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Ils sont tous endémiques de La Réunion.
©Julien Triolo / ONFune orchidée.
©Julien Triolo / ONFun arbuste qu'on observe uniquement dans les forêts de montagne de La Réunion
©Julien Triolo / ONFun des arbres les plus abondants dans la RBD de Bébour
©Julien Triolo / ONFet très connu à La Réunion pour le miel qu'il permet d'obtenir
©Julien Triolo / ONFFaune
La RBD de Bébour abrite de nombreuses espèces animales indigènes, dont une grande proportion est endémique de La Réunion.
Tous les passereaux forestiers indigènes de La Réunion sont présents dans la réserve, à l’exception du Tuit-Tuit (Coracina newtoni). On peut aussi y observer le Papangue (Circus maillardi) et le Salangane (Collocalia francica).
La réserve abrite une forte diversité entomologique avec un grand nombre d'espèces endémiques de La Réunion.
Deux espèces de chiroptères ont été recensées : le Petit molosse (Mormopterus francoismoutoui) et le Taphien (Taphozous mauritianus).
Il a un rôle clef dans la dissémination de certaines plantes ligneuses.
©Julien Triolo / ONF(ici un Cratopus endémique)
©Julien Triolo / ONF©Julien Triolo / ONF
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Gestion
L’objectif principal de la RBD de Bébour est la conservation des habitats naturels, de leurs dynamiques et de la biodiversité qu’ils abritent.
Malgré l'état de conservation globalement exceptionnel des milieux naturels de la réserve, plusieurs espèces exotiques envahissantes (EEE) menacent la pérennité de ces milieux et des espèces endémiques. Plusieurs espèces végétales font par conséquent l'objet d'une lutte annuelle par l'ONF, complétée par des actions de restauration écologique, grâce à des financements du Département de La Réunion et de l'Europe. Régulièrement, de nouvelles espèces exotiques s'implantent dans la réserve, apportées par les vents, les ravines, les oiseaux... Depuis 2003, une veille est organisée afin de les détecter précocement et les éliminer rapidement. Ces chantiers de lutte, notamment contre le Raisin marron (Rubus alceifolius), concernent en particulier des stations d'un arbre rarissime, Badula fragilis, qu'on ne trouve que dans les forêts de piémont situées au pied du Mazerin et de Duvernay.
Néanmoins, une grande partie de la réserve reste très difficile d'accès et est classée en libre évolution.
La RBD de Bébour est parcourue par plusieurs sentiers de randonnée, dont le GR®R1 et le GR®R2 et le sentier du Piton de Neiges. Des sentiers botaniques et d'interprétation ont été créés dans la réserve pour sensibiliser les visiteurs à la beauté, l'originalité et la fragilité des milieux forestiers de montagne, baignés dans les nuages.