Sapin de Sicile : création du premier refuge génétique en Isère
Une espèce rare au bord de l’extinction
L’Abies nebrodensis, ou sapin de Sicile, est une espèce emblématique et méconnue qui ne subsiste plus que dans de hautes crêtes rocailleuses au nord de la Sicile dans le parc naturel régional des Madonies. Ce sapin a vu sa population s’effondrer à cause de plusieurs siècles de pressions humaines : feux de forêt, défrichements pour l’agriculture et surpâturage par les troupeaux locaux. Aujourd’hui, seuls une trentaine d’individus survivent à l’état naturel, répartis sur une surface de 80 hectares.
Les analyses de pollen montrent que cette espèce était autrefois présente en abondance sur l’île, il y a environ 5 000 ans. Cette disparition illustre les conséquences de la pression humaine sur les écosystèmes. Outre sa valeur patrimoniale, le sapin de Sicile représente un enjeu stratégique face au changement climatique. Sa rareté et ses caractéristiques uniques en font une espèce à protéger.
Une première en France
En novembre 2024, une initiative lancée 4 années auparavant par Erick Salvatori, responsable ONF de l’unité Oisans-Matheysine, a connu une première concrétisation, dans la forêt communale de Marcieu, en Isère. Grâce à une collaboration internationale entre l’ONF et les forestiers italiens, le premier îlot de conservation génétique de sapin de Sicile a été implanté en France. Les graines, environ trois kilos, ont été collectées dans un verger conservatoire en Toscane, puis envoyées en France. Cultivées avec soin pendant trois ans à la pépinière ONF de Guémené-Penfao, elles ont donné naissance à de jeunes plants robustes et acclimatés aux conditions locales.
Sous la direction de Franck Minarik, technicien forestier, les élèves du lycée forestier Sylvacampus ont participé activement à la plantation des premiers arbres sur un site situé à 900 mètres d’altitude. Cette collaboration était essentielle pour installer ces plants sur une ancienne coupe liée à des dépérissements, où les reboisements précédents avaient échoué. Au total, 400 plants ont été mis en terre grâce à l’intervention conjointe des étudiants et de l’agence travaux ONF Isère.
Un atout pour les forêts de demain
Le sapin de Sicile présente des caractéristiques particulières qui pourraient en faire un candidat pour renforcer la résilience des forêts françaises face au changement climatique. Sa tolérance potentielle à la sécheresse, couplée à sa lente croissance, en fait un arbre capable de s’adapter à des conditions difficiles. Toutefois, ces mêmes caractéristiques exigent des conditions de plantation optimales.
Afin de favoriser la survie de ces jeunes plants, les forestiers ont également pris soin d’éviter les zones où la végétation établie risquerait d’étouffer les jeunes pousses. Des protections individuelles ont été installées autour de chaque arbre pour les prémunir contre les agressions des ongulés.
Une ambition partagée
Cette première plantation constitue une étape majeure, mais elle ne représente qu’un début. En 2025, l’ONF prévoit d’identifier d’autres sites adaptés à l’implantation du sapin de Sicile. Ces nouveaux essais permettront d’étudier plus en profondeur les besoins écologiques de l’espèce et de multiplier les chances de succès de sa conservation.
Ce projet bénéficie du soutien financier de la Fondation EDF, via le Fonds ONF-Agir pour la forêt, qui développe le mécénat des entreprises et des particuliers pour préserver et mettre en valeur les forêts publiques. L’implication de ce partenaire souligne l’importance de mobiliser des ressources variées pour protéger les écosystèmes fragiles et favoriser la résilience de nos paysages naturels.
Ce premier refuge génétique, symbole d’espoir pour une espèce en danger, illustre l’efficacité de la coopération entre chercheurs, gestionnaires forestiers et partenaires institutionnels. À terme, il pourrait inspirer d’autres initiatives similaires en faveur des espèces menacées, en France et à l’étranger.