Réserve biologique dirigée d'Archiane
En bordure méridionale des hauts plateaux du Vercors, la réserve biologique d’Archiane correspond à une entité géographique et paysagère remarquable : le cirque d’Archiane, délimité par des falaises de 400 m de haut et au fond duquel se trouve le hameau d'Archiane. Du côté ouest, le cirque est dominé par la non moins spectaculaire montagne du Glandasse, formant l'extrémité sud du Vercors.
Cet ensemble exceptionnel est inscrit à l'inventaire national du patrimoine géologique (INPG) sous l'appellation "Escarpements urgoniens du Cirque d'Archiane : passage plateforme-bassin en Vercors méridional". Il est également concerné par la ZNIEFF de type 1 "Falaises et pieds de falaises de la bordure méridionale des hauts plateaux du Vercors", incluse dans la ZNIEFF de type 2 "Hauts plateaux du Vercors".
La réserve biologique s'étend entre 690 m d'altitude au fond de la vallée du ruisseau d'Archiane, et 1820 m à la Tête du Jardin, sur le rebord des hauts plateaux du Vercors. Le terrain est très escarpé et sous les immenses falaises, les pentes boisées sont encore fortes. De par la configuration en cirque, l’exposition varie d’est à sud et ouest. Il en résulte une diversité remarquable des habitats naturels (forêts, milieux rocheux, ouverts...) et une aussi grande richesse également en espèces végétales et animales qui leur sont associés (Vautour, Bouquetin, Genévrier thurifère...).
La RBD d'Archiane fait partie du PNR du Vercors. Elle prolonge et complète au sud la RNN des Hauts plateaux du Vercors (avec laquelle elle a un recouvrement d'une soixantaine d'hectares). Elle est concernée par deux sites Natura 2000 : la ZPS "Hauts Plateaux du Vercors" dont l'emprise correspond exactement à celle de la RNN, et la ZSC "Hauts plateaux et contreforts du Vercors oriental" qui est un peu plus grande. C’est également un site labellisé espace naturel sensible (ENS) par le département de la Drôme.
Histoire
Sous l'Ancien régime, la forêt de Treschenu était propriété seigneuriale mais les habitants avaient des droits d'usage au bois de construction et au bois de chauffage. La forêt est devenue communale dans les années 1830 et a été soumise au Régime forestier en 1841. En 1972, lors de la fusion des communes de Treschenu et de Creyers, les terrains relevant du Régime forestier et appartenant aux communes ont été transférés en toute propriété à la nouvelle commune de Treschenu-Creyers. En 2019, celle-ci a été intégrée à son tour à la commune nouvelle de Châtillon-en-Diois dont elle est restée commune déléguée. Ainsi, la RBD d'Archiane fait dorénavant partie de la forêt communale de Châtillon-en-Diois.
L’examen de la carte d’état-major du début du XIXe siècle montre qu’une surface importante des versants sous les falaises, qu'ils soient exposées à l'ouest, au sud ou à l'est, semble être demeurée en nature de forêt et peut donc être considérée comme de la forêt ancienne, c’est-à-dire issue d’une continuité historique de l’état boisé. Toutefois, les bas de versants autour du village étaient à l'état de pâturages et se sont reboisés depuis, de même que le versant exposé à l'ouest situé au sud-est de la réserve (Côte chaude et Condamines).
Autrefois, en forêt de Treschenu-Creyers, les bois étaient en partie exploités par lançage, c'est à dire coupés, ébranchés et mis à glisser dans leur longueur dans la pente. Depuis les années 1990, les exploitations n'ont fait que diminuer, à cause de la faible valeur des bois et des difficultés d'exploitation. Depuis sa création et même depuis au moins les années 1970 (beaucoup plus longtemps pour certains secteurs), il n'y a presque plus eu de coupes dans la RBD, qui s'est retrouvée placée en libre évolution.
©ONF
Géologie - Pédologie
Le cirque d’Archiane est situé sur la bordure sud-est des hauts-plateaux du Vercors. Ce massif est constitué d’une succession de terrains sédimentaires accumulés au fond de la mer à l’ère secondaire, il y a 120 millions d’années (Crétacé), puis plissés à l'ère tertiaire au cours de l’orogénèse alpine. Les calcaires urgoniens, faciès récifal de l'étage du Barrémien, très durs, forment l'ossature et les falaises du rebord du Vercors. Ils marquent de façon typique les paysages de tous les massifs calcaires des Alpes externes. Plus bas sur les pentes, abondamment recouvertes d'éboulis, on trouve des calcaires argileux et des marnes.
En fonction des matériaux parentaux et de la topographie, les sols de la réserve sont très variables : sols superficiels sur calcaire dur, sur éboulis ou sur marne, sols plus ou moins profonds (des rendzines aux sols bruns) sur matériaux colluviaux et en bas de pentes.
les parois sont barrées de vires auxquelles s'accrochent les arbres
©Nicolas Bastides / ONFMilieux naturels
Le sud du Vercors et la région du Diois sont un spectaculaire carrefour d'influences alpines et méditerranéennes.
Seulement la moitié de la réserve d'Archiane est concernée par des habitats forestiers, avec notamment : les hêtraies ou hêtraies-sapinières calcicoles thermophiles à Buis (CB : 41.16 - N2000 : 9150) ou neutrocalcicoles en expositions plus abritées et sur sols plus profonds (41.13 – 9130), la chênaie pubescente supraméditerranéenne (41.71) et la pineraie de Pin sylvestre à Buis (42.591), la pineraie de Pin à crochets montagnarde à subalpine à Raisin d'ours à l'approche des hauts plateaux (42.42 – 9430*).
Les habitats rocheuses représentent environ 30% de la réserve : falaises à Potentille à tiges courtes (62.15 – 8210), éboulis instables à Tabouret à feuilles rondes (61.22 – 8120), éboulis grossiers à groupement thermophile à Stipe penné (61.31 – 8130), dalles rocheuses (62.3 – 8230). On trouve parmi ces habitats certains des plus remarquables par leur rareté ou leur importance en tant qu’habitats d’espèces.
Enfin, les formations arbustives et les pelouses représentent environ 20% de la réserve. En particulier, les formations stables à Buis (31.82 – 5110), plus ou moins ouvertes, parsèment les pentes rocheuses impropres à la colonisation par la forêt.
dans le ravin de Pédâne
©ONFsurplombant un versant occupé par la forêt de Hêtre ou de Chêne pubescent
©ONFFlore
La diversité des influences biogéographiques que reçoit le cirque d’Archiane, l'ampleur de l'étagement altitudinal de la réserve biologique (de l'étage suparaméditerranéen au subalpin) et la diversité des habitats naturels s'accompagnent d'une grande diversité floristique. Près de 400 espèces végétales vasculaires ont été inventoriées.
Six espèces sont protégées au niveau national : Sabot de Vénus, Panicaut blanc des Alpes, Gagée jaune, Berce naine, Orchis de Spitzel, Tulipe sauvage. Six le sont au niveau régional : Androsace de Chaix, Lunetière à tige courte, Cytise de Sauze, Raiponce de Charmeil, Silène à pied court, Valériane des débris. La plupart se trouvent dans des végétations ouvertes de falaises ou pelouses, tandis que le Sabot de Vénus préfère les boisements clairs et relativement secs.
La Buxbaumie verte, mousse protégée (PN, DH2) très discrète, contraste également par son écologie : elle se développe sur les bois pourrissants de conifères en situation ombragée et confinée avec une forte humidité atmosphérique.
©ONF
(capsule au centre de l'image)
©Sébastien Laguet / ONFFaune
La faune de la réserve d'Archiane n'est pas moins diversifiée que la flore, allant d'espèces liées aux milieux rocheux chauds et secs et à des espèces adaptées au climat froid qui règne en montagne.
Les falaises et escarpements rocheux du cirque d’Archiane accueillent des espèces d’oiseaux à forte valeur patrimoniale. Le site est devenu un lieu privilégié de nidification du Vautour fauve, avec près de 80 couples depuis sa réintroduction dans le Vercors à la fin des années 90. Depuis 2023, le Gypaète barbu fréquente le cirque. Le Faucon pèlerin, le Tichodrome échelette et le Crave à bec rouge sont aussi présents. Les milieux forestiers sont également favorables à diverses espèces patrimoniales : rapaces nichant en forêt comme le Milan royal et le Bondrée apivore, Tétras lyre dans les forêts claires d'altitude, oiseaux cavicoles creusant ou exploitant les trous d'arbres comme le Pic noir, la Chouette de Tengmalm, la Mésange boréale.
Parmi les papillons de jour, l’Apollon et l’Alexanor (PN, DH4) ont été observés sur les pelouses des vires rocheuses ou secteurs d’éboulis.
Les milieux de la réserve profitent également à divers reptiles. Comme espèces protégées, on recense la Vipère aspic, le Lézard vert, le Lézard des murailles, le Lézard vivipare et la Couleuvre verte et jaune.
Une étude des chiroptères réalisée par le réseau Mammifères de l'ONF a mis en évidence 19 espèces de façon certaine et 4 probables, sur les 31 connues en Rhône-Alpes. Cinq sont inscrites à l'annexe 2 de la directive Habitats : Petit rhinolophe, Grand rhinolophe, Murin à oreilles échancrées, Grand murin, Barbastelle d'Europe. Le cortège de la réserve correspond plutôt à des espèces forestières (Barbastelle, Murin de Bechstein, Sérotine commune, Oreillard montagnard…) dont certaines avec des affinités méridionales et rupestres, tel que le Molosse de Cestoni et le Vespère de Savi.
Depuis sa réintroduction dans le Vercors en 1989-90, le cirque d’Archiane est une des principales zones de rut pour le Bouquetin dans ce massif. Parmi les autres mammifères de montagne, la Marmotte, le Chamois et le Lièvre variable.
©Lila Beltran / ONF
©Stanislas Wroza / UMS Patrinat
Gestion
A l'origine, la réserve d’Archiane avait été créée avec le statut de réserve biologique dirigée, pour pouvoir éventuellement réaliser des interventions au profit d'espèces telles que le Sabot de Vénus. Au fil du temps, la libre évolution s'est imposée comme un choix de gestion : la réserve est dorénavant gérée comme une réserve intégrale, permettant d’observer l’influence des phénomènes naturels spontanés, sans interférence des interventions sylvicoles. Aucune exploitation ou autre intervention n'est prévue dans les peuplements de la réserve, hormis des coupes de sécurisation des bords de chemins et des sentiers balisés ; les bois coupés sont alors laissés dans la réserve.
Un des objectifs de gestion est de concilier la préservation des milieux et espèces, et la fréquentation de ce site exceptionnel. Un sentier de découverte a été aménagé au départ du hameau d'Archiane. La réserve est également traversée par le GR®93 qui monte sur les hauts plateaux au nord et rejoint Bénevise dans la direction opposée.
Un autre enjeu important de la conciliation d'activités humaines avec la préservation du patrimoine naturel, concerne l'escalade, dont le cirque d'Archiane est un haut lieu. En partenariat avec le PNR, le département de la Drôme, les guides de haute montagne, la FFME et la LPO, l'escalade est réglementée saisonnièrement et en fonction de la nidification d'espèces sensibles.
La réserve biologique d’Archiane a fait l’objet de nombreuses études, parmi lesquelles : cartographie des habitats naturels (2015), inventaire de la flore (2024), des chiroptères (2018-2019), de l’avifaune (2019 à 2021). Ces études sont réalisées par les réseaux naturalistes de l’ONF ou par des partenaires externes : CBN, FNE AuRA, experts indépendants…